Exposition professionnelle
- Expositions anciennes
Avant l’interdiction de l’amiante en 1997, les expositions professionnelles à ces fibres ont pu être très élevées dans plusieurs secteurs d’activité : lors de l’extraction, de la transformation et de l’utilisation des matériaux contenant de l’amiante. Il s’agit en particulier de l’industrie minière et du textile, de la fabrication de matériaux et de construction du bâtiment ou encore de la construction navale. Des mesures compilées au niveau international [1], prélevées à postes fixes et comptées en MOCP, ont montré des pics de concentrations pouvant atteindre (après conversion du résultat de f/mL en f/L) environ 800 000 f/Llors de travaux d’isolation dans les navires et dans le bâtiment, 300 000 f/l dans l’extraction minière, 200 000 f/L dans l’industrie textile, 100 000 f/L lors de la fabrication d’amiante-ciment, et 80 000 f/L dans la construction de bâtiments. Les ordres de grandeur des fourchettes des moyennes sont respectivement [5 000 - 300 000] f/L dans la construction navale, [3 000 – 60 000] f/L dans l’isolation des bâtiments, [5 000 – 90 000] f/L dans les mines et l’industrie textile, [3 000 – 60 000] f/L dans la fabrication d’amiante-ciment et [2 000 – 20 000] f/L dans la construction des bâtiments. Ces valeurs correspondent à des situations de travail où de faibles voire aucune mesure de suppression des poussières n’étaient mises en œuvre.
Des vêtements de protection contre la chaleur (gants, leggings, cagoules, manteaux) fabriqués à partir de fibres d’amiante ont été portés par les travailleurs dans des secteurs comme la fabrication du verre, les fonderies de métaux et la fabrication de l’acier [101]. Selon l’âge de ces vêtements, de neufs jusqu’à 8 semaines d’utilisation, et selon les postes occupés par les opérateurs (gardiens, postes chauds, assistants, postes divers), les concentrations moyennes des fibres de longueur supérieure à 5 µm mesurées par MOCP sont comprises entre 0,5 et 26,2 f/cm3, soit entre 500 et 26 200 après conversion en fibres par litre. Par comparaison, mesurées par microscopie électronique, les moyennes des concentrations sont comprises entre 18 000 et 96 000 f/L pour les mêmes critères de fibres. L’auteur indique que les prélèvements en vue de la comparaison entre les deux méthodes de mesurage n’ont pas été effectués simultanément mais portaient sur les mêmes opérateurs vêtus des mêmes vêtements de protection contre la chaleur. L’écart entre le mesurage par MOCP et par microscopie électronique provient du fait que la MOCP ne permet pas de compter les fibres les plus fines, c'est à dire celles dont le diamètre est inférieur à 0,2 µm.
- Niveaux d’empoussièrement actuels
En 2009, la Direction générale du travail a mené une campagne d’évaluation des empoussièrements en fibres d’amiante des couples « matériau-technique » mis en œuvre sur les chantiers de désamiantage. L’évaluation était réalisée par prélèvements sur opérateurs et analysés par microscopie électronique en transmission analytique (META). L’INRS a établi en 2011 un rapport de synthèse des résultats [102] de cette campagne et des recommandations de prévention en milieu de travail. Dans le cadre de cette campagne, les fibres courtes d’amiante (FCA de longueur < 5 µm et de ratio longueur sur diamètre >3), les fibres fines d’amiante (FFA de diamètre compris entre 0,02 et 0,2 µm et de ratio longueur sur diamètre > 3) ainsi que les fibres de dimension dites « OMS » telles qu’elles sont observables par MOCP (longueur > 5µm, diamètre compris entre 0,2 et 3 µm et ratio longueur sur diamètre >3) ont été dénombrées. 265 échantillons ont été analysés correspondant à 29 situations de travail différentes, en termes de techniques de retrait et de matériaux contenant de l’amiante (MCA). La campagne a mis en évidence une forte proportion en moyenne de FCA dans les échantillons (68%) et des proportions similaires de FFA (17%) et de fibres OMS (15%). Les concentrations d’amiante moyenne et maximum pour chaque catégorie dimensionnelle de fibres sont de 14 811 f/L et 256 071 f/L pour les FCA, 1 822 f/L et 51 450 f/L pour les FFA, et 866 f/L et 23 025 f/L pour les fibres « OMS ». Les retraits de plâtres amiantés (jusqu’à 60 443 f/L), de flocages (jusqu’à 29 304 f/L), de bâtiments sinistrés (jusqu’à 21 241 f/L) et de peintures amiantées (jusqu’à 8 580 f/L) sont les plus émissifs, notamment lorsque les techniques de retrait sont agressives (ultra haute pression –UHT- et très haute pression –THP-, burinage, ponçage). L’émissivité ne peut pas être corrélée avec la nature friable ou non friable du matériau. Elle résulte de la combinaison entre le matériau et la technique utilisée pour son retrait [103].
Ces résultats ont conduit les pouvoirs publics à baser la réglementation"travail" en 2012 sur les niveaux d'empoussièrement des processus, et 3 niveaux d'empoussièrements ont été définis (1er niveau : concentration < 100f/L ; 2ème niveau : 100 ≤ C ≤ 6000 f/L ; 3ème niveau : 6000 ≤ C ≤ 25 000 f/L). Selon le niveau d'empoussièrement, les moyens de prévention à mettre en oeuvre sont croissants.
De 2012 à 2015, une campagne de vérification par META des facteurs de protection assignés des appareils de protection respiratoire[104, 105] couramment portés sur les chantiers de désamiantage a confirmé l’importante émissivité des plâtres amiantés et des flocages en lien avec les techniques de retrait utilisées. Lors de cette étude, 718 échantillons sur opérateurs ont été prélevés en situation de travail à l’extérieur et à l’intérieur des masques, sur 6 chantiers de troisième niveau d’empoussièrement a priori, où les opérateurs étaient équipés d’appareils de protection respiratoire à adduction d'air à la demande à pression positive, et sur 3 chantiers de deuxième niveau d’empoussièrement a priori, où les appareils de protection respiratoire portés étaient des TM3P à ventilation assistée. Sur les chantiers de troisième niveau, en ce qui concerne les prélèvements individuels réalisés à l’extérieur du masque respiratoire, les retraits d’enduits, d’insonorisant et de mastic par les techniques respectivement de grenaillage, sablage et grattage ont révélé la présence de chrysotile et d’amosite à des concentrations comprises entre 8 et 154 491 f/L. Les flocages retirés par grattage manuel étaient constitués d’amosite et les concentrations ont été mesurées de 49 à 84 731 f/L. Les calorifuges retirés par grattage manuel étaient composés de chrysotile et de crocidolite à des concentrations comprises entre 6 et 508 f/L. Les plâtres amiantés étaient tous composés de chrysotile. Leur retrait par grattage pneumatique a montré des empoussièrements de 402 à 235 838 f/L, ceux ayant fait l’objet d’un traitement par grattage à l’aide d’un porte-outil télécommandé et par très haute pression, des concentrations comprises entre 74 et 145 290 f/L. 70% des prélèvements à l’intérieur des masques n’ont révélé aucune fibre d’amiante. Pour 7% des prélèvements, les concentrations à l’intérieur des masques dépassent 10 f/L, tous ces dépassements correspondant à des situations de traitement de plâtres amiantés. Le maximum a été mesuré à 336 f/L et correspondait à l’exposition d’un opérateur lors de burinage de plâtre amianté. Sur les chantiers de deuxième niveau, les empoussièrements mesurés à l’extérieur du masque ont concerné des chantiers de burinage de colles de carrelage, de ponçage de colles de sols amiantées à l’aide d’une rectifieuse et de désemboîtage manuel de canalisation en amiante ciment. Tous les matériaux contenaient du chrysotile, les colles de sols contenaient également de l’amosite et les canalisations de la crocidolite. Les concentrations étaient comprises entre 25 et 8 106 f/L pour le burinage des colles de carrelage, entre 2 et 563 f/L pour les colles de sol et entre 3 et 302 f/L pour les canalisations. Toutes les concentrations mesurées à l’intérieur des masques sur ces chantiers de deuxième niveau étaient inférieures à 8,2 f/L.
En 2012 une étude conduite par l’INRS et la CAPEB visant à qualifier un dispositif passif expérimental de prélèvement d’amiante a été menée auprès d’une population de 63 plombiers-chauffagistes volontaires, en vue de les sensibiliser sur leur risque d’exposition à ces fibres [106]. Le badge passif amiante devait être porté par ces professionnels au niveau de la zone de respiration pendant une semaine au cours de leurs interventions de maintenance. Les badges collectés ont été analysés par META (NF X 43-050 (1996)). 35% des badges ont montré la présence d’amiante (les variétés chrysotile, amosite, crocidolite et trémolite ont été détectées). La qualification du débit équivalent du badge passif a permis l’analyse semi-quantitative des badges « positifs » : les concentrations variaient de 4,4 f/L à 634 f/L. Parmi les personnes exposées, la moitié n’avait pas perçu ce risque.
Une campagne de mesurage des niveaux d’empoussièrement dans les activités du second œuvre du bâtiment, spécifiquement les activités de « sous-section 4 » appelée campagne « CARTO » et relevant d’une convention DGT, OPPBTP et INRS, a démarré en 2014. Les premiers résultats de cette campagne portent sur 6 situations de travail pour lesquelles au moins dix mesurages ont pu être effectués. L’étendue des résultats est de 2.1 f/L à 16,7 f/L lors du perçage de revêtements de sol amianté. Elle est de 2,9 à 10,7 f/L lors du perçage de peinture/enduit amianté. La découpe de canalisations en amiante-ciment en milieu extérieur génère des empoussièrements en fibres d’amiante compris entre 2,1 et 11.6 f/L. Lors du démontage de canalisations en amiante-ciment en milieu extérieur, les résultats sont compris entre 3 et 134,4 f/L. Le démontage des toitures montre des concentrations comprises entre 3 et 1574 f/L. Le démoussage des toitures entraine des concentrations allant de 3 à 267,3 f/L. Ces premiers résultats résultent de modes opératoires intégrant la mise en œuvre effective de moyens de protections collective comme l’aspiration à la source et le mouillage des matériaux, par des personnes formées à la prévention des risques liés à l’amiante, et dont les interventions ont été réalisées sous la surveillance d’un superviseur OPPBTP ou CARSAT [107].
En 2015, une revue des expositions à l’amiante chrysotile lors de travaux sur chaussée amiantée a été réalisée à partir des données de suivi de 53 chantiers menés en France métropolitaine [108]. Dans cette revue, les auteurs se sont intéressés aux mesures environnementales effectuées en limite de chantier et dans la zone de chantier, ainsi qu’aux mesures sur opérateurs lors de différentes situations de travail. Parmi les 302 mesurages recueillis, 173 étaient des mesures sur opérateurs et 129 des mesures environnementales. En limite de chantier, toutes les analyses environnementales ont un résultat inférieur à 5 f/L ; dans la zone de chantier, la valeur maximale est de 14,5 f/L. En ce qui concerne les concentrations mesurées sur opérateurs, les opérations de sciage et de burinage ont montré respectivement des valeurs maximales de 95,6 et 968 f/L. L’étendue des concentrations est de 3,5 à 69 f/L pour le conducteur de la fraiseuse, celle du conducteur de la pelle est comprise entre 1,25 et 13,3 f/L. Le régleur au sol est exposé à des concentrations comprises entre 1,5 et 32,7 f/L, et les opérateurs au sol chargés des reprises de tas de fraisats à la pelle manuelle pour effectuer le nettoyage de la zone entre 1,5 et 39,4 f/L. Les concentrations maximales relevées sur les opérateurs sont inférieures à 5 f/L lors du thermo-décapage, de l’enrobage à froid, de la réparation de nid de poule, du carottage, du dépavage ou du décroûtage. Si cette étude a porté uniquement sur le mesurage du chrysotile, il convient de préciser que 10% des échantillons analysés ont néanmoins été signalés comme présentant des fibres d’actinolite.
Dans le cadre de leurs obligations réglementaires et d’accréditation COFRAC, les organismes du contrôle de l’amiante en milieu de travail doivent renseigner le résultat des mesurages de l’amiante sur opérateurs dans la base SCOLA. Une extraction des données est mise à disposition du public à l’aide de l'application SCOL@miante (http://scolamiante.inrs.fr). Cette application, interrogée par triplet « type d’activité (sous-section 3 ou sous-section 4) », « matériau » et « technique », permet d’évaluer l’empoussièrement a priori mesuré par META sur opérateur. Le résultat de l’évaluation correspond à la valeur du percentile 95 de l’ensemble des valeurs présentes dans SCOL@miante pour chaque triplet interrogé. Il est assorti d’un indice de confiance dépendant du nombre de données ayant permis l’évaluation. La mise à jour des données est effectuée annuellement. Au 31 décembre 2016, la base était alimentée de 47 666 mesures d’amiante réalisées en META validées depuis le 1er juillet 2012.