Réglementation
Cadre général
La prévention du risque d’exposition à des agents chimiques cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR) relève du Code du travail (articles R. 4412-59 à R. 4412-93) et s’inscrit dans la prévention du risque chimique.
L’évaluation des risques et la mise en place des mesures de prévention appropriées reposent sur la connaissance du risque CMR. Elle s’appuie sur la classification réglementaire des agents chimiques dangereux, qui permet notamment de définir les dangers et de les communiquer par le biais de l’étiquetage.
Le règlement (CE) n° 1272/2008 modifié, dit règlement CLP, relatif à la classification, l’étiquetage et l’emballage des substances et des mélanges, définit trois catégories pour les effets CMR : 1A (effets avérés), 1B (effets présumés), 2 (effets suspectés).
Le Code du travail (article R. 4412-60) définit comme agents chimiques CMR soumis à des règles particulières de prévention du risque CMR :
- les substances ou mélanges classés CMR de catégorie 1A ou 1B (règlement CLP1) ;
- les substances, mélanges ou procédés définis comme cancérogènes par l’arrêté du 26 octobre 2020 modifié à savoir :
- fabrication d’auramine,
- travaux exposant aux hydrocarbures polycycliques aromatiques présents dans la suie, le goudron, la poix, la fumée ou les poussières de la houille,
- travaux exposant aux poussières, fumées ou brouillards produits lors du grillage et de l’électroraffinage des mattes de nickel,
- procédé à l’acide fort dans la fabrication d’alcool isopropylique,
- travaux exposant aux poussières de bois inhalables,
- travaux exposant au formaldéhyde,
- travaux exposant à la poussière de silice cristalline alvéolaire issue de procédés de travail,
- travaux entraînant une exposition cutanée à des huiles minérales qui ont été auparavant utilisées dans des moteurs à combustion interne pour lubrifier et refroidir les pièces mobiles du moteur,
- travaux exposant aux émissions d'échappement de moteurs Diesel.
Les autres agents chimiques exposant au risque CMR relèvent des règles générales de prévention du risque chimique (articles R. 4412-1 à R. 4412-57) :
- agents chimiques dangereux classés CMR de catégorie 2 selon le règlement CLP ;
- agents chimiques dangereux non classés réglementairement (classification du Circ par exemple).
Le repérage des CMR est facilité par les pictogrammes et mentions de danger figurant sur l’étiquette du produit.
Comment identifier un produit chimique CMR par son étiquetage ?
CMR relevant des règles particulières de prévention | ||
---|---|---|
Règlement CLP | Ce sont les CMR classés en catégories 1 A ou 1 B. Ils portent alors une étiquette avec la mention d’avertissement « Danger », une mention de danger spécifique (H350, H340 ou H360) et le pictogramme « Danger pour la santé ». |
|
CMR relevant des règles générales de prévention du risque chimique | ||
Règlement CLP |
Ce sont les CMR classés en catégorie 2.
* Si l'agent CMR de catégorie 2 est étiqueté pour d'autres dangers, la mention d'avertissement peut dans certains cas être « Danger ». |
Règles particulières aux agents chimiques CMR au sens du Code du travail
Les mesures de prévention à mettre en place respectent les principes généraux de prévention (énoncés à l’article L. 4121-2). Certaines dispositions sont identiques aux mesures générales de prévention applicables aux agents chimiques dangereux.
Évaluation des risques
(articles R. 4412-61 à 4412-65)
Les mesures de prévention propres aux agents chimiques CMR découlent de l’évaluation des risques d’exposition à ces agents, renouvelée régulièrement et tenant compte de l’évolution des connaissances et des modifications des conditions de travail. Cette évaluation porte sur toutes les expositions pouvant générer un risque, y compris l’absorption percutanée ou transcutanée. Elle est obligatoire avant toute activité nouvelle impliquant un agent CMR. Les éléments ayant servi à cette appréciation sont tenus à disposition du CSE, ainsi que du médecin du travail, de l’inspection du travail et des agents des services de prévention des organismes de Sécurité sociale. Les résultats de l’évaluation sont consignés dans le document unique.
Mesures prioritaires
Après avoir réalisé l’évaluation des risques et mis en évidence un risque d’exposition à un agent CMR, l’employeur doit en priorité éviter le risque (article R. 4412-67).
Si cela n’est pas possible, le risque doit être réduit en remplaçant l’agent CMR par un produit ou un procédé pas ou moins dangereux (article R. 4412-66). L’employeur doit consigner les résultats des essais de substitution effectués.
Lorsque cette substitution n’est pas réalisable, la production et l’utilisation du produit CMR doit s’effectuer en système clos (article R. 4412-68).
En cas d’impossibilité, les mesures mises en place doivent concourir à réduire le risque CMR au niveau le plus bas possible (article R. 4412-70).
Mesures de prévention techniques et organisationnelles
Des mesures (articles R. 4412-70 à R. 4412-75) consistent notamment à restreindre les quantités de produits sur le lieu de travail :
- limiter le nombre de travailleurs exposés ;
- mesurer l’exposition des travailleurs, en particulier pour détecter des expositions anormales résultant d’un évènement accidentel ;
- capter les polluants et ventiler le local de travail ;
- appliquer des méthodes de travail et des procédures appropriées ;
- mettre en œuvre des mesures de protection collective, et si cela ne suffit pas, mettre à disposition des travailleurs des équipements de protection individuelle ;
- assurer l’hygiène des locaux ;
- informer les travailleurs ;
- délimiter et signaler les zones à risques ;
- prévoir des dispositifs d’urgence, notamment en cas de rupture des systèmes clos ;
- utiliser des récipients hermétiques et étiquetés pour le stockage, la manipulation et le transport ;
- sécuriser le stockage et l’évacuation des déchets.
Des mesures sont prises pour prévenir les risques liés au stockage et à la manipulation des produits, les risques d’incendie et d’explosion (articles R. 4412-59, R. 4412-17 et R. 4412-18).
Les travailleurs intervenant en espaces confinés doivent être attachés ou protégés par un autre dispositif de sécurité (articles R. 4412-59, R. 4412-22).
Le chef de l’entreprise extérieure chargée de l’entretien des équipements de protection individuelle (EPI) et des vêtements de travail est informé des risques éventuels de contamination (article R. 4412-73).
L’accès aux locaux à risque est limité (article R. 4412-74).
Les activités d’entretien et de maintenance pouvant générer un risque accru font l’objet de mesures particulières, fixées après avis du médecin du travail et du CSE. L’employeur met à disposition des travailleurs un vêtement de protection et un appareil de protection respiratoire qui doivent être portés aussi longtemps que l’exposition persiste (article R. 4412-75).
Mesures d’hygiène
Dans les zones où existe un risque de contamination, les travailleurs ne doivent ni manger, ni boire, ni fumer (article R. 4412-72). Des vêtements de protection doivent également être fournis. Les travailleurs ne doivent pas quitter l’établissement avec leurs équipements de protection individuelle ou leurs vêtements de travail. Ceux-ci sont vérifiés et nettoyés après chaque utilisation et si possible avant.
Le chef de l’entreprise extérieure chargée de l’entretien des équipements de protection individuelle et des vêtements de travail est informé des risques éventuels de contamination (article R. 4412-73).
Par ailleurs, les travailleurs effectuant des travaux insalubres ou salissants, dont la liste est fixée par l’arrêté du 23 juillet 1947 modifié (article R. 4228-8), doivent disposer de douches. En accord avec l’employeur, le CSE dresse la liste des travailleurs concernés.
Vérification des installations et appareils de protection collective
(articles R. 4412-59, R. 4412-23 à R. 4412-26)
L’employeur assure la vérification et la maintenance des installations et appareils de protection collective. Il établit leur notice d’entretien après avis du CSE.
Contrôle de l’exposition
(articles R. 4412-76 à R. 4412-80)
L’employeur doit mesurer régulièrement l’exposition des travailleurs à des agents CMR dans l’atmosphère des lieux de travail. Lorsque ces agents sont dotés de valeurs limites d’exposition professionnelle (VLEP) réglementaires listées aux articles R. 4412-149 et R. 4412-150, l’employeur doit réaliser un contrôle technique pour vérifier le respect de ces valeurs au moins une fois par an par un organisme accrédité et lors de tout changement pouvant avoir des conséquences néfastes sur la santé des travailleurs.
Le dépassement d’une VLEP réglementaire contraignante impose l’arrêt de travail aux postes concernés jusqu’à la mise en œuvre de mesures de protection. Le dépassement d’une VLEP réglementaire indicative entraîne une évaluation des risques pour déterminer les mesures de protection et de prévention adaptées.
Le médecin du travail informe l’employeur, sous forme non nominative, du dépassement d’une valeur limite biologique (VLB), pour qu’il évalue les risques, prenne des mesures adaptées, contrôle les VLEP et arrête le travail aux postes concernés. Actuellement, il n’existe qu’une VLB réglementaire contraignante pour le plomb.
Mesures en cas d’accident ou d’incident
(articles R. 4412-59, R. 4412-83 à R. 4412-85)
Les travailleurs strictement indispensables aux réparations sont seuls autorisés à travailler dans la zone de l’incident ou l’accident jusqu’au rétablissement de la situation normale. Ils doivent porter un vêtement de protection et un équipement de protection respiratoire.
Ces dispositions viennent en complément des mesures analogues à celles prévues en cas d’accident ou d’incident lors d’une exposition à des agents chimiques dangereux : installation de système d’alarme et de détection, matériels de secours, intervention limitée aux travailleurs chargés des réparations et munis d’équipement de protection individuelle, information des services compétents internes et externes (articles R. 4412-33 à R. 4412-37).
Information et formation des travailleurs
(articles R. 4412-59, R. 4412-86 à R. 4412-93)
Les travailleurs exposés bénéficient d’une information et d’une formation sur les risques et les précautions à prendre, les mesures d’hygiène et d’urgence, le port de protection individuelle. Le CSE et le médecin du travail sont associés à leur mise en place.
L’employeur doit informer les travailleurs de la présence d’agents CMR dans les installations, veiller à l’étiquetage des récipients et signaler le danger. Pour chaque poste ou situation de travail, il établit une notice rappelant les risques et les consignes de sécurité se rapportant à l’hygiène et aux protections collective et individuelle.
Les femmes sont sensibilisées par l’employeur sur la nécessité de déclarer leur grossesse le plus précocement possible. Elles sont informées des possibilités de changer temporairement d’affectation et des travaux interdits.
L’employeur informe le plus rapidement possible les travailleurs et le CSE des expositions anormales, de leurs causes et des mesures prises ou à prendre.
Suivi individuel renforcé
(articles R. 4412-59, R. 4624-22 à R. 4624-28)
Les travailleurs exposés à des agents CMR sont soumis à un suivi individuel renforcé comprenant :
- un examen médical d'aptitude à l’embauche réalisé par le médecin du travail ;
- une visite intermédiaire effectuée par un professionnel de santé, au plus tard deux ans après la visite avec le médecin du travail ;
- un examen médical effectué par le médecin du travail, selon une périodicité qu’il détermine par mais qui ne peut être supérieure à quatre ans.
Les examens médicaux donnent lieu à la délivrance par le médecin du travail d’un avis d’aptitude ou d’inaptitude, lequel est transmis au travailleur et à l’employeur et versé au dossier médical en santé au travail de l’intéressé.
Le premier examen doit avoir lieu avant toute affectation à des travaux exposant à des agents CMR.
En dehors de ces visites, un travailleur incommodé par ses travaux peut être examiné par le médecin du travail à sa demande ou à la demande de l’employeur.
Le médecin du travail peut prescrire des examens complémentaires et des examens nécessaires pour la surveillance biologique des expositions aux agents chimiques. En cas de dépassement d’une valeur limite biologique, il en informe l’employeur sous une forme non nominative. Il est informé des absences pour maladie supérieure à dix jours.
Le dossier médical individuel du salarié contient les déclarations des expositions, lorsqu’elles sont nécessaires, les anciennes fiches d’exposition et les fiches de prévention des expositions liée à la pénibilité ainsi que les dates et résultats des examens médicaux complémentaires. Il est conservé au moins 50 ans après la fin de l’exposition.
Ces documents permettent une traçabilité des expositions en vue notamment d'une reconnaissance de maladie professionnelle, d’une veille sanitaire ou d’études épidémiologiques. Ils permettent dans certains cas le départ anticipé à la retraite et contribuent à l’obtention d’un suivi médical post-professionnel.
Travaux interdits à certaines catégories de travailleurs
- Femmes enceintes ou allaitant : il est interdit de les employer, les affecter ou les maintenir à un poste de travail exposant à certains agents chimiques CMR (articles D. 4152-9 et D. 4152-10).
- Jeunes travailleurs de moins de 18 ans : les travaux impliquant la préparation, l’emploi, la manipulation ou l’exposition aux agents chimiques CMR leur sont interdits (article D. 4153-17 à D. 4153-18). Des dérogations sont possibles sous conditions (articles R. 4153-38 à R. 4153-45).
- Travailleurs sous contrat à durée déterminée et travailleurs temporaires : il est interdit de les employer à des travaux les exposant à certains agents chimiques CMR sauf si ces travaux sont exécutés en système clos. Des dérogations peuvent être accordées à titre exceptionnel (articles D. 4154-1 à D. 4154-6).
Prévention de la pénibilité et traçabilité des expositions
Les agents chimiques dangereux, y compris les poussières et les fumées, sont reconnus comme étant des facteurs de risques professionnels susceptibles de laisser de traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé des salariés (article L. 4161-1). Pour chaque travailleur exposé à ces facteurs au-delà des seuils réglementaires, appréciés après mise en œuvre des mesures de protection collective et individuelle, l’employeur doit établir une déclaration auprès des caisses de retraite (article L. 4161-2). Il doit également mener des actions de prévention de la pénibilité au travail.
Pour assurer la traçabilité des expositions, différents documents ont pu exister. Le dossier traçabilité des expositions aux facteurs de pénibilité fait le point sur tous ces documents.