Pathologie - Toxicologie
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Toxicocinétique - Métabolisme [3]
Le nickel et ses composés sont modérément absorbés quelle que soit la voie d'administration. Ils sont transportés dans le sang via un complexe ternaire albumine-nickel-histidine. Le nickel absorbé est éliminé majoritairement dans les urines. En cas d'ingestion, la plus grande partie du nickel n’est pas absorbée et est directement excrétée dans les fèces.
Chez l'animal
Absorption
Les études expérimentales ont mis en évidence la biodisponibilité relativement faible des composés du nickel après inhalation, mais la quantité de nickel retrouvée dans la circulation sanguine à partir des poumons dépend de la solubilité dans l’eau des composés. À partir des données disponibles dans une étude sub-chronique de 13 semaines menée chez le rat, pas plus de 6 % de la dose inhalée sont absorbés[6].
Chez le rat, l’absorption gastro-intestinale dépend de la solubilité dans l’eau du composé : la fraction absorbée est de 34 % pour le nitrate de nickel, 10 - 11 % pour le sulfate et le chlorure, < 1 % pour le disulfure de trinickel, < 0,1 % pour le nickel métal et de l’ordre de 0,01 % pour l’oxyde de nickel [40].
Comme chez l’homme, le nickel et ses composés peuvent traverser lentement la barrière cutanée : une partie du chlorure de nickel déposé sur la peau atteint des couches plus profondes de l’épiderme puis est absorbée. L’augmentation des concentrations en nickel dans le foie et les reins de cochons d’Inde, suite à une exposition cutanée au sulfate de nickel pendant 15 ou 30 jours, est le signe de son absorption [34].
Distribution
Après des expositions répétées par voie orale à des composés solubles (gavage, nourriture ou eau de boisson, rat et souris), le nickel se distribue principalement dans les reins, mais il est également retrouvé au niveau du foie, des poumons, du tissu adipeux, du système nerveux périphérique et du cerveau [35].
Suite à une exposition par inhalation de rat et de souris, le nickel est principalement retrouvé dans le tractus respiratoire (poumons, sinus) et les reins [41].
Après une exposition unique par inhalation de rats au monoxyde de nickel, pendant 70 minutes, à une dose de 9,9 mg Ni/m3, la fraction inhalée déposée dans le tractus respiratoire est de 13 % avec 8 % déposés dans les voies aériennes supérieures et 5 % dans les voies inférieures. Pendant les 180 jours de post-exposition, le nickel n’est pas détecté dans d’autres tissus que les poumons [42].
Dans le sang des rongeurs, le nickel absorbé est en partie libre, mais surtout lié à des protéines (albumine, α –macroglobuline, métalloprotéines) et à l’histidine. Un complexe ternaire albumine-nickel-histidine intervient dans le transport.
Excrétion
Quelle que soit la voie d’exposition, le nickel absorbé est excrété dans l’urine, à des taux très variables, et le nickel non absorbé est excrété via les fèces. Ainsi, en cas d’ingestion, la plus grande partie du nickel est éliminée en une journée par les fèces (94 à 97 % chez le rat, correspondant au nickel non absorbé), et seulement 3-6 % dans les urines [3].
La rétention pulmonaire dépend de la solubilité dans l’eau des composés : l’élimination peut prendre plusieurs semaines, voire plusieurs années (demi-vie de 1 à 3 jours pour le sulfate de nickel, de 5 jours pour le disulfure de trinickel et > 100 jours pour le monoxyde de nickel). Après une exposition respiratoire au monoxyde de nickel chez le rat (composé peu soluble dans l’eau), le nickel est excrété uniquement dans les fèces indiquant que le mécanisme d’élimination pulmonaire prédominant de ce composé est médié par les macrophages, plutôt qu’un phénomène de dissolution/absorption. Pour les composés plus solubles dans l’eau, le phénomène de dissolution/absorption au niveau pulmonaire semble jouer un rôle plus important [42].
Surveillance Biologique de l'exposition
Le dosage du nickel dans les urines en fin de poste et fin de semaine de travail est proposé pour la surveillance biologique. Il est le témoin de l'exposition récente aux dérivés solubles du nickel et de l'exposition récente et ancienne aux dérivés insolubles. Les concentrations urinaires augmentent au cours de la semaine de travail. Une corrélation est observée avec les concentrations atmosphériques, pour les composés solubles et peu solubles. Des concentrations urinaires de nickel plus élevées sont observées chez les travailleurs exposés à des composés solubles par rapport à ceux exposés à des composés peu ou pas solubles.
Des valeurs biologiques d’interprétation pour le milieu professionnel sont proposées par plusieurs organismes, notamment l’ACGIH et la Commission allemande DFG (valeurs BEI et EKA différentes pour les composés solubles et peu solubles), ainsi que le FIOH (Finnish Institute of Occupational Health).
Le RAC (Risk Assessment committee de l'ECHA) estime que, pour des expositions de l’ordre des valeurs limites d’exposition professionnelle (OEL) proposées de 0,005 mg/m3 pour les poussières respirables et 0,03 mg/m3 pour les poussières inhalables pour le nickel et ses composés, les concentrations de nickel urinaire chez les travailleurs ne seraient pas significativement différentes de celles de la population générale. Les corrélations étant établies pour des concentrations atmosphériques supérieures, l’extrapolation pour ces faibles niveaux d’exposition comporte des incertitudes. Ainsi, aucune BLV (biological limit value) n’est proposée.
Par ailleurs, en raison de la grande variabilité des concentrations urinaires de nickel dans les études européennes en population générale (95ème percentile variant entre 2,5 et 8,1 µg/L), le RAC ne propose pas de BGV au niveau européen mais recommande d’établir des BGV (biological guidance value) sur la base de données de biosurveillance au niveau local/national.
Le dosage du nickel sanguin, plasmatique ou sérique en fin de poste et fin de semaine a été proposé, mais les données sont peu nombreuses.
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Mode d'actions
Les effets similaires rapportés pour les différents composés du nickel, solubles et insolubles, suggèrent un mécanisme d’action similaire pour l’ensemble des composés du nickel et l’hypothèse selon laquelle les ions nickel seraient responsables des effets observés aussi bien inflammatoires, génotoxiques et/ou cancérogènes. En effet, alors que l’ion nickel des composés solubles peut atteindre le noyau cellulaire par solubilisation et diffusion ou par les systèmes de transport des ions métalliques, les composés peu solubles sont phagocytés et les vacuoles libèrent les ions nickel dans le noyau cellulaire, qui peuvent altérer l’ADN.
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Toxicité expérimentale
Toxicité aiguë [6, 35]
La toxicité aiguë du nickel et de ses composés est variable selon les composés, les solubles étant plus toxiques que les insolubles. Le nickel métal induit une légère irritation cutanée et oculaire, d’origine mécanique. Ces composés peuvent être à l'origine de sensibilisations cutanées.
En règle générale, les composés solubles du nickel sont plus toxiques que les composés insolubles, la biodisponibilité de l’ion Ni2+ jouant un rôle déterminant dans la toxicité observée.
Par voie orale chez le rat, les DL50 sont comprises entre 39 mg Ni/kg pc pour le sulfate de nickel et > 9000 mg Ni/kg pc pour l’oxyde de nickel noir ou vert (Cf tableau ci-dessous). Une augmentation de la peroxydation lipidique hépatique et une diminution de l’activité des enzymes antioxydants sont rapportées chez des rats mâles exposés à du sulfate du nickel (une dose, eau de boisson). L’acétate, le dichlorure et le sulfate de nickel sont à l’origine d’effets non-spécifiques, comme une piloérection et une hypoactivité.
Par inhalation, une concentration sans effet de 10,2 mg/L (NOAEC) a été déterminée chez le rat exposé à de la poudre de nickel pendant 1 heure : aucun signe de toxicité n’est observé.
Aucune étude n’est disponible pour la voie cutanée.
Composés
DL50 orale (mg Ni/kg pc) (rat)
Sulfate de nickel
39-190
Dichlorure de nickel
43-130
Dinitrate de nickel
> 404
Diacétate de nickel
116-325
Carbonate de nickel
402-625
Dihydroxyde de nickel
> 1000
Oxyde, dihydroxyde, trioxyde, sulfure, disulfure de trinickel
> 2000
Poudre de nickel
> 9000
Oxyde de nickel noir ou vert
De 8796 à > 11000
Tableau I (d’après[6, 35])
En raison du temps d’élimination du nickel dans certains tissus (notamment pulmonaire et rénal), une administration unique peut produire des effets durables.
Irritation, sensibilisation [6]
Le nickel métal induit une légère irritation oculaire mécanique et une très légère irritation cutanée (score érythème 0,5 chez le lapin). Le sulfate de nickel n’est irritant ni pour la peau ni pour les yeux de lapins.
Il n’existe pas de donnée d’irritation cutanée ou oculaire avec les composés pratiquement insolubles.
Pour le potentiel sensibilisant, aucune donnée expérimentale avec le nickel métal ou ses oxydes n’est disponible. Pour les autres composés, les données disponibles sont limitées et mettent en évidence un potentiel sensibilisant cutané pour le sulfate de nickel ; pour le dichlorure de nickel, les résultats sont difficilement interprétables. Toutefois, ces substances sont considérées comme sensibilisantes pour la peau sur la base de données humaines montrant un effet sensibilisant à de très faibles concentrations en ions nickel relargués (cf. § Toxicité pour l’homme).
Toxicité subchronique, chronique [44, 45et46]
Les études par voie respiratoire mettent en évidence un effet inflammatoire sur les muqueuses nasales et les poumons.
Chez le rat, la dose létale par inhalation pour une exposition répétée au monoxyde de nickel (6 h/j, 5 j/sem pendant 12 jours) est supérieure à 23,6 mg Ni/m3. Une réaction inflammatoire interstitielle, une hyperhémie avec évolution possible vers un emphysème ou une fibrose sont des effets qui ont été mis en évidence chez le rat par inhalation (12 h/j, 6 j/sem pendant 2 semaines) d’aérosols de monoxyde de nickel à 0,1 mg/m3 (soit 0,08 mg Ni/m3), et par instillation intratrachéale. Ces effets sont également décrits chez la souris. Avec le monoxyde de nickel ou le nickel métal, on note chez ces animaux des effets marqués au niveau des macrophages alvéolaires, effets qui, pour de fortes concentrations ou des expositions prolongées, se traduisent par une atténuation de leur fonction épuratrice.
Dans des études de 90 jours chez le rat et la souris, les animaux ont été exposés à du monoxyde de nickel, du disulfure de trinickel et du sulfate de nickel, 6 heures par jour, 5 jour par semaine. Le monoxyde nickel est à l’origine d’une inflammation pulmonaire qui se caractérise par une augmentation du nombre de macrophages alvéolaires et des érythrocytes, de l’hémoglobine et de l’hématocrite, par la présence d’un infiltrat interstitiel et par une hyperplasie pulmonaire. Chez le rat et la souris, la LOAEC (Lowest Observed Adverse Effect Concentration) est de 0,4 mg Ni/m3. Concernant le disulfure de trinickel, les mêmes effets liés à l’inflammation pulmonaire sont observés dès 0,11 mg Ni/m3, avec en plus l’apparition d’une fibrose pulmonaire uniquement chez la souris, aux concentrations les plus élevées. Par ailleurs, des effets sur la muqueuse nasale sont rapportés à partir de 0,44 mg Ni/m3 et se traduisent par une atrophie de l’épithélium olfactif. Chez le rat et la souris, la LOAEC est de 0,11 mg Ni/m3. Les effets du sulfate de nickel sont similaires à ceux engendrés par le disulfure de nickel, le rat étant plus sensible à cette substance que la souris (LOAEC de 0,12 mg Ni/m3 chez le rat et de 0,5 mg Ni/m3 chez la souris). Pour les 2 espèces, les effets apparaissent dès la plus faible concentration testée et leur sévérité augmente avec les concentrations.
Des rats et des souris ont été exposés 6 heures par jour, 5 jours par semaine, pendant 2 ans, à du monoxyde de nickel (0,5 - 1 - 2 mg Ni/m3 pour les rats, 1 - 2 - 3,9 mg Ni/m3 pour les souris), du disulfure de trinickel (0,11 – 0,73 mg Ni/m3 pour les rats, 0,44 – 0,88 mg Ni/m3 pour les souris) et du sulfate de nickel (0,03 – 0,06 – 0,11 mg Ni/m3 pour les rats, 0,06 – 0,11 – 0,22 mg Ni/m3 pour les souris) (études publiées dans plusieurs Technical Report Series (NTP)). Chez le rat et/ou la souris, des effets pulmonaires ont été observés à toutes les concentrations testées :
- le monoxyde et le sulfate de nickel sont à l’origine d’une inflammation, d’une protéinose alvéolaire et d’une hyperplasie des ganglions lymphatiques bronchiques chez le rat et la souris, et d’une bronchiolisation uniquement chez la souris ;
- le disulfure de trinickel est à l’origine, en plus des effets précédemment cités, d’une fibrose.
Des effets sur la muqueuse nasale sont aussi rapportés :
- chez les animaux exposés au disulfure de trinickel, une inflammation chronique (chez le rat, à 0,73 mg Ni/m3) et une atrophie de l’épithélium olfactif (chez le rat, à 0,73 mg Ni/m3, et chez la souris, aux 2 concentrations) ;
- chez les animaux exposés au sulfate de nickel, une atrophie de l’épithélium nasal, à partir de 0,11 mg Ni/m3 chez le rat et la souris.
Par ailleurs, une hyperplasie de la médullosurrénale a été observée chez les rats exposés à 1 mg Ni/m3 (sous forme de monoxyde de nickel) et à 0,11 mg Ni/m3 (sous forme de disulfure de trinickel).
Suite à une exposition au nickel métal pendant 2 ans (0 - 0,1 – 0,4 – 1 mg/m3, 6 h/j, 5 j/sem, avec un diamètre aérodynamique médian massique (MMAD) de 1,8 µm), les rats exposés ont développé des effets pulmonaires tels qu’une protéinose alvéolaire (0,1 mg/m3), une inflammation chronique et une hyperplasie broncho-alvéolaire (0,4 mg/m3) ; une hyperplasie de la médullosurrénale a été observée à partir de 0,4 mg Ni/m3. L’étude a été écourtée compte tenue de la mortalité trop importante des animaux après 1 an d’exposition [47].
Par voie orale, les effets des composés solubles du nickel sont non spécifiques (diminution du poids, baisse de la consommation de nourriture ou d’eau). Une étude récente a toutefois rapporté une atteinte des neurones au niveau du cortex, de l’hippocampe et du striatum (rat, 10-20 mg/kg NiCl2 pendant 4 semaines, gavage) [48].
Aucune étude n’est disponible par voie cutanée.
Effets génotoxiques [3]
Comme il est habituel avec les métaux, les résultats des essais de mutagénèse sont très discordants, variant largement selon le composé utilisé et les conditions.
In vitro
Les données disponibles suggèrent que le dichlorure de nickel est mutagène uniquement sur les cellules de mammifères. Les tests d’Ames réalisés sur S. typhimurium et E. coli sont négatifs ; en revanche, une faible activité mutagène est observée sur plusieurs cellules de mammifères, pour certains gènes [49].
Le nickel métal et ses composés sont à l’origine d’une augmentation des dommages à l’ADN et aux chromosomes et de transformations cellulaires (cf tableau II).
Ni métal
Trioxyde de dinickel
Disulfure de trinickel
Sulfure de nickel
Sulfate de nickel
Chlorure de nickel
Transformation cellulaire
(SHE)
Oui
Oui
Oui
Oui
Aberration chromosomique
Non (lymphocyte humain)
Oui (CHO)
Oui (lymphocyte humain)
Oui (CHO, cellules de carcinome mammaire murin)
Echange de chromatides sœurs
Oui (lymphocyte humain)
Oui (CHO)
Oui (lymphocyte humain)
Oui (CHO)
Micronoyaux
Oui (lymphocyte humain)
Cassures ADN et pont avec protéines
Oui (Ni, lymphocyte humain)
Oui (hépatocyte de rat, CHO)
Non (cellule humaine rénale)
Oui (CHO)
Réparation de l’ADN
Oui (CHO)
Tableau II . Effets génotoxiques du nickel et de ses composés in vitro (d’après [6, 49]) (SHE : cellules embryonnaires de hamster syrien ; CHO : cellules ovariennes de hamster chinois)
In vivo
Par voie intra-péritonéale, les résultats obtenus dans différents tests, chez le rat et la souris, sont majoritairement négatifs (cf tableau III).
Monoxyde de nickel
Carbonate de nickel
Nitrate de nickel
Sulfate de nickel
Chlorure de nickel
Aberrations chromosomiques
Non (rat, cellules MO ou testicules, 6 mg Ni/kg pg/j, 9 à 14 jours)
Oui (souris, cellules MO, ≥ 3 mg Ni/kg pc
Hamster , ≥ 1,5 mg Ni/kg pc)
Micronoyaux (MO)
Non (114 mg Ni/kg pc)
Non (12 mg Ni/kg pc)
Non (8 mg Ni/kg pc)
Oui (5 mg Ni/kg pc)
Non (1,6 mg Ni/kg pc)
Test de mutation dominante létale (chez la souris)
Non (12 mg Ni/kg pc)
Non (11 mg Ni/kg pc)
Cassures ADN et pont
Oui (reins), non (foie)
(rat, 5 mg Ni/kg pc)
Tableau III. Effets génotoxiques du nickel et de ses composés in vivo, par voie intra-péritonéale (d’après [49])
En revanche, des cassures simple et double brin de l’ADN sont observées chez des rongeurs exposés par inhalation (poumons, 0,11 mg/m3 de sulfate de nickel ou de disulfure de trinickel, pendant 3 ou 13 semaines) et par gavage (leucocytes de souris, 3,4 mg/kg de chlorure de nickel).
De même, suite à des injections sous-cutanées de chlorure de nickel (souris, 40-80-120 µmol/kg pc/j, 3 jours), une augmentation, liée à la dose, des micronoyaux, des aberrations chromosomiques, de l’aneuploïdie et des marqueurs de stress oxydant est mesurée dans les cellules de moelle osseuse ([50] dans [3]).
Effets cancérogènes [44-46, 51]
Les composés du nickel induisent des cancers broncho-alvéolaires par inhalation chez le rat ; en revanche, aucun potentiel cancérogène n’est mis en évidence pour le nickel métal.
Chez le rat, le nickel métal est à l’origine de tumeurs malignes locales suite à des injections intra-péritonéales ou des instillations intra-trachéales. Une augmentation significative des tumeurs de la médullosurrénale est observée chez les rats mâles, tandis que l’augmentation des tumeurs de la corticosurrénale est observée plutôt chez les rats femelles, à la plus forte concentration testée (0,4 mg Ni/m3) [49].
Des rats ont été exposés jusqu’à une dose de 2 mg Ni/m3 sous forme de monoxyde de nickel, pendant 2 ans (6 h/j, 5 j/sem). Des adénomes ou carcinomes broncho-alvéolaires ont été observés à cette dose et même à la dose de 1 mg Ni/m3. Leur nombre était significativement plus élevé que chez les témoins.
Des adénomes ou carcinomes broncho-alvéolaires ont aussi été rapportés chez des rats exposés au disulfure de trinickel dès la 1ère concentration testée 0,11 mg Ni/m3. En revanche, le sulfate de nickel n’est à l’origine d’aucun effet néoplasique.
Quel que soit le composé testé, aucun effet cancérogène n’est mis en évidence chez la souris.
Par voie orale, le nickel et ses composés ne sont cancérogènes ni pour le rat, ni pour la souris [51].
La cancérogénicité des composés du nickel vis-à-vis des voies respiratoires après inhalation serait liée à la biodisponibilité des ions nickel Ni2+ dans les cellules épithéliales respiratoires. Leur biodisponibilité dans le noyau de ces cellules dépend de la solubilité des particules mais aussi d’autres facteurs comme la toxicité respiratoire, la dissolution intra- et extracellulaire et la clairance pulmonaire. Selon le modèle de biodisponibilité, c’est la distribution d’une quantité suffisante (au-dessus du seuil) d'ions Ni2+ dans le noyau des cellules épithéliales respiratoires, qui régit la cancérogénicité respiratoire du nickel [52, 53, 57]. Le nickel peut directement induire une cancérogénicité via les dommages à l’ADN (principalement via la production d’espèces réactives de l’oxygène + liaisons à l’ADN) et l’inhibition des systèmes de réparation des dommages à l’ADN [54].
Effets sur la reproduction
Les données disponibles par inhalation ou par voie orale concernant le nickel et ses composés n'indiquent pas d'effet sur la fertilité. En revanche, le nickel et ses composés sont embryotoxiques, foetotoxiques et tératogènes.
Fertilité
L’exposition chronique de rats et de souris au monoxyde de nickel (6 heures/jour, 5 jours/semaine, pendant 13 semaines) n’est à l’origine d’aucun effet sur les organes reproducteurs, la longueur du cycle de l’œstrus, la motilité spermatique ou la morphologie des spermatozoïdes ; seule une diminution de 21 % de la concentration du sperme est rapportée chez les rats, à la plus forte concentration testée, 7,9 mg Ni/m3. Une exposition similaire au sulfate de nickel n’entraine aucun effet sur le nombre de spermatozoïdes, la morphologie ou la motilité du sperme, ou la cytologie vaginale, chez les rats et les souris exposés à 0,45 mg Ni/m3. De plus aucun effet histopathologique n’est observé sur les organes reproducteurs dans les études chroniques, menées sur 2 ans (0,11 mg Ni/m3 pour le rat et 0,22 mg Ni/m3 pour la souris). Une dégénérescence de l’épithélium germinal des testicules est rapportée uniquement pour des concentrations plus élevées, sur une courte période (rats, 1,6 mg Ni/m3, 6 h/j, pendant 12 ou 16 jours) [40, 46].
Chez le rat, un nombre limité d’études sur des composés solubles du nickel (chlorure et sulfate de nickel) ne met en évidence aucun effet sur la reproduction : le NOAEL est de 2,2 mg Ni/kg pc/j, la plus forte doses testée (étude sur 2 générations par gavage). Au cours d’une étude sur 3 générations réalisées avec des doses de 0 / 13-20 / 26-40 / 52-80 mg Ni/kg pc/j (sous forme de sulfate de nickel, pendant 11 semaines), l’indice de fécondité n’est pas modifié : à partir de ces données, le NOAEL pour la fertilité serait de 52-80 mg Ni/kg pc/j [6].
Par contre, chez la souris, des effets ont été rapportés pour des doses supérieures ou égales à 2,2 mg Ni/kg pc/j (sulfate de nickel) : changements histopathologiques au niveau des organes reproducteurs mâles, altération de la spermatogenèse et diminution de la motilité spermatique, tous ces effets pouvant être responsables, à terme, d’une baisse de la fertilité non observée dans ces études. Toutefois, ces études ont été réalisées avec peu d’animaux testés, pas assez de doses et de paramètres étudiés, ce qui rend difficile l’interprétation de ces résultats [3, 35].
Développement
Le nickel traverse la barrière placentaire, affectant directement le développement de l’embryon et du fœtus. Aucune donnée n’est disponible quant au potentiel tératogène du nickel métal.
L’administration de monoxyde nickel en continu (0,6 – 1,2 ou 2,5 mg Ni/m3), à des rats du 1er au 21ème jour de gestation, induit une diminution du poids fœtal chez des nouveau-nés aux deux plus fortes doses testées ; une réduction du gain de poids chez les mères est observée à toutes les doses [40]. Aucun autre paramètre n’a été étudié.
Suite à une exposition par voie orale à du chlorure de nickel (via l’eau de boisson, 11 semaines avant l'accouplement puis pendant la gestation et l'allaitement), une augmentation de la mortalité des nouveau-nés (mort fœtale tardive ou mortalité périnatale) est rapportée chez les rats exposés à des doses ≥ 1,3 mg Ni/kg pc/j [55]. Chez la souris, une ossification réduite et une augmentation de l’incidence des anomalies squelettiques sont observées pour des doses ≥ 92 mg Ni/kg pc/j au cours d’une étude sur le développement prénatal (sous forme de chlorure de nickel, gavage, du 6ème au 13ème jour de gestation), en présence de toxicité maternelle ; des microphtalmies sont rapportées à 46 mg Ni/kg pc/j, sans toxicité maternelle [56]. A partir de ces données, l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (ou EFSA : Européenne Food Safety Authority) considère le nickel comme toxique pour le développement, foetotoxique, embryotoxique et tératogène [35].
Concernant le sulfate de nickel, une étude sur 2 générations met en évidence une augmentation des pertes post-implantatoires et de la mortalité périnatale chez des rats exposés à 2,2 mg Ni/kg pc/j : à partir de ces données, un NOAEL de 1,1 mg Ni/kg pc/j est établi [3].
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Toxicité sur l’Homme
L’intoxication aiguë est responsable par inhalation (poussières de nickel) de troubles respiratoires à type de détresse respiratoire, par ingestion (sels solubles) de troubles essentiellement digestifs et neurologiques, les deux pouvant conduire au décès. Les intoxications aiguës les plus graves sont décrites avec le tétracarbonyle de nickel, se caractérisant par des effets précoces respiratoires et neurologiques suivis d’une amélioration puis d’effets différés. Certains composés solubles du nickel sont irritants pour la peau. Le nickel est un sensibilisant cutané (eczéma) et à moindre mesure respiratoire (rhinite, asthme). L'inhalation répétée provoque des atteintes respiratoires (bronchite chronique, altération des fonctions respiratoires). Des atteintes rénales tubulaires ont également été décrites. Le nickel et ses composés présentent des résultats disparates dans les études de génotoxicité, ils provoquent néanmoins un risque accru de cancers des cavités nasales et des poumons. Quelques études rapportent une association entre des troubles du développement fœtal et une exposition au nickel chez la mère, mais les données restent limitées. Les études des effets potentiels du nickel sur la fertilité ne permettent pas de conclure.
Toxicité aiguë
L’inhalation massive de poussières de nickel principalement sous la forme métallique entraîne des symptômes surtout respiratoires (irritation, pneumonie) et peut conduire au décès [3, 34, 57, 58]. Les intoxications aiguës les plus graves sont décrites avec le tétracarbonyle de nickel. Le tableau clinique se caractérise par deux phases : des effets précoces respiratoires (à type d’irritation) et neurologiques (céphalées, vertiges, nausées, vomissements, insomnie, irritabilité,…), suivis d’une amélioration des symptômes, puis d’effets différés notamment respiratoires (œdème pulmonaire lésionnel avec douleurs thoraciques constrictives, toux sèche, dyspnée, cyanose,…), neurologiques (coma, convulsions), cardiaques (atteinte myocardique avec des troubles du rythme), pouvant conduire au décès. Des effets sur le rein, le foie, les surrénales, la rate ont également été décrits [49, 58 à 61].
Par voie orale, l’intoxication aiguë aux sels solubles de nickel (comme le sulfate de nickel) provoque des troubles essentiellement gastro-intestinaux (nausées, vomissements, diarrhées, douleurs abdominales) et neurologiques (céphalées, vertiges, asthénie). Ces signes cèdent souvent rapidement mais dans certains cas, ils peuvent persister quelques jours, voire conduire au décès 3, 34].
Lors d’un contact cutané, certains sels de nickel en particulier le sulfate de nickel et le dichlorure de nickel peuvent induire une irritation cutanée [3, 49 contrairement au nickel métal et ses oxydes non irritants pour la peau saine.
Les contacts oculaires avec le nickel métal et ses oxydes n'induisent pas de lésions notables en dehors d'un effet mécanique habituel aux poussières.
Toxicité chronique
Les effets chroniques respiratoires du nickel ont été largement étudiés. Certaines études indiquent un excès de bronchites chroniques ou de perturbations des fonctions respiratoires, voire de pneumoconioses. Toutefois, les salariés étaient toujours exposés à plusieurs polluants (comme dans le soudage) et il n'est pas possible de dégager l’imputabilité propre du nickel dans l'origine de ces pathologies [3, 34]. Des atteintes des voies respiratoires supérieures ont également été rapportées comme des ulcérations de la cloison nasale et des anosmies [62, 63].
Une élévation des protéines urinaires totales, de l’alpha2-microglobuline, de la retinol binding protein et de la N-acétyl-β-D-glucosaminidase a été décrite chez des travailleurs exposés à des composés solubles du nickel (sulfate et chlorure) à une concentration moyenne de 0,75 mg Ni/m3, témoignant d’une atteinte rénale tubulaire 58.
- Sensibilisation cutanée
Le nickel est connu depuis longtemps comme l'allergène le plus courant pour la peau. Le risque de sensibilisation dépend de la quantité d’ion nickel libérée et de la concentration cutanée 64. En milieu professionnel, de nombreuses activités peuvent être concernées (par exemple : coiffeur, caissier, mécanicien, métallurgiste, ouvrier du bâtiment, soignant) [65]. Il s’agit plus souvent de dermatites de contact que d’urticaires [3, 64, 66, 67]. Dans la population générale, la prévalence de la sensibilisation au nickel est élevée (de l’ordre de 4 % chez les hommes et de 16 % chez les femmes [68]) du fait de contacts avec de nombreux objets de la vie quotidienne qui contiennent du nickel (bijoux, boutons, pièces de monnaie, ustensiles divers...).
- Sensibilisation respiratoire
La sensibilisation respiratoire au nickel est relativement rare chez les travailleurs par rapport à la dermatite de contact [3, 67]. L'inhalation de sels ou de fumées de nickel a provoqué des cas d'asthme, associés ou non à des rhinites et des urticaires [69]. Ces réactions ont été décrites lors d’activités comme le nickelage électrolytique ou le soudage d’acier inoxydable [3, 49, 69] et semblent impliquer surtout les sels solubles de nickel comme le sulfate de nickel [3]. Mais une exposition à d'autres composés sensibilisants (par exemple le chrome hexavalent et le cobalt) est souvent associée.
- Syndrome d’allergie systémique au nickel
Un syndrome dit d’allergie systémique au nickel, associant diverses manifestations chroniques cutanées (urticaire, angio-oedeme), digestives (nausées, vomissements, douleurs abdominales, troubles du transit), neurologiques (céphalées) et autres symptômes aspécifiques (asthénie chronique), a été mis en lien avec l’absorption du nickel par voie systémique (notamment par voie orale). Ce lien reste à ce jour controversé[3, 70].
Effets génotoxiques
Plusieurs études ont mis en évidence une fréquence anormalement élevée d'aberrations chromosomiques, dans les lymphocytes de travailleurs exposés au nickel (poussières ou fumées contenant divers composés en fonderie, galvanoplastie, raffinage électrolytique, soudage) ; les résultats sur le taux d’échange de chromatides sœurs ou de micronoyaux étant plus disparates. Toutefois, la coexposition avec d’autres métaux génotoxiques rend difficile l’attribution des effets observés aux seuls composés du nickel [3, 49, 51].
Effets cancérogènes
Les composés du nickel sont classés par le CIRC comme "cancérogènes pour l'homme (groupe 1)" du fait de l’induction de cancer du poumon, de la cavité nasale et des sinus paranasaux. Le nickel métal est quant à lui classé par le CIRC comme "peut-être cancérogène pour l’homme (groupe 2B)", le niveau de preuve étant plus faible[51].
Un excès de risque de cancer du poumon et des cavités nasales a surtout été décrit chez les travailleurs de raffinerie ou de fonderie de nickel (grillage de matte, calcination, frittage,…) à partir de larges études de cohorte menées au Canada (Ontario), en Norvège (Kristiansand), en Finlande et au Royaume-Uni (Clydach) [3, 49, 51]. Les études épidémiologiques sont en faveur d’une relation dose-effet entre le risque de ces cancers et l’exposition à différents composés du nickel (plus ou moins solubles). Du fait d'expositions mixtes, il est difficile de savoir quels composés du nickel sont en cause, même si dans certaines études, l’association la plus forte avec le cancer du poumon est trouvée pour les composés solubles du nickel [3, 49, 51].
En ce qui concerne le nickel métal, les preuves épidémiologiques sont moins nombreuses et plutôt en faveur d’une absence d’association avec l’exposition et l’augmentation du risque de cancer, mais les données sont insuffisantes pour conclure définitivement [3].
Quelques études décrivent également une association entre une exposition au nickel ou ses composés et d’autres localisations cancéreuses (cavité buccale, pharynx, larynx, estomac, sein,…) mais les données restent limitées [51, 71].
Effets sur la reproduction
- Fertilité
Une étude cas-témoin menée en Inde auprès de soudeurs retrouve une association significative entre la concentration sanguine de nickel et les anomalies de la queue des spermatozoïdes, mais pas avec les autres caractéristiques du sperme. La présence de coexposition rend difficile l’interprétation de ces résultats [76].
- Développement
Une diminution du taux de grossesse normale avec une augmentation du taux d’avortement spontané et de malformation (cardiovasculaire, musculo-squelettique) ont été décrits au sein d’une cohorte de femmes russes exposées professionnellement au nickel (principalement sous forme de sulfate de nickel au sein d’une raffinerie de nickel). Mais les limites méthodologiques de l’étude comme la présence de facteurs de confusion (port de charges, travail à la chaleur, tabagisme,…) ne permettent pas l’extrapolation d’une relation causale [3, 34]. Une étude de cohorte de plus grande ampleur dans le secteur du raffinage du nickel, menée dans la région du Nord-Ouest de la Russie, n’a pas montré de telle association entre l’exposition maternelle au nickel (principalement aux composés solubles) et une issue défavorable de grossesse (malformation génitale ou musculo-squelettique, ectopie testiculaire, anomalie de la taille du nourrisson, avortement spontané) [3].
D’autres études ont été menées en population générale mais elles présentent des résultats disparates [72 à 75].
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Interférences métaboliques
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Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal