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Agents ototoxiques

Si le bruit reste la nuisance la plus nocive pour l'audition, l’exposition à certains composants chimiques peut altérer l’oreille interne des salariés. Ces agents, dits ototoxiques, peuvent potentialiser les effets du bruit et augmenter les risques d’atteintes auditives liées au travail.

Si le bruit reste la nuisance la plus nocive pour l'audition, certains agents toxiques professionnels comme les solvants aromatiques, le monoxyde de carbone et l’acide cyanhydrique, ou extraprofessionnels comme les antibiotiques, les diurétiques, les salicylates et les antitumoraux, peuvent fragiliser l’oreille interne des salariés. Or, les limites réglementaires à l’exposition au bruit ont été établies pour des sujets sains ne présentant pas de fragilité de l’oreille interne.

Une oreille envahie par un agent ototoxique, ou une oreille vieillissante, pourrait se révéler plus vulnérable à une agression sonore qu'une oreille exposée uniquement au bruit. La question de la pertinence des limites d’exposition au bruit, ou des valeurs limites moyennes d’exposition à des agents ototoxiques lorsque des personnes sont exposées à plusieurs nuisances reste donc posée. Pour cette raison, la réglementation devrait prendre en considération les résultats scientifiques récents pour protéger l’audition des personnes exposées à des multinuisances.

Exposition au risque

 

En 2014, l’enquête Sumer 2010 a montré que plus de 2,4 millions de salariés étaient encore exposés à des nuisances sonores pouvant entraîner des surdités professionnelles, malgré l’existence d’une réglementation relative à la prévention des risques d’exposition au bruit.

Rappelons que lorsque la protection collective ne permet pas de réduire suffisamment le niveau de bruit, une protection individuelle doit être mise à disposition des personnes exposées pendant 8 heures à plus de 80 dB(A), ou à plus de 135 dB « crête ». Les dernières statistiques indiquent pourtant que 608 cas ont été reconnues en 2017 au titre du tableau n° 42 du régime général des maladies professionnelles.

S’il est clair que le bruit demeure le facteur professionnel le plus nocif pour l’audition, certaines substances chimiques peuvent également provoquer des surdités en agissant directement sur l’organe sensoriel de l’audition, la cochlée, ou en potentialisant les effets du bruit.

  • Certains composés chimiques, comme les solvants aromatiques ou certains médicaments, ont un effet toxique sur la cochlée, l’organe de l’audition. Ils peuvent ainsi augmenter les risques professionnels liés au bruit.

  • Certains composés chimiques, comme les solvants aromatiques ou certains médicaments, ont un effet toxique sur la cochlée, l’organe de l’audition. Ils peuvent ainsi augmenter les risques professionnels liés au bruit.

  • Certains composés chimiques, comme les solvants aromatiques ou certains médicaments, ont un effet toxique sur la cochlée, l’organe de l’audition. Ils peuvent ainsi augmenter les risques professionnels liés au bruit.

Ces agents chimiques ototoxiques (toxiques pour la cochlée) peuvent avoir une origine professionnelle, comme certains solvants, ou extraprofessionnelle, comme certains antibiotiques, diurétiques, antitumoraux ou encore l'acide acétylsalicylique, pour ne citer que les principaux.

Effets sur la santé

Les agents otoxiques professionnels

Solvants aromatiques

 

Les solvants aromatiques comptent parmi les produits chimiques les plus utilisés dans l'industrie. Que ce soit le toluène, qui entre dans la composition de peintures, vernis, encres et agents dégraissants, le styrène, très utile dans le processus de fabrication des résines renforcées à la fibre de verre, sans oublier le xylène et l'éthylbenzène, tous ces solvants organiques sont très volatils et peuvent être toxiques pour les salariés qui les inhalent.

En France, 72 500 personnes travaillent dans des industries produisant et/ou utilisant des résines polyester, et 25 300 personnes sont directement exposées au styrène auxquels on se doit d'ajouter les populations exposées au toluène (205 200 personnes), au xylène et à l'éthylbenzène.

De nombreuses études épidémiologiques ont déjà souligné le caractère ototoxique de ces solvants aromatiques.

Cependant, la difficulté majeure est de distinguer la surdité induite par les solvants, de celle induite par d'autres facteurs confondants, comme le bruit. L’audiométrie tonale, technique de référence au titre du tableau n° 42 des maladies professionnelles pour diagnostiquer une surdité professionnelle ne permet pas de dissocier le traumatisme chimique du traumatisme acoustique, tous deux se manifestant par une diminution de la sensibilité auditive au voisinage des 4-6 kHz, encore appelée scotome auditif. Ce moyen d'investigation ne fournit donc pas de signature audiométrique permettant d'affirmer que la surdité diagnostiquée est due à une intoxication par les solvants et pas seulement à l'exposition au bruit. Ceci explique au moins en partie pourquoi aujourd'hui, seul le bruit est considéré comme agent responsable de la surdité professionnelle et fait l'objet de prévention puis d'indemnisation lorsque « le mal est fait ». Le nouveau défi à relever serait de prendre en compte la présence d’agents ototoxiques en milieu professionnel de façon à développer une politique de prévention de la surdité professionnelle plus efficace.

  • Cochlée saine et cochlée endommagée par un solvant

  • Cochlée saine et cochlée endommagée par un solvant

Le modèle animal a fourni des informations précieuses concernant les pouvoirs ototoxiques des solvants. Il a permis l’identification des tissus cochléaires les plus sensibles aux solvants : les cellules ciliées externes (CCEs) se sont révélées plus vulnérables que les cellules ciliées internes (CCIs). Il a aussi permis de distinguer les traumatismes cochléaires induits par les solvants de ceux provoqués par le bruit.

Il existe une signature histopathologique des effets du bruit et des solvants : le bruit endommage mécaniquement les stéréocils implantés au sommet des cellules ciliées externes (CCEs) et internes, tandis que les solvants empoisonnent les CCEs par leur base, les CCIs semblant par ailleurs être préservés des agressions des solvants.

Les oto-émissions acoustiques sont des outils qui permettent d’évaluer le fonctionnement physiologique des CCEs. Néanmoins, les oto-émissions ne se sont pas révélées des biomarqueurs plus sensibles que les audiogrammes pour mesurer une atteinte des CCEs suite à l’exposition à des solvants. Si les solvants peuvent provoquer des dommages des CCEs après des expositions chroniques (des mois voire des années), ils peuvent en revanche avoir un effet pharmacologique aigu (rapide et temporaire) sur le système nerveux central. Or, un moyen d’évaluer cette action serait de mesurer le seuil de déclenchement du réflexe stapédien par le biais des produits de distorsion acoustique (Venet et al. 2014).

Pour achever notre réflexion sur les effets ototoxiques des solvants, on ne peut passer sous silence les effets d’expositions combinées au bruit et aux solvants. Cette fois encore, l’expérimentation animale et des études épidémiologiques chez l’homme ont montré qu’il existe un risque réel de potentialisation des effets du bruit par les solvants. Les déficits auditifs mesurés suite à une exposition combinée sont supérieurs à la somme des déficits provoqués par le bruit additionnés à ceux induits par les solvants.

Monoxyde de carbone et acide cyanhydrique

 

Le monoxyde de carbone [CO] et l’acide cyanhydrique [HCN] comptent parmi les gaz les plus dangereux en milieu professionnel. Il est apparu chez le rat que, si CO et HCN n’engendrent aucune perte auditive par eux-mêmes, ils peuvent néanmoins potentialiser les effets du bruit.

Par ailleurs, il a été montré qu’une exposition sonore non traumatisante peut le devenir lorsque du CO ou de l’HCN est présent simultanément à l’exposition au bruit. Les risques inhérents aux expositions combinées au bruit et au CO ou HCN doivent donc faire l’objet d’une attention particulière et d’une surveillance audiométrique soutenue. Comme pour les autres agents ototoxiques déclinés ci-dessus, se pose alors la question de la pertinence des limites d'exposition lorsque les personnes sont en exposition multifactorielle.

Les agents ototoxiques extra-professionnels

Antibiotiques

 

Parmi les différentes classes d'antibiotiques, seuls les aminoglycosidiques (AA), antibiotiques utilisés dans les infections sévères à germes gram, seront évoqués en raison de leur ototoxicité. Depuis l'arrivée des céphalosporines, l'utilisation des AA a baissé bien que leur recours s'avère encore nécessaire dans bien des pathologies, surtout lorsqu’un micro-organisme devient résistant à une antibiothérapie classique. Les plus largement utilisés à des fins thérapeutiques sont énumérés dans le tableau ci-dessous.

Antibiotique

Utilisation thérapeutique

Amikacine

Infection nosocomiale

Gentamicine

Pneumonie, méningite

Tobramycine

Associé avec gentamicine

Kanamycine

Tuberculose si résistance

Néomycine

Infection de peau et muqueuse

Streptomycine

Endocardite, tuberculose

L'ototoxicité des AA se traduit par des pertes auditives aux fréquences élevées (sons aigus) se propageant ensuite vers les basses fréquences (sons graves) lorsque le traitement se prolonge. C'est surtout l'organe de Corti qui est lésé, les CCEs en particulier. Les AA pénètrent dans les liquides de l'oreille interne (OI) en traversant la barrière hémato-labyrinthique. Si l'élimination des AA dans le sang ne nécessite guère que 8 heures, elle est plus longue dans les liquides de l’OI. Chez le rat, par exemple, l’AA peut persister 15 jours. Par ailleurs, les recherches sur animaux ont montré que les AA peuvent s’accumuler dans les cellules ciliées jusqu’à en devenir toxiques. Les AA sont donc des agents potentiellement ototoxiques.

Bien entendu, les risques pour l’audition encourus par les personnes sous traitement sont pris en considération par le médecin ; il s'agit bien souvent du seul choix possible compte tenu des pathologies développées par les patients. La pertinence du choix de tel ou tel AA ne sera donc pas discutée ici, nous soulignerons plutôt les risques encourus par les personnes qui, au terme de leur convalescence, reprennent leur travail. En effet, des études chez le cobaye ont montré qu'il existe une synergie entre les effets ototoxiques des AA et ceux du bruit.

Fort de ces données expérimentales, il convient d’informer le personnel ayant subi un traitement des risques encourus, ou de le protéger (protecteurs individuels contre le bruit, pauses soustrayant au bruit, suivi audiométrique) des expositions sonores quotidiennes dont la valeur est proche du seuil réglementaire : 80 dB(A) pour 8 heures de travail.

Diurétiques

 

Le furosémide, l'acide éthacrynique, le bumétanide sont trois diurétiques connus pour leurs effets ototoxiques regrettables mais temporaires.

La surdité apparaît quelques minutes seulement après l'administration ou l'ingestion du diurétique ; à la différence de celle induite par les AA, la surdité régresse parallèlement à l’élimination des diurétiques et cesse à la disparition totale du produit.

Les diurétiques perturbent les équilibres ioniques existant entre le sang et les liquides de l’OI, entraînant ainsi une baisse des performances auditives. Les personnes sous traitement doivent donc être informées des risques encourus. Des études expérimentales et des cas cliniques montrent qu'il existe une synergie entre les effets ototoxiques des antibiotiques et ceux des diurétiques. De plus, une étude révèle la potentialisation des effets ototoxiques de certains métaux lourds, comme le cadmium, par le furosémide. La prescription de diurétiques devra donc s’accompagner d’une information non seulement sur les risques d’hypoacousie contemporains à la prise du médicament, mais aussi sur les risques encourus par une prise combinée de diurétiques avec d’autres médicaments ototoxiques.

Comme évoqué précédemment avec les AA, il conviendra d’apporter une protection particulière au personnel sous traitement, surtout lorsque les salariés sont soumis à des expositions dont la valeur est proche des seuils réglementaires.

Salicylates

 

L'acide acétylsalicylique, ou aspirine, est un des trois médicaments les plus couramment consommés dans les sociétés industrielles modernes. Si les effets analgésiques, antiinflammatoires ou anti-pyrétiques sont les plus souvent recherchés, certaines personnes souffrant de maladies cardio-vasculaires peuvent également en consommer pour accentuer la fluidité sanguine.

Un niveau sérique de 10-15 mg pour 100 ml correspond à la dose généralement prise pour calmer une migraine, un mal de dent, une fièvre ; il correspond également au traitement préventif des angines de poitrine. À de telles concentrations, des déficits auditifs partiels et temporaires peuvent survenir. Certaines personnes ne s'aperçoivent même pas de l’hypoacousie dont elles souffrent. Lorsque la concentration sérique d’acide acétylsalicylique atteint 19,6 mg pour 100 ml, la majeure partie des sujets ayant une audition « normale » avant la prise d’aspirine, se plaint alors d'un sifflement de l'oreille ou acouphène. Comme les diurétiques, l'aspirine agit en modifiant les équilibres ioniques entre le sang et les liquides de l’OI. Elle modifie le comportement des cellules ciliées externes provoquant ainsi une hypoacousie et des acouphènes. Quoi qu'il en soit, les salicylates peuvent être à l’origine d’hypoacousies temporaires et, pour des raisons déjà évoquées précédemment, les acteurs de la prévention se doivent d'informer les personnes exposées au bruit, chacune d'entre elles étant un consommateur potentiel d'aspirine.

Les questions de la potentialisation des effets du bruit par l’aspirine, et des effets à long terme sur l’audition de traitements chroniques avec de l’aspirine restent aujourd’hui sans réponse.

Noisechem

Au sein du projet européen Noisechem (de 2000 à début 2004), l’INRS a étudié les effets ototoxiques des solvants aromatiques notamment du styrène et du toluène, seuls et en association avec du bruit. Des risques induits par la synergie entre bruit et agents ototoxiques ont été mis en évidence.

Le vieillissement comme facteur de fragilisation de l’oreille interne a également été étudié.

Anti-tumoraux

 

Le cisplatine et carboplatine sont des anticancéreux très employés en chimiothérapie. Leur utilisation est susceptible de modifier la composition électrochimique des liquides de l’oreille interne et de détruire des cellules ciliées. Ils ont des effets cochléotoxiques permanents.

Quant aux effets conjugués du bruit et des antitumoraux, un risque accru de déficit auditif à l’exposition au bruit a été mis en évidence chez l’animal. Il est donc fondamental d’avertir les salariés concernés par ce type de traitement des risques encourus par une exposition sonore, même de faible intensité et, le cas échéant, de les en protéger.

Réglementation

 

Le cadre réglementaire de la prévention des risques liés à l’exposition au bruit s’appuie sur une démarche dont les principes généraux sont édictés par le Code du travail (article L. 4121-2 du Code du travail). Il est précisé par des dispositions spécifiques relatives :

  • à l’insonorisation des locaux lors de la conception des lieux de travail (art. R. 4213-5 et R. 4213-6 du Code du travail) ;
  • aux mesures de prévention des risques d’exposition au bruit (art. R. 4431-1 et R. 4437-4 du Code du travail).

Pour en savoir plus, consulter la rubrique Réglementation du dossier Bruit qui aborde notamment les obligations de l’employeur.

Prévention des risques

Surveillance audiométrique

 

Une protection individuelle contre le bruit et un suivi audiométrique des individus soumis à des expositions sonores dont la valeur est proche des seuils réglementaires sont autant de pistes à explorer pour protéger l’audition des salariés exposés à des ambiances professionnelles multifactorielles.

Formation

 

Une formation des acteurs de la prévention à l’usage des produits de distorsion serait indiscutablement un atout supplémentaire dans le dépistage de surdité induite par des agents ototoxiques.

Information

 

Il conviendra d’informer et de surveiller les personnes convalescentes (retour d’hospitalisation par exemple), d’insister sur la vigilance particulière à apporter vis-à-vis des signaux sonores d'avertissement pour les salariés prenant occasionnellement des diurétiques ou de l’aspirine.

Mesures d’ordre réglementaire

 

Les limites réglementaires à l’exposition au bruit ont été établies pour des sujets sains ne présentant pas de fragilité cochléaire. Or, une oreille interne envahie par un agent ototoxique, ou vieillissante, pourrait se révéler plus vulnérable à une agression sonore qu'une oreille exposée uniquement au bruit. La question de la pertinence des limites d’exposition au bruit, ou des valeurs limites de moyennes d’exposition à des agents ototoxiques lorsque des personnes sont exposées à plusieurs nuisances reste donc posée

La VME est exprimée en cm3/m3 (ppm) et en mg/m3. Elle vise à protéger les travailleurs contre des effets résultant d'une exposition prolongée, exposition au cours d'un poste de huit heures. Ces valeurs sont utilisées en France dans le cadre de la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs contre les risques liés à une exposition à des agents chimiques sur le lieu de travail. Pour cette raison, les législateurs devraient prendre en considération les résultats scientifiques récents pour renforcer la protection de l’audition des personnes exposées à des multinuisances.

Pour en savoir plus
Mis à jour le 01/04/2018