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Sulfate de diméthyle

Fiche toxicologique n° 78

Sommaire de la fiche

Édition : Avril 2021

Pathologie - Toxicologie

  • Toxicocinétique - Métabolisme [1, 25, 28, 31, 33]

    Le sulfate de diméthyle, bien absorbé par voies respiratoire et cutanée, est surtout distribué dans les poumons et le cerveau.

    Chez l'animal

    Le sulfate de diméthyle est absorbé par les voies respira­toire, orale et cutanée. L’absorption par voie respiratoire semble importante (non quantifiée) et rapide ; la sub­stance a en effet disparu en 40 minutes de la chambre d’inhalation de rats exposés à 4,7 ou 127 mg/m3.

    Son administration par voie intraveineuse montre qu’il est distribué dans les poumons, le cerveau, le foie et le rein. Les deux premiers organes cités étant fortement irrigués, le sulfate de diméthyle s’y fixerait dès son premier pas­sage ; ce sont en effet dans ces deux organes que sont mesurées les plus fortes proportions d’ADN méthylé (essentiellement la N7-méthylguanine). Sa demi-vie plas­matique est très courte, puisque la substance n’est plus détectable dans le sang 5 minutes après l’injection de 75 mg/kg. La demi-vie in vitro de 4,5 heures est plus longue que la demi-vie in vivo, suggérant que des méca­nismes autres que l’hydrolyse de la molécule participent à son élimination rapide.

    Une des voies de dégradation de la molécule passerait par la conjugaison avec le glutathion, via la formation de S- méthyl-glutathion, pour donner la N-acétyl-S-méthyl-cystéine, éliminée dans les urines. Dans les tissus, le sulfate de diméthyle pourrait subir une hydrolyse lente pour don­ner du méthanol et de l’acide sulfurique; cependant aucune donnée quantitative ne permet de préciser cette hypothèse.

    Il existe une corrélation entre les concentrations atmosphériques de sulfate de diméthyle et les concen­trations des adduits N-méthylvaline-hémoglobine ; une exposition à des concentrations de 200 pg/m3 (valeur TRK allemande) correspond à un taux d’adduits à N- méthylvaline-hémoglobine de 40 µg/l de sang (moment du prélèvement non fixé) ; chez les sujets non profession­nellement exposés, des taux de l’ordre de 12,4 µg/l (95ième percentile) sont retrouvés (méthylation endogène avec la S-adénosylméthionine, tabagisme). Ce paramètre est donc sensible et pertinent pour évaluer l’exposition. Dans une étude chez des salariés d’une fabrique de surfactants exposés au sulfate de diméthyle, la médiane des concen­trations sanguines d’adduits N-méthylvaline-hémoglobine est de l’ordre de 80 µg/l (40 - 180 µg/l) chez 10 des 62 salariés, considérés comme les plus exposés alors que les concentrations atmosphériques en sulfate de diméthyle étaient inférieures à la limite de détection (de 10 µg/m3), d’où l’importance de la prise en compte de la voie dermale comme source d’exposition. Après mise en place de mesu­res de prévention, les concentrations sanguines (prélève­ments effectués 4 mois plus tard) se sont abaissées de moitié.

  • Mode d'actions
  • Toxicité expérimentale
    Toxicité aiguë [1, 26, 27, 31]

    Le sulfate de diméthyle est toxique par inhalation et par voie orale. Corrosif pour la peau et les yeux, il est également sensibili­sant.

    La DL50 par voie orale se situe entre 106 et 440 mg/kg chez le rat; elle est de 140 mg/kg chez la souris. La CL50 a été estimée chez le rat entre 45 et 168 mg/m3/4 h, chez la souris à 280 mg/m3/4 h et chez le cobaye à 165 mg/m3/1 h. La DL50 déterminée après injection intra-péritonéale chez la souris est d’environ 75 mg/kg. Les expositions orales ou par injection provoquent des crampes, des convulsions, des difficultés respiratoires ainsi que de graves lésions du foie et de l’estomac. La mort survient alors dans les 10 à 24 heures. L’inhalation provoque une insuffisance respira­toire aiguë, accompagnée d’une inflammation sévère et d’hémorragies du poumon. Des atteintes du rein et de la rate ont également été observées chez la souris, le rat et le cochon d’Inde après inhalation de 393 mg/m3 pendant 17 à 26 minutes.

    Chez le lapin, alors qu’un contact limité à 15 minutes est capable de créer une forte irritation de la peau, une nécrose se développe après une application prolongée de 20 heures et persiste au moins 8 jours. Une très forte irritation est de même observée sur l’œil du lapin par application locale et sur les voies respiratoires du rat par inhalation.

    Des données positives, limitées au test du ganglion lym­phatique chez la souris (LLNA), amènent à considérer cette substance comme sensibilisante.

    Toxicité subchronique, chronique [1, 19, 26, 28, 30]

    L’inhalation chronique provoque de graves inflammations des voies respiratoires.

    L’inhalation de 0,5 à 7,9 mg/m3 de sulfate de diméthyle pendant 2 semaines provoque, dans deux études dès 0,5 mg/m3, des lésions de l’épithélium nasal chez le rat, de type atrophie et ulcération; des hypertrophies, hyperpla­sies et métaplasies des muqueuses des voies respiratoires sont observées à la fin de la période d’exposition. La proli­fération cellulaire est attestée par une synthèse d’ADN 4 fois plus importante dans l’épithélium nasal des rats traités que chez les animaux non traités.

    Des rats et des cochons d’Inde, exposés à 2,6 mg/m3 de sulfate de diméthyle pendant 4 mois, présentent des trou­bles nerveux, une dégénérescence graisseuse du foie, une atteinte rénale, une inflammation chronique des bron­ches et une modification de divers paramètres hématolo­giques. Seule l’inflammation des bronches persiste après une période de réversibilité. Une concentration de 0,28 mg/m3 ne semble induire aucun de ces signes. Cependant, la qualité discutable de cette étude incite à considérer ces données avec prudence.

    Des données de toxicité chronique peuvent être tirées des études de cancérogenèse. Parmi 27 rats exposés à 55 mg/m3 pendant une heure, 5 fois par semaine pendant 19 semaines, 12 morts précoces dues à une forte inflam­mation nasale ou à une pneumonie, sont décrites. De même, dans un groupe de 20 rats exposés à 16 mg/m3, pendant 19 semaines, on dénombre également quelques morts liées à une nécrose des muqueuses nasales.

    Effets génotoxiques [4, 24-26, 28, 30]

    La génotoxicité, liée au caractère alkylant de la substance, est démontrée dans de nombreuses études in vitro et in vivo.

    Le sulfate de diméthyle provoque différents types de lésions génotoxiques :

    • des mutations géniques avec ou sans activation méta­bolique sur des bactéries, des champignons, sur des insec­tes, des plantes ou des cellules de hamster en culture ;
    • des lésions de l’ADN mises en évidence par une induc­tion de sa réparation chez les bactéries, par une synthèse non programmée d’ADN dans les hépatocytes de rat et les fibroblastes humains en culture et par la génération de cassures transitoires ou permanentes dans l’ADN ;
    • des anomalies chromosomiques (échanges de chromatides-sœurs) in vitro, dans différents systèmes cellulaires (fibroblastes pulmonaires et cellules ovariennes de hams­ter, fibroblastes humains) ; aberrations chromosomiques in vivo dans les cellules de la moelle osseuse de rat et de souris.

    Le sulfate de diméthyle est un alkylant monofonctionnel. Il réagit avec l’ADN par méthylation en N7 de la guanine ou en N3 de l’adénine. Un modèle pharmacocinétique a mon­tré que la formation d’adduits à l’ADN dans la cavité nasale serait 7 fois plus importante chez le rat que chez l’Homme. Cependant, les conditions utilisées pour mettre en évidence ces adduits (fortes doses et temps d’exposi­tion courts) sont trop éloignées des conditions des études de cancérogenèse pour pouvoir établir un lien entre la méthylation de l’ADN par le sulfate de diméthyle et les cancers observés.

    Effets cancérogènes [1, 25, 26]

    Le rat, la souris et le hamster, exposés essentiellement par inhalation, développent des sarcomes au site de contact et des tumeurs du système nerveux.

    Les rats, exposés 15 mois à l’inhalation de 0,5 mg/m3, développent des sarcomes de la cavité nasale avec de pos­sibles métastases. À 16 mg/m3, 5 fois/sem. pendant 19 semaines, parmi 20 rats traités, on dénombre un carci­nome de la cavité nasale, une tumeur bénigne du nerf olfactif et une tumeur maligne du trijumeau. À 55 mg/m3, 1 h/j, 5 fois/sem. pendant 19 semaines, parmi 15 survi­vants, sont observés 3 carcinomes de la cavité nasale, un gliome du cervelet et un lymphosarcome du thorax avec métastases pulmonaires ; la mortalité est élevée du fait de l’effet nécrosant du sulfate de diméthyle sur la cavité nasale et les poumons.

    Une étude de qualité médiocre, menée sur la souris, n’a mis en évidence aucun excès de cancers à la suite de l’application cutanée de 0,1 mg de la substance pendant un an.

    Par voie sous-cutanée (8 mg/kg, 1 fois/sem., 394 j), le sul­fate de diméthyle induit, chez le rat, le développement de sarcomes au site d’injection (7 animaux/11 dont 3 avec métastases). Les mêmes effets sont obtenus après une injection unique de 50 mg/kg (7 rats/15).

    Par voie intraveineuse, après administration unique ou répétée, aucun effet cancérogène n’a été mis en évidence chez le rat ; cependant, une injection de 20 mg/kg à des rates gestantes au jour 15 de gestation induit des tumeurs chez 7/59 nouveau-nés (3 du cerveau, 1 de la thyroïde, 2 du foie et 1 de l’utérus), se développant plus d’un an après l’exposition.

    Effets sur la reproduction [19-23, 26, 29, 34]

    A ce jour, les données disponibles ne permettent pas d’évaluer de manière adéquate les effets sur la fertilité du sulfate de diméthyle. Concernant les effets sur le développement, aucun effet sur les embryons ou les fœtus de rats n’est rapporté ; chez la souris, les atteintes observées semblent liées à une exposition spécifique pendant les premières heures de l’embryogenèse (mais par voie intra-péritonéale, non usuelle).

    Fertilité

    Aucune étude n’est disponible concernant les effets sur la fertilité du sulfate de diméthyle par voie orale, cutanée ou respiratoire. Une seule étude par voie intra-péritonéale a été réalisée chez la souris femelle, par injection d’une unique dose de 75 mg/kg, un jour avant l’accouplement avec des mâles non traités : une diminution légère mais significative de la taille des portées, du nombre de nouveau-nés et de portées par femelle est rapportée. Selon les auteurs, ces anomalies seraient associées à une légère diminution du nombre de petits follicules [20].

    Développement

    Dans certaines études, dont seuls des résumés sont disponibles, des pertes pré- et post-implantatoires, après inhalation de 21 mg/m3 de la substance tout au long de la période de gestation chez la souris (J1 à J18) ont été observées. Les fortes doses utilisées pourraient être toxiques pour les mères. Toutefois, le peu d’informations sur les protocoles mis en œuvre et les résultats obtenus limitent leur interprétation [34].

    Des données plus récentes ne confirment pas ce type d’effet chez le rat, lorsque les rates sont exposées de 0,5 à 7,9 mg/m3 de sulfate de diméthyle (du 7e au 16e jour de gestation, 6 h/j, uniquement par le nez). Aucune augmentation du nombre de malformations ou de variations n’est observée [19].

    Cependant, une exposition unique de 25 mg/kg par injection intra-péritonéale chez la souris montre que les 25 premières heures de la formation du zygote sont les plus sensibles à l’effet toxique. Ce traitement, administré 1 à 25 heures après l’accouplement, induit une augmentation des pertes pré- et post-implantatoires. Jusqu’à 30 % des fœtus survivants sont porteurs d’anomalies de développement (non décrites). La toxicité maternelle n’est pas rapportée par les auteurs [23].

  • Toxicité sur l’Homme

    Le sulfate de diméthyle est un produit caustique extrêmement dangereux. Après une période de latence de quelques heures, des signes d’irritation peuvent apparaître lors d’intoxications faibles, puis des signes d’irritation plus sévères oculaires, pulmonaires, cutanés et digestifs en fonction des voies d’exposition. L’intoxication systémique, qui peut apparaître après exposition inhalatoire ou cutanée, comprend des signes neurologiques, cardiologiques, hépatiques et rénaux. Des séquelles pulmonaires, ORL et générales sont possibles (principalement irritations oculaire, respiratoire et rhinopharyngée). Quelques cas de carcinomes bronchopulmonaires ont été rapportés chez des salariés exposés. Deux études épidémiologiques sur de faibles effectifs de salariés exposés, n’ont pas mis en évidence d’augmentation significative du nombre de décès et du nombre de cancers pulmonaires pour l’une, et d’excès de décès par cancer pour l’autre. 

    Toxicité aiguë [1, 3, 25, 26, 31]

    En milieu professionnel, les sujets sont principalement exposés par voies inhalatoire et cutanée.

    Le sulfate de diméthyle est un produit caustique extrême­ment dangereux. Plusieurs cas d’intoxication par voies inhalatoire et/ou cutanée ont été rapportés, avec des décès pour des expositions par inhalation de l’ordre de 500 mg/m3 pendant 10 minutes. L’importance des effets est proportionnelle au temps d’exposition et à la concen­tration du produit.

    Les intoxications aiguës sont caractérisées par le retard d’apparition des symptômes, avec une latence allant de 3 à 5 heures en moyenne, parfois jusqu’à 12 heures. Elles ont surtout été observées après exposition aux vapeurs ou aérosols de produit.

    Dans les formes légères, apparaissent des signes d’irrita­tion oculaire, nasale, pharyngo-laryngée et cutanée avec sensation de brûlure.

    Dans les formes plus graves, dominent les manifestations oculaires à type d’irritation, larmoiement, brûlures, photo­phobie, parfois œdème palpébral, chémosis, blépharospasme et vision floue. L’examen ophtalmologique peut objectiver, immédiatement ou secondairement, une baisse de l’acuité visuelle, une modification de la vision des couleurs, une ulcération cornéenne, avec dans cer­tains cas, opacification cornéenne et œdème du stroma. Ces manifestations oculaires sont lentement réversibles, à raison de quelques jours ou semaines, mais peuvent lais­ser des séquelles définitives.

    L’inhalation de vapeurs peut également provoquer, après un intervalle libre de quelques heures, des signes irritatifs rhinopharyngolaryngés avec anosmie, agueusie, voix rauque et parfois œdème laryngé et fièvre. Un cas de perforation de la cloison nasale a été décrit. Les signes d’ir­ritation trachéobronchique peuvent associer des symptô­mes à type de dyspnée, toux, douleurs thoraciques, évocateurs de pneumopathie aiguë ; un œdème aigu pul­monaire mortel dans certains cas peut survenir de façon parfois très retardée. Des signes d’irritation digestive avec hypersialorrhée, vomissements, douleurs abdominales sont fréquents.

    Par contact cutané, le sulfate de diméthyle provoque, après un temps de latence de quelques heures, un éry­thème cutané avec œdème et parfois phlyctène ; il peut être à l’origine d’une intoxication systémique.

    Les projections oculaires peuvent entraîner des atteintes graves avec séquelles.

    Les signes d’intoxication systémique sont :

    • des symptômes témoins d’une souffrance du système nerveux central comme une somnolence, des convulsions, un délire, des paralysies, un coma, avec décès possible en quelques jours ;
    • une tachycardie, des anomalies électrocardiographi­ques (inversion de l’onde T) et parfois un choc cardiovas­culaire ;
    • plus rarement, une atteinte hépatique (perturbation du bilan biologique) et/ou rénale pouvant même être respon­sables après plusieurs semaines d’un décès. Ces symp­tômes persistent quelques jours dans la majorité des cas. Des séquelles pulmonaires à type de surinfections bron­chiques ou de fibrose, des séquelles ORL comme la dysphonie ou générales telle l’asthénie persistante ont été décrites dans les suites d’une intoxication aiguë.
    Toxicité chronique [32]

    Les effets de l’exposition chronique au sulfate de dimé­thyle sont peu documentés. Ce sont principalement des symptômes d’irritation ocu­laire, respiratoire et rhinopharyngée qui ont été décrits.

    Effets génotoxiques [25, 26, 31]

    Plusieurs études retrouvent une augmentation du nom­bre d’aberrations chromosomiques dans les lymphocytes circulants de travailleurs exposés au sulfate de diméthyle, à des concentrations de 0,2 à 20 mg/m; en raison des coexpositions, il est difficile de conclure de façon certaine à une relation causale.

    Effets cancérogènes [1, 25, 26, 31, 32]

    Plusieurs cas de cancers sont rapportés dans la littérature : quatre cas de carcinomes broncho-pulmonaires parmi 10 ouvriers exposés aux vapeurs de sulfate de diméthyle ; un cas de cancer broncho-pulmonaire chez un chimiste exposé depuis 7 ans à de petites quantités de sulfate de diméthyle, mais dont l’exposition simultanée à d’autres agents alkylants (bis(chlorométhyl)éther et (chlorométhyl)méthyléther) à de plus fortes concentrations rend difficile l’évaluation de la responsabilité du sulfate de diméthyle ; un cas de mélanome choroïdien chez un sujet exposé depuis 6 ans au sulfate de diméthyle mais aussi au 4,4’-diaminodiphénylméthane.

    Deux études épidémiologiques ont été retrouvées : l’une parmi 145 ouvriers exposés au sulfate de diméthyle à dif­férentes périodes entre 1932 et 1972 ne met pas en évi­dence d’augmentation significative du nombre de décès ni de cancers pulmonaires ; aucune donnée sur les niveaux d’exposition n’est cependant disponible ; l’autre parmi 56 salariés exposés entre 1 mois et 26 ans au sul­fate de diméthyle à des concentrations allant de moins de 0,2 ppm à plus de 1 ppm (soit 1 à 5,24 mg/m3) ne men­tionne aucun excès de décès par cancer. À noter le faible effectif des sujets exposés dans ces 2 études.

    Effets sur la reproduction

    Aucune étude n’a été publiée concernant de possibles effets sur la reproduction chez l’Homme.

  • Interférences métaboliques
  • Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal
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