Pathologie - Toxicologie
Le tableau ci-dessous présente les principales caractéristiques des noirs de carbone commercialisés et ayant fait l’objet d’études toxicologiques mentionnées dans cette fiche toxicologique :
Nom commercial | Type de noir de carbone | Diamètre moyen des particules primaires (nm) | Surface spécifique (m2/g) |
Printex® 90 | Noir de fourneau | 12 à 16 | 254 à 337 |
Huber® 990 | Noir thermique | 260 | 8 |
Monarch® 880 | Noir de fourneau | 16 | 220 |
Elftex® 12 | Noir de fourneau | 37 | 43 |
Flammruss® 101 | Noir de fumée | 95 | 20 |
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Toxicocinétique - Métabolisme [RST]
Lors d’une exposition professionnelle, le noir de carbone pénètre dans l'organisme essentiellement par inhalation mais aussi par voie orale. Après inhalation, il s'accumule dans le tractus respiratoire et s'élimine lentement par voie pulmonaire et digestive.
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Mode d'actions
Le CIRC [2] a noté que l'exposition prolongée aux particules inhalées à des concentrations suffisamment élevées chez l’animal pouvait entraîner une altération des mécanismes de clairance normale dans la région alvéolaire du poumon, entraînant une accumulation continue de particules, des charges pulmonaires excessives et une inflammation alvéolaire. Cette réponse inflammatoire peut donner lieu à une augmentation de la génération d'espèces réactives d'oxygène, des lésions cellulaires, une prolifération cellulaire, une fibrose, l’induction de mutations et le cancer. Étant donné que nombre de ces étapes se produisent également chez les travailleurs dans des environnements empoussiérés, les données sur le cancer chez les animaux dont la clairance alvéolaire est altérée ont été considérées comme pertinentes pour les humains. En outre, une diminution de la clairance pulmonaire chez les rongeurs exposés à des particules ultrafines se produit à des concentrations de masse beaucoup plus faibles qu'avec des particules fines, ce qui ajoute à la pertinence humaine.
Des rats Fischer 344 ont été exposés par inhalation subchronique (6h/j, 5j/sem, 13sem) à du Printex® 90 (1, 7 ou 50 mg/m3 ; 16 nm, surface spécifique 300 m2/g) [24]. Les résultats de cette étude corroborent l'hypothèse de mécanisme concernant les particules ultrafines de faible toxicité selon laquelle les dommages oxydatifs de l'ADN dans les poumons de rat pourraient jouer un rôle dans l'effet tumorigène en raison notamment de leur importante surface spécifique et non de la masse des particules. La cancérogenèse induite chez le rat par les particules nanostructurées de faible toxicité présenterait ainsi un mécanisme en partie comparable à celui identifié pour les particules fines de faible toxicité mais pour une exposition totale plus faible.
Dans l’étude de Gilmour et al. [25] des rats Wistar mâles ont été exposés pendant 7 h par inhalation au NC fin (1,40 mg/m3 ; Huber® 990, 260 nm, diamètre médian en nombre (DMN) 268 nm) ou ultra-fin (1,66 mg/m3 ; NC P90, 14 nm, DMN 114 nm). La concentration en nombre des particules du P90 était plus de 10 fois supérieure à celle du Huber®. Les données ont été recueillies immédiatement, 16 et 48 h après l'exposition. Le P90 ultrafin a provoqué une augmentation du nombre total de leucocytes dans le liquide de lavage bronchoalvéolaire (LLBA). Ainsi une exposition unique de 7 heures, qui entraînerait selon les auteurs un dépôt de seulement 3,9 µg dans le poumon profond, était responsable d’une inflammation pulmonaire modeste mais détectable contrairement à une exposition similaire au NC fin. Une leucocytose sanguine a également été détectée chez les rats exposés au P90 suggérant qu'une inflammation locale stimulait la libération de granulocytes par la moelle osseuse.
Par instillation intratrachéale, Chen et al. [26] ont exposé des souris C57BL/6 à 20 μg de NC ultrafin (7-12 nm, agglomérats moyen 190 nm). La très grande surface spécifique (800 m2/g) induisant une forte inflammation confirme l’importance du paramètre surface dans l’évaluation du potentiel inflammatoire des particules nanostructurées. Selon les résultats de cette étude, les macrophages alvéolaires ne seraient pas impliqués dans l’initiation de la réponse inflammatoire alors que les cellules épithéliales alvéolaires de type II (ATII) qui induisaient une forte et précoce expression de cytokines inflammatoires (chimioattractants neutrophiles), pourraient au contraire être le moteur de l'inflammation neutrophile aiguë lors d'une exposition pulmonaire au NC ultrafin.
La charge pulmonaire exprimée en fonction de la surface des particules instillée semble être ainsi un indicateur commun pour le seuil de surcharge susceptible d'être généralisé aux particules de faible toxicité [27].
En résumé, selon Carter et al. [28], le modèle de réponse génotoxique indirecte survient à des niveaux d’exposition générant une inflammation chronique. L'effet résultant est un environnement favorable aux transformations néoplasiques, à la progression de la fibrose et la formation de tumeurs. Aux niveaux inférieurs à ceux générant l’inflammation, aucun risque ne devrait être anticipé selon ce modèle mécanistique.
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Toxicité expérimentale [1]
Toxicité expérimentale
Chez les rongeurs, les réponses pulmonaires indésirables au NC inhalé sont de type effet-dose et comprennent une inflammation, une lésion des cellules épithéliales pulmonaires et des lésions pulmonaires plus sévères et prolongées chez les rats comparativement aux souris et hamsters. La génotoxicité directe du NC a été évaluée et s'est révélée négative dans la plupart des tests de mutagénicité in vitro ou in vivo. Chez le rat, contrairement aux deux autres espèces de rongeurs, un effet cancérogène est observé qui serait lié au dépassement du seuil de surcharge pulmonaire.
Toxicité aiguë
Les particules de noir de carbone sont faiblement solubles et peu toxiques; elles provoquent, en exposition aiguë, une inflammation des poumons.
- Sensibilisation
- Cutanée : le Comité scientifique européen pour la sécurité du consommateur (CSSC) [29] a estimé qu’il était difficile de conclure à partir des tests de sensibilisation cutanée vu la faible probabilité que les particules de NC aient pénétré la peau pour atteindre les cibles cellulaires du système immunitaire. Le potentiel de sensibilisation du NC ne peut donc pas être exclu notamment dans les cas de peau endommagée.
- Respiratoire : l’administration par instillation intra-trachéale de NC ultrafin (P90) chez la souris sensibilisée à l’OVA n’ont pas aggravé de manière aiguë l'inflammation allergique établie des voies respiratoires [30].
Toxicité subchronique, chronique
La surcharge pulmonaire en particules induit, à terme, une réaction inflammatoire chronique, une prolifération fibroblastique et des dépôts accrus de collagène.
Un NOAEL à 1 mg/m3 pour les rats, souris et hamsters après une exposition de 13 semaines (6h/j, 5j/sem) à du P90 (surface spécifique estimée à 300 m2/g) a été estimé [31] : aucune variation morphologique ou inflammatoire n’était observée. Ce n’était pas le cas des concentrations plus élevées (7 et 50 mg/m3) qui provoquaient des altérations pathologiques du poumon chez les souris et les rats persistantes au bout de la période de récupération soit 11 mois après l'exposition. Ce NOAEL confirmait celui de Driscoll et al. [32] obtenu antérieurement chez le rat avec un NC de fourneaux (Monarch ® 880, 16 nm, 220 m2/g) : l’inhalation (6h/j, 5j/sem, 13sem) suivie d’une période de récupération de 3 et 8 mois à 1,1 mg/m3 en NC n’avait entraîné aucun effet indésirable (inflammation, histologie, mutation, clairance) détectable sur les poumon.
En ce qui concerne la toxicité chronique pour les effets non cancérogènes, Nikula et al. [33] ont exposé des rats des deux sexes durant 24 mois, 16 h/jour, 5 j/sem à du NC ultrafin (Elftex ®12 furnace black, 37 nm, 43 m2/g) à 2,5 ou 6,5 mg/m3. Ces auteurs ont observé des réponses morphologiques non néoplasiques dont notamment une inflammation chronique, une fibrose et une métaplasie alvéolaire. Des lésions pulmonaires graves survenaient pour les deux sexes à 2,5 et 6,5 mg/m3.
- Effets cardiovasculaires :
Chez l’homme et l’animal de laboratoire, les particules inhalées induisent localement une réponse inflammatoire pulmonaire menant à la libération de médiateurs pro-inflammatoires et/ou pro-thrombotiques dans la circulation [34]. En raison de leur taille, certaines nanoparticules pourraient également passer la barrière alvéolo-capillaire puis affecter l’homéostasie et l’intégrité cardiovasculaire en interagissant avec des cellules ou des macromolécules de la circulation sanguine ou d’organes secondaires [18]. Chez la souris, en accord avec des travaux antérieurs, Ganguly et al. [35] ont estimé que les effets cardiovasculaires observés après une inhalation de 4 ou 24h d’un aérosol très massivement nanométrique de NC (0,44 mg/m3 ; 800 m2/g ; décharge d’étincelle) seraient plus la conséquence d’une réponse inflammatoire pulmonaire que d’une translocation des particules. L’exposition de souris par instillation endotrachéale à des nanoparticules de NC conduisait à une accélération de la formation de plaques d’athérome chez des animaux déficients pour l’Apolipoprotéine E[36].
Effets génotoxiques
Le mécanisme de génotoxicité le plus probable relève de l'attaque oxydative de l'ADN par les espèces réactives de l’oxygène ou de l’azote générées au cours d'une inflammation provoquée par des particules.
Selon le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC)[2], les études de génotoxicité primaire (altération génétique, en l'absence d'inflammation) se sont révélées essentiellement négatives dans nombre de tests et le mécanisme le plus probable relève d’une génotoxicité secondaire résultant de l'attaque oxydative de l'ADN par les espèces réactives de l’oxygène ou de l’azote générées au cours d'une inflammation provoquée par des particules.
Il est habituellement considéré que la génotoxicité secondaire implique un seuil dont la valeur est estimée par le niveau d'exposition qui déclenche l'inflammation et surcharge les capacités antioxydantes et de réparation de l'ADN dans les poumons.
A titre d’exemple, l’étude subchronique par inhalation menée par Carter et al. [28] concluait sur l’absence d’augmentation de la fréquence de mutations (test Hprt des cellules du LLBA de rats, de souris et de hamsters exposés à 1 mg/m3 (NOAEL basé sur l’absence d’inflammation pulmonaire) contrairement à l’exposition à 7 mg/m3. Des études ont été aussi réalisées par instillation intratrachéale démontrant des cassures de l’ADN des cellules du LLBA mais à des doses déclenchant un processus inflammatoire [37]. Par ailleurs, du P90 administré par aspiration pharyngée (162 µg/souris) pouvait induire des dommages à l’ADN au niveau hépatique, ces effets ont été associés à la capacité du Printex® d’induire des espèces réactives de l’oxygène.
Effets cancérogènes
Le noir de carbone a été classé par le CIRC dans le groupe 2B (l’agent est peut-être cancérogène pour l’homme). Sa cancérogénicité in vivo chez le rat serait expliquée par une génotoxicité secondaire induite par une surcharge pulmonaire : lorsque le seuil de surcharge pulmonaire est dépassé, une inflammation chronique s’installe et les rats développent des tumeurs pulmonaires.
Le CIRC [2] estime que les études de cancérogénicité in vivo chez le rat confirment l’hypothèse selon laquelle la génotoxicité secondaire du NC serait basée sur un mécanisme de surcharge conduisant à la génération d'espèces réactives de l'oxygène à partir de cellules inflammatoires infiltrées, à l'oxydation de bases d’ADN, à des cassures de l’ADN, à une peroxydation lipidique, à la sécrétion de médiateurs inflammatoires. Lorsque le seuil de surcharge pulmonaire est dépassé, une inflammation chronique s’installe et les rats développent des tumeurs pulmonaires.
A titre d’exemple, le NC Elftex®12 (43 m2/g) a été administré chez le rat par inhalation chronique à 0, 2,5 ou 6,5 mg/m3 (16h/j, 5j/sem, 24 mois). Des augmentations significatives de l'incidence des adénomes et adénocarcinomes pulmonaires ont été observées à 2,5 et 6,5 mg/m3 chez les femelles et particulièrement à la plus forte concentration ; aucune augmentation tumorale significative n'a été constatée chez les rats mâles [33]. Les auteurs estimaient une concentration minimale avec effet (LOAEC) chez les rats des deux sexes à 2,5 mg/m3 basée sur les données d’histopathologie. Il est très vraisemblable qu’à la concentration 6,5 mg/m3, les rats aient été en surcharge pulmonaire : le CIRC [2] considérait qu’une exposition à 7,1 mg/m3 pendant seulement 13 semaines induisait une altération de la clairance pulmonaire.
La cancérogénicité pulmonaire du NC a été testée chez le rat et la souris, par inhalation et par voie intratrachéale. Le CSSC [29] et le CIRC [2] estiment que le NC peut provoquer des tumeurs malignes chez les rats après une exposition par inhalation ou instillations intratrachéales. Le CSSC note que les études par instillation sont souvent positives du fait de forts dosages administrés aux animaux et ne peuvent pas être utilisées pour la caractérisation quantitative des risques liés à l'exposition humaine par inhalation ; cependant ces études fournissent des informations sur la capacité des nanoparticules de NC à induire des tumeurs. Les données issues des études de cancérogénicité chez l'animal ne permettent pas de préciser une concentration seuil sans effet néfaste observable (NOAEC).
Effets sur la reproduction [38]
L'exposition maternelle au noir de carbone peut potentiellement affecter le développement du fœtus, aussi bien directement qu'indirectement.
D’après les résultats des études expérimentales sur les nanoparticules (NP) insolubles, la translocation des NP déposées dans les poumons vers la circulation systémique est faible (< 1% pour le NC) et la majorité des NP transférées s'accumulent dans des organes cibles secondaires tels que le foie, la rate et le placenta. Des études montrent que la translocation des NP insolubles à travers le placenta est très faible (0,005 à 0,018%), d'où un transfert des particules très limité vers le fœtus [39]. Ainsi, l'exposition maternelle au NC peut potentiellement affecter le développement du fœtus, aussi bien directement qu'indirectement. La fertilité chez les femelles n'a été abordée dans aucune étude[29].
La revue générale d’Ema et al. [38] fait état d’une atteinte de la spermatogénèse chez des souris adultes après instillation intratrachéale de P90 et Flammruss® 101. Cette même publication rapporte, également dans cette espèce, des effets sur le développement de la descendance touchant plusieurs organes ou fonctions dont le système immunitaire, le cerveau, le testicule et le rein. Des effets génotoxiques et sur le comportement sont notamment rapportés. L'exposition maternelle aux particules peut avoir des effets sur les lignées germinales des générations suivantes, avec une sensibilité différente selon qu’il s’agit de mâles ou de femelles. En particulier, dans plusieurs études réalisées par instillation intratrachéale chez des souris gestantes, les petits mâles présentaient une diminution de la production journalière de sperme et des modifications histopathologiques testiculaires (vacuolisation des tubes séminifères et diminution de l'adhérence cellulaire de l'épithélium séminifère). Pour certains de ces travaux, des informations insuffisantes étaient fournies sur la toxicité maternelle or celle-ci est classiquement susceptible de provoquer des effets sur la descendance.
Ces résultats n’ont cependant pas été confirmés par Skovmand et al. [39, 40]. La publication de 2018 (instillation intratrachéale avec du P90 ou du Flammruss® 101 (1x100 µg/sem, 7 semaines consécutives) montre qu’en dépit d’une réponse inflammatoire pulmonaire prolongée, cette exposition n'a pas affecté la production quotidienne de sperme ni la concentration de testostérone chez les souris mâles adultes exposées. La publication de 2019, n’a pas objectivé l’apparition des effets transgénérationnels de la 1ère à la 4e génération (F1 à F4) sur la fonction de reproduction des mâles, provenant de souris femelles (F0) exposées par inhalation corps entier à 4,6 et 37 mg/m3 de P90, 45 min/jour entre les 4e et 18e jours de la gestation. Aucune inflammation pulmonaire ni réponse aiguë en termes d'afflux de neutrophiles n’a été constatée chez les mères ni aucun changement significatif dans aucune des quatre générations de la lignée germinale mâle ou dans la 2e génération provenant de la lignée germinale femelle. Bien que les résultats obtenus par inhalation soient rassurants, il serait prématuré de conclure, en termes de transposition à l’homme, que l'exposition aux particules de carbone ne présente aucun risque pour la reproduction masculine.
Dans l’étude de Umezawa et al. [41], des souris femelles ont été exposées par inhalation à un aérosol de P90 (14 nm, 182 à 338 m2/g), 45 min/jour à 0, 4,6 ou 37 mg/m3 de P90 du 4e au 18e jour de gestation. Chez les mâles de 6 semaines, a été constatée une altération dose-dépendante des macrophages périvasculaires cérébraux et des astrocytes. Lors du test en champ libre (open field), le comportement a été modifié à l'âge de 90 jours ; les auteurs remarquent que certains des effets observés présentent des similitudes frappantes avec ceux décrits dans des modèles murins de troubles du développement neurologique. L’absence de mesure pendant l’exposition ou immédiatement à la fin des expositions n’exclut pas une inflammation pulmonaire maternelle lors de la gestation contribuant aux effets constatés chez leur descendance.
- Sensibilisation
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Toxicité sur l’Homme
Des symptômes respiratoires et une altération de la fonction pulmonaire, associés à une augmentation des marqueurs circulants de l’inflammation ont été mis en évidence dans les études épidémiologiques. Dans les études les plus anciennes où les travailleurs étaient exposés aux niveaux les plus importants, des tableaux de pneumoconioses ont été observés. Les données épidémiologiques, analysées dans leur ensemble, ne sont pas suffisamment probantes pour conclure à la cancérogénicité du noir de carbone inhalé chez l’homme. Des modifications réversibles des paramètres de l’inflammation pulmonaire et systémique, ainsi que de certains paramètres cardiovasculaires ont été observées à faible dose dans le cadre d’expositions contrôlées de courte durée.
Toxicité aiguë
Les poussières de noir de carbone peuvent causer une irritation mécanique des yeux et des voies respiratoires.
Il a été observé des pigmentations de la conjonctive palpébrale après des applications régulières, pendant au moins deux ans, de produits cosmétiques oculaires à base de noirs de carbone (eye-liner et mascara).
Aucun cas de sensibilisation cutanée ou respiratoire n'a été décrit chez l'homme.
Toxicité chronique
Les données d’exposition au noir de carbone rapportées dans les études épidémiologiques sont très variables tant du point de vue qualitatif que quantitatif. Les niveaux d’expositions ont notamment considérablement diminué au fil du temps, pouvant être sensiblement différents en fonction des secteurs et des périodes d’exposition. Les principaux symptômes respiratoires rapportés sont une toux et des expectorations chroniques, une respiration sifflante et un essoufflement, parfois associés à une altération de la fonction pulmonaire caractérisée par une obstruction bronchique ou un syndrome restrictif, ainsi qu’à une augmentation des taux sériques de cytokines pro-inflammatoires et d’autres marqueurs précoces de toxicité pulmonaire. Dans les études les plus anciennes où les travailleurs étaient exposés aux niveaux les plus importants, des tableaux de pneumoconioses ont été observés. Les études relatives aux particules de carbone ultrafin en conditions d’exposition contrôlées de courte durée chez des volontaires sains, asthmatiques ou diabétiques, mettent en évidence, à faibles doses, une légère altération temporaire et réversible de la fonction pulmonaire, ainsi que des modifications réversibles de marqueurs de l’inflammation pulmonaire et systémique et de certains paramètres cardiovasculaires. Néanmoins, il n’y a pas de relation dose-effet claire et il est difficile de savoir si les phénomènes observés sont à caractère adaptatif et transitoire ou représentent un effet qui en devenant chronique serait susceptible d’entraîner des états morbides.
Des études réalisées dans cette industrie aux États-Unis et en Europe occidentale après la fin des années 1970 ont montré que l'exposition moyenne géométrique personnelle à la poussière inhalable était inférieure à 5 mg/m3. Vers le milieu des années 90, les niveaux géométriques moyens de poussières inhalables et respirables étaient respectivement inférieurs à 2 mg/m3 et 0,5 mg/m3. L'exposition dans les industries utilisatrices est difficile à évaluer en raison du manque de données et de l'exposition concomitante à de nombreuses autres particules, mais les niveaux d'exposition sont supposés être plus faibles, à l'exception peut-être des travailleurs qui manipulaient du NC. L'exposition au NC ne se produit pas lors de l'utilisation de produits dans lesquels le NC est lié à d'autres matériaux, tels que le caoutchouc, les encres d'imprimerie ou les peintures.
Parmi les effets respiratoires non cancérogènes chez les travailleurs expertisés par le CIRC [2] figurent la toux, la production d'expectorations, la bronchite, les opacités radiographiques thoraciques (par exemple, la pneumoconiose) et la diminution de la fonction pulmonaire. Les asthmatiques présentaient un dépôt total plus élevé de particules de carbone ultrafines dans les voies respiratoires par rapport aux individus en bonne santé. La quantité de NC déposée peut également augmenter avec l’augmentation du volume minute, par exemple chez les personnes qui font de l’exercice ou lors de lourdes charges de travail. Des charges pulmonaires massives et une diminution de la clairance pulmonaire ont été observées chez les mineurs.
Plus récemment, l’étude chinoise de Zhang et al. [42] a été réalisée chez 81 travailleurs employés depuis au moins 1 an (en moyenne 12,5 ans) dans un atelier de conditionnement de NC, afin d’évaluer les effets du NC ultrafin (taille des particules unitaires comprise entre 30 et 50 nm ; 50,8% des particules inférieures à 523 nm et 96,7% inférieures à 1 µm) sur la fonction pulmonaire, comparativement à un groupe de 104 travailleurs non exposés, issus d’une autre entreprise de la ville. Chez les sujets exposés, le niveau d’exposition moyen évalué en fraction inhalable à l’aide de prélèvements individuels chez 15 volontaires était de 14,9 mg/m3. Tous les sujets du groupe exposé présentaient une toux et/ou une expectoration chronique sans anomalie particulière sur les radiographies de thorax standards. Après ajustement sur l’âge, l’index de masse corporelle, le statut tabagique et la consommation de boissons alcoolisées, une altération significative de différents paramètres fonctionnels respiratoires, en faveur d’une obstruction bronchique, a été mise en évidence chez les travailleurs exposés au NC, comparativement aux sujets du groupe témoin. Ces altérations fonctionnelles étaient associées à des modifications des taux sériques de diverses cytokines pro-inflammatoires (IL-1β, IL-6, IL-8, MIP-1β, TNF-α).
L’actualisation de cette étude par Yang et al. [2019] et son extension à 99 travailleurs exposés (médiane 9 ans) et 115 non exposés a permis de mettre en évidence, après ajustement sur l’âge, l’index de masse corporelle, le statut tabagique et la consommation de boissons alcoolisées, une altération significative de différents paramètres fonctionnels respiratoires, en faveur d’une obstruction des petites voies aériennes, chez les travailleurs exposés au NC comparativement aux sujets du groupe témoin [43]. Ces altérations fonctionnelles étaient associées à des modifications des taux sériques de 2 biomarqueurs précoces de toxicité pulmonaire : une diminution des taux de protéine CC16 et une augmentation des taux de protéine SP-A.
Une étude transversale iranienne a été réalisée chez 72 travailleurs exposés ou ayant été exposés au NC dans une entreprise fabriquant des pneus et des chambres à air, et 69 employés de bureau en bonne santé, non exposés et sélectionnés au hasard [44]. Les niveaux d'exposition aux poussières de NC inhalables et respirables ont été estimés à 6,2 ± 1,75 mg/m3 et 2,3 ± 0,29 mg/m3 respectivement (moyenne ± écart-type). Les symptômes respiratoires tels que toux régulière, expectorations, respiration sifflante et essoufflement étaient significativement plus fréquents chez les travailleurs exposés. En outre, des diminutions significatives de certains paramètres de la fonction pulmonaire, évocatrices d’un trouble ventilatoire restrictif, étaient observées entre le début et la fin du poste de travail chez les travailleurs exposés.
Une méta-analyse publiée en 2016, portant sur 3 cohortes de travailleurs exposés au NC dans le secteur de la production aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Allemagne s’est intéressée à la mortalité cardiovasculaire. Aucun excès de risque statistiquement significatif de mortalité n’a été mis en évidence pour les 3 causes de décès considérées (maladies cardiaques, cardiopathies ischémiques, infarctus du myocarde) [45].
Une étude épidémiologique transversale réalisée en Chine chez 106 employés travaillant sur une chaîne de conditionnement d’une usine de production de NC (particules unitaires de 30 à 50 nm de diamètre associées à des agglomérats de 200 à 400 nm), et 112 sujets témoins non exposés appariés sur le sexe, l’âge et le statut tabagique. L’évaluation de l’exposition était réalisée à l’aide de prélèvements individuels sur les travailleurs. Chez les travailleurs employés sur la chaîne de conditionnement, les niveaux d’exposition aux PM2,5, carbone total et carbone élémentaire étaient respectivement de 800, 696 et 657 µg/m 3 (versus 71, 42 et 4 µg/m3 respectivement chez les témoins). Après ajustement sur le tabagisme, une augmentation statistiquement significative du taux d’éosinophiles circulants a été mise en évidence chez les sujets exposés comparativement aux sujets du groupe témoin [46].
Etudes sur les particules ultrafines de noir de carbone en conditions expérimentales :
- Plusieurs études ont été réalisées aux États-Unis par différentes équipes, consistant à évaluer les effets potentiels de l’inhalation de faibles doses de particules de carbone ultrafin chez des sujets sains, asthmatiques ou diabétiques.
- Une série de 4 études randomisées en double aveugle a été réalisée par une même équipe, afin d’évaluer l’effet d’un aérosol de particules de carbone ultrafin sur la fonction et l’inflammation pulmonaires[47]. Chaque sujet, sain ou légèrement asthmatique, a été exposé à de l’air filtré et à un aérosol de carbone ultrafin (diamètre médian en nombre = 23 - 28 nm) pendant 2 heures avec 2 à 3 semaines de repos entre deux séances d’exposition. Les sujets sains ont été exposés à 10, 25 et 50 µg/m3 et les asthmatiques à 10 µg/m3. Aucune différence n’a été montrée chez les sujets sains ou asthmatiques exposés à 10 ou 25 µg/m3 pour les paramètres de la fonction pulmonaire ou d’inflammation des voies respiratoires. En revanche, les auteurs ont observé, 21 heures après l’exposition de sujets sains à la plus haute concentration de 50 µg/m3, une réduction du débit expiratoire maximal médian (témoin d’une légère résistance des petites voies aériennes) et de la capacité de diffusion du monoxyde de carbone. Ces réductions étaient temporaires et réversibles, puisqu’elles n’étaient plus observées lors des tests effectués 45 heures après l’exposition.
- Une autre étude en conditions d’exposition contrôlée a été réalisée chez des volontaires sains et des sujets asthmatiques afin d’évaluer l’impact de l’inhalation de particules ultrafines de carbone élémentaire en termes d’inflammations pulmonaire et systémique [Frampton et al., 2004]. Le protocole de l’étude consistait à exposer 12 volontaires sains au repos à de l’air ou à 10 µg/m3 de particules ultrafines de carbone, 12 volontaires sains pendant un exercice physique à de l’air ou à 10 et 25 µg/m3 de particules ultrafines de carbone, et enfin 16 volontaires asthmatiques pendant un exercice physique à de l’air ou à 10 µg/m3 de particules ultrafines de carbone. La durée de chaque exposition était de 2 heures, et l’intervalle entre chaque exposition de 2 à 3 semaines. Aucun effet significatif n’a été observé au repos chez les sujets sains. A l’effort, chez les sujets sains ayant inhalé 25 µg/m3 de particules ultrafines de carbone, une baisse du taux de monocytes et une activation des lymphocytes T, une réduction dose-dépendante de l’expression de la molécule d’adhésion ICAM-1 sur les monocytes, ainsi qu’une réduction transitoire du tonus parasympathique et des troubles de la repolarisation à l’ECG étaient constatés. Chez les sujets asthmatiques, l’inhalation de 10 µg/m3 de particules ultrafines de carbone était associée à une baisse des taux sanguins d’éosinophiles et de lymphocytes T CD4+, à une réduction de l’expression du cluster de différenciation CD11b sur les monocytes et les éosinophiles, à une baisse de l’expression de la molécule d’adhésion ICAM-1 sur les polynucléaires neutrophiles, ainsi qu’à une atteinte de la variabilité de la repolarisation à l’ECG. Aucun effet significatif n’était constaté en termes de symptomatologie, de fonction pulmonaire, de marqueurs d’inflammation des voies aériennes, et de marqueurs solubles d’inflammation systémique et de coagulation.
- Une étude complémentaire a été réalisée par la même équipe selon un protocole comparable, à l’exception du fait qu’un groupe supplémentaire avait été ajouté comprenant 16 sujets exposés lors d’un exercice intermittent à de l’air ou à 50 µg/m3 de particules ultrafines de carbone, afin d’évaluer l’impact de l’exposition aux particules ultrafines de carbone sur l’expression des molécules d’adhésion à la surface des leucocytes circulants [48]. Chez les sujets sains exposés à l’effort, une réduction de l’expression des molécules d’adhésion CD54 et CD18 était mise en évidence sur les monocytes ainsi que des molécules CD18 et CD49d sur les granulocytes. Il y avait également une réduction dose-dépendante des taux de monocytes, basophiles et éosinophiles, ainsi qu’une augmentation de l’expression du marqueur d’activation lymphocytaire CD25. Chez les asthmatiques, une réduction de l’expression des marqueurs CD11b sur les monocytes et les éosinophiles et CD54 sur les granulocytes était constatée, ainsi que des taux circulants de lymphocytes T CD4+, de basophiles et d’éosinophiles. Au total, l’inhalation de faibles doses de particules ultrafines de carbone modifie la distribution des leucocytes périphériques et altère l’expression des molécules d’adhésion.
- Deux groupes de 12 volontaires sains et non-fumeurs (18 à 40 ans) ont été exposés à des particules ultrafines de carbone élémentaire (diamètre moyen de 25 nm) pendant 2 heures, au repos (12 sujets) ou à l’effort (12 sujets), afin de déterminer si l’exposition entraînait des modifications électrocardiographiques en particulier en termes de variabilité du rythme cardiaque et de repolarisation. Aucun effet cardiaque significatif n’a été observé aux doses testées (10 µg/m3 au repos ; 10 et 25 µg/m3 à l’effort), bien que pour certains sujets il ait été observé une tendance à l’augmentation du tonus du système nerveux autonome parasympathique et des troubles de la repolarisation ventriculaire infra-cliniques [49].
- Dix-neuf sujets atteints de diabète de type 2, non-fumeurs, ont été exposés pendant 2 heures, au repos, à de l’air et à une dose unique de 50 µg/m3 de particules ultrafines (diamètre moyen de 32 nm) de carbone élémentaire, afin d’évaluer les éventuels effets sur l’activation plaquettaire et sur l’endothélium vasculaire. L’exposition aux particules de carbone ultrafin était associée, 3,5 heures après la fin de l’exposition, à une élévation transitoire de l’expression du ligand CD40 sur les plaquettes et du nombre de conjugués leucocyte/plaquette et à une diminution du taux de ligand CD40 soluble. Une augmentation du taux plasmatique de facteur Willbrand était également observée immédiatement après cessation de l’exposition[50]. Un ECG était également enregistré afin de déterminer si cette exposition avait un effet sur la fréquence et la variabilité du rythme cardiaque. L’exposition aux particules ultrafines de carbone était associée à une réduction significative de la variabilité du rythme cardiaque. A distance de l’exposition (21 à 45 heures post-exposition), la fréquence cardiaque était légèrement mais significativement plus élevée dans le cas de l’inhalation des particules ultrafines de carbone par rapport à l’inhalation d’air [51].
Effets génotoxiques
Il n’existe aucune donnée humaine publiée à la date d'édition de la fiche toxicologique.
Effets cancérogènes
Dans sa dernière évaluation datant de 2010, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a classé le noir de carbone (NC) dans le groupe 2B des cancérogènes possibles chez l’homme en raison de preuves suffisantes de cancérogénicité chez l’animal, mais inadéquates chez l’homme.
Des excès de risque de cancer du poumon ont été observés dans 2 des 3 études de cohortes réalisées dans le secteur de la production de NC, sans toutefois qu’il soit identifié de corrélation claire avec les niveaux d’exposition au NC ou la durée de l’emploi. Une méta-régression récente sur les 3 études de cohortes dans le secteur de la production du NC est en défaveur d’un lien causal entre l’exposition au NC et la survenue de cancers du poumon. Des résultats isolés ont par ailleurs indiqué des risques excédentaires de cancers de la vessie, des reins, de l’estomac et de l’œsophage, mais ces données sont insuffisantes pour évaluer la cancérogénicité chez l’homme.
Au total, les données épidémiologiques, analysées dans leur ensemble, ne sont pas suffisamment probantes pour conclure à la cancérogénicité du noir de carbone inhalé chez l’homme.
Chez l’homme, les données les plus informatives sont celles qui sont issues des études de cohortes réalisées dans le secteur de la production de noir de carbone en Allemagne, au Royaume-Uni et aux États-Unis. Les deux études menées en Allemagne et au Royaume-Uni ont révélé un risque excédentaire par rapport aux références externes. La confusion causée par le tabagisme ne pouvait être exclue, même s’il était peu probable qu’elle explique tout le risque excédentaire. Cependant, dans les deux cohortes, les analyses internes par niveau d'exposition au NC ont donné des résultats équivoques mais principalement nuls. L’étude sur les travailleurs du NC aux États-Unis n’a suggéré aucune surmortalité, mais n’a pas évalué le risque en fonction du niveau d’exposition. Dans les études évaluant les risques de cancer du poumon parmi les industries utilisatrices, l’étude la plus informative sur les travailleurs allemands de l’industrie du caoutchouc a montré des signes d’excès de risque qui ont disparu avec l’ajustement sur l’amiante et le talc dans l’analyse. Parmi les études restantes, deux autres ont montré des excès non significatifs (cohorte de formaldéhyde aux États-Unis et étude cas-témoins basée sur une communauté canadienne) et une ne présentait aucun risque excessif de cancer du poumon lié à la manipulation du NC (dockers italiens). Pour les cancers de la vessie, des reins, de l'estomac et de l'œsophage, des résultats isolés indiquent des risques excédentaires, mais ils ne sont pas suffisants pour appuyer une évaluation de la cancérogénicité chez l'homme. Il n’existe aucune preuve d’un effet du NC sur d’autres cancers. En conclusion, deux des trois études sur les travailleurs de la production de NC ont observé un excès de risque de cancer du poumon et d'autres études ont fourni des preuves mitigées d'un risque accru de cancer du poumon et d'autres cancers. Les quelques études ayant évalué une relation dose-réponse, y compris les deux études ayant observé des risques excessifs par rapport à la population générale, ont fourni des preuves faibles ou peu concluantes. Globalement, le CIRC [2] a considéré que les résultats épidémiologiques étaient incohérents et ne permettaient pas de déterminer de manière suffisante si le NC était cancérogène chez l'homme.
Plusieurs autres études sur la cancérogénicité du noir de carbone ont été publiées postérieurement au rapport du CIRC [2]. Une nouvelle analyse statistique des données issues des études cas-témoins québécoises réalisées dans la population de Montréal, portant uniquement sur le risque de cancer du poumon, ne retrouve pas d’excès de risque statistiquement significatif de cancer du poumon en relation avec les expositions au NC [Ramanakumar et al., 2008]. Une méta-analyse des études de mortalité réalisées dans le secteur de la production du NC en Allemagne, au Royaume-Uni et aux États-Unis n’a pas mis en évidence d’excès de risque significatif de cancers des appareils respiratoire et urinaire en lien avec les expositions au NC [53].
L’étude de mortalité américaine réalisée initialement sur une cohorte de 5011 travailleurs employés dans 18 usines de production de NC [54] a été actualisée avec un suivi jusqu’en 2011, ce qui a conduit à une cohorte globale de 6634 sujets. Une estimation de l’exposition individuelle cumulée a été réalisée à partir d’une matrice emploi-exposition. La relation entre l’exposition cumulée au NC (fraction inhalable) et la survenue d’un cancer du poumon a été analysée. Aucune surmortalité par cancer du poumon ou par maladie respiratoire non maligne n’a été mise en évidence. Par ailleurs, les auteurs considèrent les résultats en accord avec ceux des études réalisées au Royaume-Uni et en Allemagne, qui ne montraient aucun profil cohérent d'augmentation du risque de cancer du poumon par rapport aux estimations de l'exposition au NC, ou à la durée de l'emploi. Les estimations des risques relatifs (RR) par rapport à une population de référence (<20 mg.an/m3) étaient les suivants RR=1 [IC 95% : 0,6-1,6] pour 20-50 mg.an/m3, RR=1,3 [IC 95% : 0,8-2,1] pour 50-100 mg.an/m3, et RR=1,4 [IC 95% : 0,9-2,1] pour 100 mg.an/m3 ou plus. Les auteurs concluent que les niveaux d’exposition (10 à 50 mg/m3) qui prévalaient dans l’industrie du NC aux États-Unis dans les années 1970-1990 ne sont pas associés au risque de cancer du poumon [55].
Pour pallier le manque d’évaluation quantitative des trois études sur les cohortes des salariés de l’industrie de production du NC, et surtout pour élargir la plage des niveaux d’exposition, Yong et al. [56] ont fait une méta-régression. Ils notent une augmentation du RR de 1,03 [IC 95 % : 0,96 – 1,10], non statistiquement significative, pour une augmentation de l’exposition de 10 mg.an/m3. Les analyses de sensibilité, incluant entre autres la prise en compte d’une latence de 20 ans avant l’apparition du cancer du poumon, ne modifient pas les estimations. Les auteurs concluent qu’un lien causal entre exposition au NC et cancer du poumon n’est pas confirmé par les observations sur les salariés des trois grandes cohortes (plus de 9000 personnes sur plusieurs dizaines d’années).
Une méta-analyse publiée en 2016, portant sur 3 cohortes de travailleurs exposés au NC dans le secteur de la production aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Allemagne s’est intéressée à la mortalité cardiovasculaire. Aucun excès de risque statistiquement significatif de mortalité n’a été mis en évidence pour les 3 causes de décès considérées (maladies cardiaques, cardiopathies ischémiques, infarctus du myocarde) [45].
Une étude épidémiologique transversale réalisée en Chine chez 106 employés travaillant sur une chaîne de conditionnement d’une usine de production de NC (particules unitaires de 30 à 50 nm de diamètre associées à des agglomérats de 200 à 400 nm), et 112 sujets témoins non exposés appariés sur le sexe, l’âge et le statut tabagique. L’évaluation de l’exposition était réalisée à l’aide de prélèvements individuels sur les travailleurs. Chez les travailleurs employés sur la chaîne de conditionnement, les niveaux d’exposition aux PM2,5, carbone total et carbone élémentaire étaient respectivement de 800, 696 et 657 µg/m3 (versus 71, 42 et 4 µg/m3 respectivement chez les témoins). Après ajustement sur le tabagisme, une augmentation statistiquement significative du taux d’éosinophiles circulants a été mise en évidence chez les sujets exposés comparativement aux sujets du groupe témoin [46].
Effets sur la reproduction
Il n’existe aucune donnée humaine publiée.
- Plusieurs études ont été réalisées aux États-Unis par différentes équipes, consistant à évaluer les effets potentiels de l’inhalation de faibles doses de particules de carbone ultrafin chez des sujets sains, asthmatiques ou diabétiques.
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Interférences métaboliques
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Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal
Les études épidémiologiques chez les travailleurs américains du noir de carbone n'ont montré aucun excès de cancer du poumon. Les études chez l’animal sont contrastées : positives chez le rat, négatives chez la souris ou le hamster. Plusieurs études expérimentales par inhalation ont montré que le NC induisait des tumeurs pulmonaires chez le rat lorsqu'il est administré à des doses entraînant une surcharge pulmonaire en particules, ainsi qu'une inflammation chronique et une hyperplasie épithéliale. Bien que le mécanisme de cancérogenèse chez le rat ne soit pas en totalité transposable à l’homme du fait de différences en termes de toxicocinétique et de sensibilité à l’induction d’une réponse inflammatoire pulmonaire, ce résultat positif a conduit le CIRC [2] à ne pouvoir exclure chez l’homme le risque des conséquences résultant d’une surcharge pulmonaire et à classer le NC comme potentiellement cancérogène pour l'homme (Groupe 2B) : cette évaluation reposait sur des preuves insuffisantes chez l'homme et suffisantes chez l’animal de laboratoire.