Pathologie - Toxicologie
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Toxicocinétique - Métabolisme [4]
Chez l’animal comme chez l’Homme, le 4,4’-diaminodiphénylméthane est absorbé par inhalation, par ingestion et par la peau; il est largement distribué, transformé dans le foie et éliminé essentiellement dans l’urine sous forme transformée et/ou conjuguée. Le dosage du 4,4’-diaminodiphénylméthane (total ou après hydrolyse) dans les urines de fin de poste de travail peut être utile à la surveillance biologique des expositions.
Chez l'animal
Absorption
Il n’y a pas de données quantitatives sur l’absorption pulmonaire ou digestive du 4,4’-diaminodiphénylméthane chez l’animal. Les effets toxiques engendrés présument de la pénétration. Exposés par voie cutanée, le rat, le cobaye et le singe (14C]-diaminodiphénylméthane, 2 et 20 mg/kg pendant 96 heures) excrètent des molécules radiomarquées dans les urines et les fèces. L’absorption est plus importante chez le rat (53 % de la dose excrétés, 2 % dans les tissus, 26 % au site d’application) que chez le cobaye (28 % excrétés, 1 % dans les tissus, 29 % au site d’application). C’est un processus saturable, le pourcentage absorbé diminue avec la dose ; il est favorisé par une occlusion chez le rat mais pas chez le cobaye. In vitro, environ 6 % de la dose, déposée pendant 72 heures, traverse la peau du rat sans occlusion, sous occlusion l’absorption est de 13,3 %.
Distribution
Il n’y a pas de site d’accumulation du 4,4’-diaminodiphénylméthane dans les tissus. Après exposition orale, la substance se distribue dans le foie, les reins, la rate, le thymus, l’utérus, les surrénales et la thyroïde. Après exposition cutanée, la substance est retrouvée, après 6-24 et 96 heures, dans le tractus gastro-intestinal (3,8 % - 3 % - 0,5 %) et le foie (2 % - 1,2 % - 0,5 %).
Métabolisme
Le 4,4’-diaminodiphénylméthane est transformé dans le foie soit par acétylation et conjugaison avec l’acide glucuronique, soit par oxydation en présence de monooxygénases à cytochrome P450 (voir fig. 1). Les composés azo-, azoxy- et nitroso-diaminodiphénylméthane ont été mis en évidence in vitro.
Schéma métabolique
Excrétion
L’élimination du 4,4’-diaminodiphénylméthane est essentiellement urinaire chez le rat, le lapin et le singe après exposition orale ou cutanée; après injection intrapéritonéale (ip), l’excrétion s’effectue majoritairement par les fèces.
Après exposition orale (rat, 50 mg/kg), la MAMDA (dérivé monoacétylé du MDA) est le métabolite urinaire principal ; des quantités mineures de DAMDA (dérivé diacétylé du MDA) et de diaminodiphénylméthane libre sont également détectées dans l’urine. Après injection i.p. (rat, 30 mg/kg), 17 métabolites urinaires ont été trouvés en faible quantité, dont les principaux identifiés sont la NMDA, la DAMDA, mais également le N,N-diacétyl-3-hydroxy-diaminodiphénylméthane, la N-acétyl-4,4’-diaminobenzophénone et le N,N-diacétyl-4,4’-diaminobenzhydrole.
Après une exposition cutanée au [14C]-diaminodiphényl-méthane pendant 6 heures, le rat élimine 2,5 % des molécules radiomarquées dans l’urine et 0,04 % dans les fèces. L’élimination est de 20 % et 2,3 % respectivement après 24 heures d’exposition et 43 % et 10 % après 96 heures. Chez le cobaye, contrairement au rat, l’urine et les fèces semblent être deux voies identiques d’élimination : 0,35 % et 0,1 % pour une exposition de 6 heures, 7,8 % et 5,7 % pour une exposition de 24 heures et 10,5 % et 17,6 % pour une exposition de 96 heures. Le singe excrète 18,8 % dans l’urine et 1,9 % dans les fèces sur une période de 168 heures.
Surveillance Biologique de l'exposition
La surveillance biologique de l’exposition au 4,4’-diaminodiphénylméthane est particulièrement utile, en raison notamment de sa faible volatilité et de son importante pénétration cutanée. Le dosage du 4,4’-diaminodiphénylméthane urinaire (après hydrolyse) en fin de poste et fin de semaine de travail peut être proposé, reflet de l’exposition du jour même et de la veille. Lors d’une exposition cutanée prédominante, le prélèvement pourra être réalisé le lendemain matin en raison du retard du pic d’élimination.
Une valeur biologique d’interprétation (VBI) pour le milieu professionnel a été proposée par le FIOH avec une valeur cible correspondant à la valeur de référence en population générale.
Plusieurs VBI issues de la population générale (95e percentile des concentrations observées) ou correspondant à la limite de détection analytique sont par ailleurs proposées.
Le 4,4’-diaminodiphénylméthane est un métabolite du 4,4’-diisocyanate de diphénylméthane (MDI).
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Mode d'actions
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Toxicité expérimentale
Toxicité aiguë [1, 3]
Une exposition aiguë au 4,4’-diaminodiphénylméthane, par voie orale, provoque des lésions hépatiques et rénales. En application cutanée ou oculaire, il est légèrement irritant.
Voie
Espèce
DL50
Orale
Rat
100 – 517 mg/kg [18]
120 – 250 mg/kg [1]
340 – 450 mg/kg [4]
Orale
Souris
264 mg/kg [18]
745 mg/kg [1]
Orale
Cobaye
260 mg/kg [3]
Orale
Lapin
620 mg/kg[3]
Cutanée
Rat
> 2500 mg/kg en solution à 50 % dans l’eau [1]
1000 mg/kg en solution dans le DMSO
Cutanée
Lapin
200 mg/kg [18]
Tableau 1 : Toxicité aiguë du 4,4-diaminodiphénylméthane.
La CL50 est supérieure à la concentration de saturation de l’atmosphère. Les animaux exposés par inhalation présentent une exophtalmie, des tremblements, une position recourbée et la fourrure ébouriffée; ces symptômes sont réversibles en 2 jours.
Les cibles principales lors d’une exposition aiguë sont le foie et les reins, les lésions apparaissant à une dose supérieure ou égale à 100 mg/kg. Chez le rat, l’hépatotoxicité (modification de tous les marqueurs hépatiques, nécrose du cholédoque débutant 4 heures après l’exposition, puis hépatite multifocale périportale consistant en une nécrose hémorragique avec infiltration de neutrophiles) induite par voie orale est liée à la dose ; cette nécrose s’aggrave dans le temps malgré l’arrêt de l’exposition. Le chat et le chien (lésions hépatiques et rénales à des doses supérieures ou égales à 10 mg/kg) semblent plus sensibles que le rat; chez le chat, des doses allant de 25 à 100 mg/kg provoquent une cécité par atrophie rétinienne. À forte dose chez le rat (250 mg/kg) et la souris (116 mg/kg), on observe une nécrose du cortex thymique.
Appliqué sur la peau du lapin, le 4,4’-diaminodiphénylméthane est très légèrement irritant (érythème léger) ; instillé dans l’œil du lapin, il provoque une réaction légère, réversible en 3 à 7 jours. Les tests de sensibilisation (maximisation, Draize modifié) pratiqués chez le cobaye ne permettent pas de conclure quant au potentiel sensibilisant du 4,4’-diaminodiphénylméthane chez l’animal.
Toxicité subchronique, chronique [4]
Le foie et la thyroïde sont les organes cibles d’une exposition orale prolongée des animaux au 4,4’-diaminodiphénylméthane ; le rat semble être plus sensible que la souris.
Au niveau du foie, le 4,4’-diaminodiphénylméthane induit une hyperplasie du cholédoque chez le rat et la souris (> 20,4 mg/kg/j et > 52 mg/kg/j respectivement pendant 90 jours) ; ces lésions sont peu ou pas réversibles chez le rat et leur sévérité augmente avec la dose.
Au niveau de la thyroïde, l’effet principal est une hyperplasie/hypertrophie des cellules folliculaires et une hyperplasie glandulaire diffuse, aux doses supérieures ou égales à 9 mg/kg/j chez le rat et 25 mg/kg/j chez la souris pendant 2 ans. Les lésions thyroïdiennes disparaissent, chez le rat, après arrêt de l’exposition.
Des effets hématotoxiques (anémie et hématopoïèse extramédullaire) sont également notés chez le rat (22 mg/kg/j, 90 j), mais pas chez la souris ; un taux augmenté de minéralisation rénale et de néphropathie est observé dans les deux espèces. L’action du 4,4’-diaminodiphénylméthane sur le fonctionnement de la thyroïde peut expliquer certains effets secondaires comme la diminution de prise de nourriture et de poids, l’hématotoxicité et les effets rénaux.
La NOAEL par voie orale est de 100 ppm dans l’eau de boisson du rat (soit 7,1 et 7,5 mg/kg chez le mâle et la femelle) et de la souris (soit 11,4 et 14,4 mg/kg chez le mâle et la femelle) pendant 90 jours.
La seule étude disponible par inhalation a montré un effet du 4,4’-diaminodiphénylméthane (nez seul, 0,44 mg/L, 4 h/j, 5 j/sem pendant 14 jours) sur les yeux du cobaye (dégénérescence des segments interne et externe des cellules photo-réceptrices et des cellules épithéliales pigmentées de la rétine); aucune modification du tractus respiratoire ou du foie n’a été observée.
Effets génotoxiques [4]
Le 4,4’-diaminodiphénylméthane, en présence d’activateurs métaboliques, est mutagène in vitro pour les bactéries et clastogène pour les cellules en culture. In vivo, les résultats ne sont positifs qu’à forte dose.
In vitro, le 4,4-diaminodiphénylméthane induit des mutations chez les bactéries (Salmonella typhimurium, TA98 et TA100 + activateurs métaboliques) et des aberrations chromosomiques dans les cellules ovariennes de hamster chinois en culture en présence d’activateurs métaboliques. Des résultats faibles ou non concluants sont obtenus avec d’autres essais en culture de cellules (mutation sur cellules de lymphome de souris, échanges entre chromatides sœurs sur cellules ovariennes de hamster chinois, synthèse non programmée de l’ADN sur hépatocytes de rat).
In vivo, une légère augmentation de la fréquence des micronoyaux est observée dans la moelle osseuse de la souris exposée à de fortes doses (9,5 - 18,5 - 37 mg/kg/j ip, pendant 3 jours) et dans les réticulocytes (28 à 112 mg/kg, ip, 1 ou 2 jours). Les tests de synthèse non programmée de l’ADN donnent des résultats négatifs dans les cellules du foie de rats (20 - 80 - 350 mg/kg) et de souris (50 - 200 - 500 - 1000 mg/kg) exposés par voie orale; en revanche, une forte dose ip (75 mg/kg) provoque, chez le rat, des cassures de l’ADN. Il existe un test d’échanges entre chromatides sœurs in vivo, mais la méthodologie employée et les résultats obtenus sont douteux.
Effets cancérogènes [4]
Le 4,4’-diaminodiphénylméthane est cancérogène par voie orale chez le rat et la souris, et par voie cutanée chez la souris, induisant des tumeurs de la thyroïde et du foie.
Des rats mâles exposés pendant 2 ans dans l’eau de boisson (150 et 300 ppm, soit environ 9 et 16 mg/kg/j) présentent des carcinomes des cellules folliculaires de la thyroïde et des nodules néoplasiques dans le foie, sans autre signe clinique majeur. Les femelles (10 et 19 mg/kg/j) ne développent que des adénomes folliculaires de la thyroïde.
Des souris mâles et femelles, exposées par voie orale à des doses identiques (respectivement 25-19 et 58-43 mg/kg/j), développent des adénomes folliculaires de la thyroïde à la forte dose, des carcinomes hépatocellulaires aux deux doses chez le mâle et à la forte dose chez la femelle et des adénomes hépatocellulaires chez les femelles.
Les lésions kystiques et/ou hyperplasiques de la thyroïde sont augmentées chez les femelles des deux espèces à la forte dose et une augmentation des lésions rénales est observée chez la souris (néphropathie) et le rat mâle (minéralisation). Des papillomes de la vessie, sans relation avec la dose, et un adénome du cholédoque (à la forte dose) apparaissent chez le rat.
Par voie cutanée, chez la souris (5,3-10,7-21,3 mg/kg/j en solution dans l’éthanol, 3 fois/semaine, 24 mois), le 4,4’-diaminodiphénylméthane n’induit pas de tumeur au site d’application mais augmente le taux de tumeurs hépatiques chez les femelles en relation avec la dose.
Effets sur la reproduction [4]
Les effets du diaminodiphénylméthane sur la reproduction ont été peu étudiés ; il ne semble pas agir sur les organes mais induit des altérations chez le fœtus à des doses toxiques pour les mères.
Fertilité
Aucune altération macro- ou microscopique n’est observée dans les ovaires, l’utérus, les glandes mammaires, les vésicules séminales, la prostate ou les testicules des animaux exposés dans l’eau de boisson (rat, 141 mg/kg/j pendant 13 semaines ou 19 mg/kg/j pendant 103 semaines ou souris 116 mg/kg/j pendant 13 semaines ou 57 mg/kg/j pendant 103 semaines) [19].
Développement
Des rates gestantes exposées par gavage à 37 mg/kg/j de chlorhydrate de 4,4’-diaminodiphénylméthane, du 14e au 20e jour de gestation, présentent des altérations histologiques du foie de même que les fœtus (infiltration graisseuse du parenchyme). Les fœtus exposés in utero à une dose létale pour les mères (219 mg/kg/j du 7e au 20e jour de gestation) ont une macroglossie, une augmentation de la taille du museau et un retard de soudure de la voûte crânienne.
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Toxicité sur l’Homme [20-27]
L’intoxication par voies orale, inhalatoire ou cutanée peut être responsable d’atteintes hépatiques aiguës réversibles. En cas de contamination cutanée, une coloration jaune des téguments est possible. Des dermatoses allergiques ainsi qu’une photosensibilisation sont rapportées. Quelques cas d’atteinte hépatique sont également observés en cas d’exposition chronique. Les données publiées ne permettent pas de conclure quant à la cancérogénicité du 4,4’-diaminodiphénylméthane, qui est classé dans la catégorie 2B par le CIRC. Aucune donnée n’est disponible chez l’Homme pour les effets génotoxiques ou sur la reproduction.
Toxicité aiguë
De nombreuses publications ont rapporté des cas d’intoxication par le 4,4’-diaminodiphénylméthane résultant d’une ingestion ou d’une inhalation. Dans certains cas cependant, c’est la seule voie cutanée qui est responsable de la toxicité observée notamment en milieu professionnel. Le principal effet rapporté est une atteinte hépatique aiguë. L’affection débute par une douleur abdominale, une fièvre, des frissons puis un ictère ; cette hépatite est cytolytique et régresse en quelques semaines. Dans un cas d’ingestion, la cytolyse persista plusieurs mois, il s’y associait une névrite optique. Aucune atteinte hépatique irréversible n’est signalée.
Au cours d’une intoxication à forte dose, une myocardiopathie est mentionnée en plus de l’atteinte hépatique.
De nombreuses dermatoses allergiques sont rapportées, ainsi qu’une possible photosensibilisation. Un nombre important de sujets présentent un résultat positif à des tests cutanés au 4,4’-diaminodiphénylméthane, il existe une réaction croisée avec d’autres amines aromatiques et les substances présentant une fonction amine en « para »[4].
Une coloration jaune des téguments est possible et traduit une contamination cutanée.
Il n’y a pas de donnée indiquant un effet irritant ou corrosif du 4,4’-diaminodiphénylméthane chez l’Homme.
Toxicité chronique [4]
Il existe peu de données concernant la toxicité chronique du 4,4’-diaminodiphénylméthane. Quelques cas d’atteinte hépatique sont rapportés chez des employés d’une entreprise effectuant de l’application de résines époxy. Six d’entre eux (sur 300) avaient une augmentation de la bilirubinémie et des aminotransférases.
Le 4,4’-diaminodiphénylméthane ne provoque pas de méthémoglobinémie.
Effets cancérogènes
Il n’y a pas de donnée publiée permettant d’évaluer de façon correcte les risques cancérogènes pour l’Homme du 4,4’-diaminodiphénylméthane [29]. Certaines études ne montrent pas d’augmentation du nombre de tumeurs chez des salariés exposés [8]. Une étude de 179 causes de mort chez des sujets exposés au moins 10 ans aux résines époxy et au 4,4’-diaminodiphénylméthane a montré un excès du quotient de mortalité proportionnel par cancer de la vessie (3 cas observés contre 0,8 attendu ; PMR 3,41, p < 0,05). Ces sujets étaient également exposés à d’autres produits, aussi le 4,4’-diaminodiphénylméthane ne peut être seul incriminé [28].
Pour information, les données expérimentales et humaines ont conduit le CIRC à classer le 4,4’-diaminodiphénylméthane dans la catégorie 2B des agents peut-être cancérogènes pour l’Homme (1987).
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Interférences métaboliques
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Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal