Pathologie - Toxicologie
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Toxicocinétique - Métabolisme [8]
Bien absorbé par voie respiratoire, l'oxyde de diéthyle diffuse rapidement dans l'organisme et notamment le cerveau et les tissus adipeux. Contrairement à ce qui se passe chez l'animal, il est peu métabolisé chez l'homme et excrété sous forme inchangée dans l'air exhalé et en moindre mesure sous forme de CO2 et d'acétaldéhyde.
Chez l'animal
L’oxyde de diéthyle est un anesthésique ; il est immédiatement absorbé de l’air inhalé dans le flux sanguin où 49 % de la dose absorbée se fixe aux globules rouges [10]. Il est transporté rapidement au cerveau, au tissu adipeux et à un moindre degré vers les muscles et les organes. Pendant la période d’anesthésie, une concentration importante a été mesurée dans les glandes surrénales.
À l’arrêt de l’exposition, la concentration dans les graisses reste à un niveau élevé ; une faible concentration d’oxyde de diéthyle y est encore détectable après 24 heures alors que la concentration sanguine diminue rapidement.
Après l’exposition de rats pendant 6 minutes, la quantité totale de cytochrome P-450, hépatique et rénal, est diminuée de 70 à 75 % ; elle revient à la normale après 2 heures. In vitro, l’oxyde de diéthyle est métabolisé, par les microsomes hépatiques de rat exposé, en éthanol et acétaldéhyde ; l’enzyme responsable de la dégradation est une mono-oxygénase à cytochrome P-450 et, en particulier le cytochrome P-450 IIE1. In vivo, l’acétaldéhyde entrerait dans le pool métabolique commun, serait transformé en acides gras, cholestérol et mono-, di- et triglycérides, et, par la suite, dégradé en CO2 [12].
Chez l’animal, environ 87 % de la dose absorbée par les poumons sont éliminés par l’air expiré dont 1 à 5 % sous forme de CO2 (chez le rat) [8], et le reste dans l’urine (2 % chez le rat, le chien et le lapin et 3,6 % chez la souris) [13]. La concentration urinaire n’excède pas celle du sang traversant les reins au moment de la filtration [8]. Un faible pourcentage est éliminé par la sueur [14].
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Mode d'actions [14]
L’oxyde de diéthyle agit en diminuant l’amplitude et la fréquence des ondes cérébrales pendant l’anesthésie, en réduisant ou en bloquant les impulsions conduites par le système multisynaptique du cerveau moyen, en déprimant les événements corticaux locaux, et en éliminant l’influence du système cérébral central sur le cortex et le diencéphale. Dans la moelle épinière, il déprime les arcs réflexes à deux ou plusieurs neurones [14].
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Toxicité expérimentale
Toxicité aiguë [8, 15]
La toxicité aiguë se traduit par une narcose, une anesthésie et une dépression du système nerveux central. Les contacts cutanés ou oculaires provoquent une irritation légère et réversible.
L’organe cible de l’oxyde de diéthyle est le système nerveux central ; ses effets majeurs sont une narcose, une anesthésie et une dépression du système nerveux central. Après une excitation initiale, la dépression se met en place rapidement et, aux concentrations létales, l’animal meurt par paralysie respiratoire.
La DL50 orale est de 1,7 ml/kg (env. 1210 mg/kg) chez le rat adulte. La DL50 cutanée est supérieure à 20 ml/kg chez le lapin (env. 1430 mg/kg).
La CL50 est de 42 000 ppm (127,4 mg/l) pour une exposition de 3 heures chez la souris, et 32 000 ppm (env. 97 mg/l) pour une exposition de 4 heures chez le rat.
Chez la souris, une concentration d’environ 32 000 ppm provoque une excitation légère; à 64 000 ppm, l’anesthésie est profonde; et à 128 000 ppm, il se produit un arrêt respiratoire. Si l’atmosphère est renouvelée, la respiration reprend spontanément et continue de façon normale. La concentration nécessaire pour provoquer l’arrêt respiratoire est inversement proportionnelle à la durée de l’anesthésie.
La sensibilité à l’action de l’oxyde de diéthyle est liée à l’âge : la DL50 orale est de 2,2 ml/kg (env. 1570 mg/kg) chez le rat de 14 jours et 1,7 ml/kg (env. 1210 mg/kg) chez l’adulte ; les nouveau-nés résistent 5 à 6 fois plus longtemps à une concentration létale que les adultes et leur concentration sanguine en oxyde de diéthyle est 2,5 à 3 fois supérieure.
En dehors de son action dépressive sur le système nerveux central, l’oxyde de diéthyle provoque :
- une stimulation du système sympathique se traduisant par une tachycardie, une hypertension et une atonie intestinale. En cas d’anesthésie légère, la fréquence cardiaque augmente de 20 % pour maintenir la pression sanguine ; en cas d’anesthésie profonde, il y a une chute progressive de pression sanguine comme résultat de la baisse de contraction cardiaque, de la dépression progressive des centres vasomoteurs et de la vasodilatation périphérique. Le sang restant dans les vaisseaux périphériques, le myocarde sous oxygéné cesse de battre, la mort survient par hypoxie et asphyxie ;
- une acidose pendant l’anesthésie et une alcalose compensatoire pendant la récupération ;
- une albuminurie, une oligurie et souvent une anurie, surtout chez le chien, comme résultat de l’irritation rénale et de la libération de l’hormone antidiurétique hypophysaire ;
- une relaxation musculaire profonde par effet dépresseur sur les voies pyramidales et extra pyramidales du système nerveux central ; il a aussi un effet bloquant curariforme sur la plaque motrice du muscle ;
- une libération plasmatique, fonction du temps et de la concentration, de corticotrophine (ACTH) et de corticostérone; une exposition de 30 min à 30 000 ppm chez la souris multiplie par 4 le taux d’ACTH et par 6 celui de corticostérone, cet effet serait dû au stress ;
- une irritation du tractus respiratoire, accompagnée d’une stimulation de la sécrétion muqueuse.
L’oxyde de diéthyle n’a pas d’effet irritant sur la peau si le contact est de courte durée. Une exposition prolongée ou répétée provoque le craquèlement et le dessèchement de la peau par extraction des lipides cutanés. Des lésions oculaires légères et réversibles sont induites lors du contact avec l’oxyde de diéthyle sous forme liquide ou vapeur.
Toxicité subchronique, chronique
L'exposition répétée provoque une atteinte hépatique ainsi qu'une réduction du poids corporel.
L’inhalation de 10 000 ppm, 24 h/j pendant 35 jours n’induit aucun effet chez le rat ; chez la souris et le cobaye, elle est létale pour 25 % des animaux et produit une augmentation du poids relatif et absolu du foie (souris) et une baisse du poids corporel (cobaye) [16].
Une exposition de 13 semaines par gavage provoque chez le rat (au-delà de 2000 mg/kg/j), une baisse de la prise de nourriture et du poids corporel et une augmentation de la létalité mais aucun effet histopathologique. La dose sans effet nocif observé (NOAEL) est 500 mg/kg/j [17].
Effets génotoxiques
Les tests réalisés in vitro sont négatifs. On ne dispose pas d'élément sur la cancérogenèse de cette substance.
L’oxyde de diéthyle donne des résultats négatifs, avec et sans activation métabolique, dans les tests in vitro (Ames sur S. Typhimurium, réparation de l’ADN sur E. Coli et échange entre chromatides-sœurs sur cellules ovariennes de hamster chinois (CHO)) [8].
Il n’y a pas de test effectué in vivo.
Effets sur la reproduction
L'oxyde de diéthyle diminue la fertilité chez le rat et il produit un effet fœtotoxique pour de fortes expositions.
Une exposition par inhalation (3200 et 16 000 ppm, 4 h/j, 5 jours) n’a pas d’effet sur la morphologie des spermatozoïdes de la souris mâle [18] ; chez le rat, l’oxyde de diéthyle (2000 ppm, 5 min/j, 60 jours) diminue la fertilité et réduit le poids des testicules [19].
L’oxyde de diéthyle traverse rapidement la barrière placentaire chez le rat, la souris et le cobaye. La fréquence des malformations des tissus mous n’est pas augmentée chez les nouveau-nés de souris ou de rates exposées de façon répétée à des concentrations qui provoquent une anesthésie pendant la gestation (rat : 73 000 ppm, 1 h/j, du 9e au 11e jour ou du 13ième au 15ième jour de gestation; souris: 65 000 ppm, 1 h/j, du 8ième au 10ième jour ou du 12ième au 14ième jour de gestation). Cependant, on observe une augmentation des variations squelettiques et des résorptions fœtales, précoces et tardives, probablement par hypoxie, et une diminution de croissance de la tête [20].
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Toxicité sur l’Homme
L'exposition aiguë provoque le plus souvent des signes de dépression du système nerveux, dans certains cas des états d'excitation et des convulsions sont observés. De rares cas d'atteintes hépatique ou rénale ont été rapportés après des anesthésies à l'oxyde de diéthyle. L'effet irritant sur la peau et les muqueuses est faible. L'exposition chronique entraîne des troubles digestifs et neurologiques ; une addiction peut conduire à des états confusionnels. Il n'a pas d'effet tératogène mais pourrait avoir un effet fœtotoxique. Un éventuel effet cancérogène n'a pas été évalué.
Toxicité aiguë [8, 15, 21, 22]
L’oxyde de diéthyle a été largement utilisé comme anesthésique chez l’homme avec une assez grande sécurité. Les concentrations nécessaires pour produire une anesthésie sont comprises entre 10 et 15 % (150 000 ppm) [22].
En milieu professionnel, on décrit toutefois quelques cas d’intoxications mortelles par inhalation de concentrations élevées ; dans un cas le sujet a présenté d’abord une phase de délire maniaque (agitation) puis une insuffisance rénale accompagnée de convulsions rapidement fatales.
De façon beaucoup plus fréquente, on observe des cas de narcose sans conséquence. Les premiers signes d’intoxication comprennent une excitation ou une somnolence, des vomissements et une pâleur du visage. Ils s’accompagnent ensuite d’une réduction de la fréquence cardiaque et de la température, d’une irrégularité respiratoire, de relaxation musculaire et d’une hypersialorrhée. Les effets secondaires d’une intoxication par inhalation associent des vomissements, de la salivation, des céphalées accompagnés d’un état d’excitation ou de dépression et d’une irritation des voies respiratoires.
Après des anesthésies, on a pu observer quelques rares cas réversibles d’atteintes rénales (néphrite) ou hépatiques (élévation des ALAT).
L’oxyde de diéthyle est un irritant moyen des voies respiratoires, cet effet se manifeste à partir de 200 ppm. Des projections cutanées accidentelles, induisant un contact court, n’entraînent pas d’irritation locale notable.
L’ingestion accidentelle provoque des signes similaires à ceux de l’alcool éthylique ; leur apparition est plus rapide et leur durée plus brève. En cas d’absorption importante, des morts sont signalés.
Les taux sanguins nécessaires à l’obtention d’une anesthésie sont de 1000 µg/ml ; des morts surviennent pour des taux de l’ordre de 1 500 µg/mI.
Toxicité chronique [8, 15]
Au début du XXe siècle, des intoxications chroniques sont décrites après des expositions répétées à des concentrations d’oxyde de diéthyle largement supérieures aux valeurs limites actuellement admises. Les signes les plus fréquents étaient une perte d’appétit, une fatigabilité, une ébriété, une excitation et des troubles psychiques. Dans quelques cas, une polynucléose et une hyperalbuminémie y sont associées.
De façon plus habituelle, l’intoxication chronique induit peu d’effets, il s’agit essentiellement de troubles digestifs (nausées, vomissements), de céphalées et de polypnée. Dans certains cas, on note une perte d’appétit et de poids. L’oxyde de diéthyle provoque, chez certains sujets, une conduite toxicomaniaque par inhalation ou ingestion ; cette toxicomanie peut conduire à un état confusionnel.
Le contact cutané répété entraîne un assèchement de la peau qui peut prendre un aspect fissuré.
Effets cancérogènes
En 1987, le CIRC (IARC) classe l’ensemble des anesthésiques volatils dans le groupe 3. Ces substances ne peuvent effectivement être précisément évaluées, du fait de l’absence d’études chez l’animal et de données pertinentes chez l’homme [24].
Effets sur la reproduction [23]
Il n’existe pas d’étude directe mettant en évidence un effet tératogène de l’oxyde de diéthyle chez l’homme. Toutefois une donnée récente confirme l’existence d’une augmentation de fausses couches et de petits poids de naissance chez des femmes exposées à divers solvants organiques dont l’oxyde de diéthyle. Dans cette étude, il n’est pas retrouvé d’anomalie chez les enfants des femmes qui sont exposées à des concentrations suffisamment faibles pour leur éviter des symptômes cliniques.
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Interférences métaboliques
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Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal