Réglementation
La réglementation définit les droits et devoirs des acteurs de l’entreprise. Elle définit également les moyens de contrôle dont dispose l’employeur.
Les différents acteurs et leurs rôles dans la prévention des risques liés aux pratiques addictives
La réussite de la démarche de prévention repose sur l’implication de tous les acteurs de l’entreprise (employeurs, salariés, instances représentatives du personnel, service de santé au travail, salarié compétent…). La réglementation précise le rôle de chacun de ces acteurs en matière de prévention des risques liés aux pratiques addictives. Une présentation non-exhaustive de ces acteurs est détaillée ci-après.
L’employeur
L’obligation générale de sécurité qui incombe à l'employeur, définie par la jurisprudence comme une obligation de sécurité de résultat, doit le conduire à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs (article L. 4121-1 du Code du travail)
Les risques liés aux pratiques addictives (y compris les consommations occasionnelles) doivent en conséquence être :
- Pris en compte dans l’évaluation des risques ;
- intégrés dans le document unique afin que soient mises en place les mesures de prévention adaptées (voir le sous-dossier : prévenir les risques)
À noter : En dehors de la visite d’information et de prévention (VIP) et des examens d’aptitude à l’embauche et périodiques organisés dans le cadre du suivi individuel renforcé (SIR), l’employeur peut demander au médecin du travail un nouvel examen médical du salarié en vue d’examiner son état de santé. (article R. 4624-34 du Code du travail)
Le salarié
Le Code du travail prévoit une obligation de sécurité à la charge du salarié (article L. 4122-1). Il lui incombe «…de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail. »
Le manque de vigilance d’un salarié lié à une pratique addictive peut présenter des risques en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail pour le salarié lui-même, les autres salariés ou les tiers. Par exemple, cela pourrait être le cas si le salarié dont la vigilance est manifestement altérée doit conduire un véhicule à bord duquel un collègue doit circuler. Ce dernier doit alerter immédiatement l'employeur en cas de danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé (article L. 4131-1 du Code du travail). En outre, il pourrait être fondé à mettre en œuvre son droit de retrait.
En cas de manquement à son obligation de sécurité, le salarié peut encourir une sanction disciplinaire et sa responsabilité pénale peut être engagée.
Par ailleurs, il convient de noter qu’en dehors des examens médicaux d’embauche ou périodiques organisés dans le cadre du suivi de l’état de santé du salarié, ce dernier peut demander au médecin du travail un nouvel examen médical. Cette demande ne peut motiver une sanction (article R. 4624-34 du Code du travail).
Les instances représentatives du personnel (comité social et économique/CSSCT/délégués du personnel)
À noter : En application des dispositions de l’ordonnance n° 2017-1386, les questions relatives à la santé et la sécurité au travail, relevant jusqu’à ce jour du périmètre des CSSCT, seront désormais prises en compte, en fonction de l’organisation mise en place dans l’entreprise, soit par le Comité social et économique (CSE), soit par une Commission santé sécurité et conditions de travail, soit par les représentants de proximité.
La mise en place de ces nouvelles instances va se faire progressivement, pour aboutir à une mise en place généralisée au 1er janvier 2020.
Toutefois, depuis le 1er janvier 2018, les entreprises d’au moins 11 salariés doivent mettre en place un CSE.
Pour plus d’informations sur le comité social et économique consulter le dossier web « Comité social et économique »
Le représentant du personnel au comité social et économique (ou le cas échéant le représentant au CSSCT ou à défaut les délégués du personnel), qui constate qu'il existe une cause de danger grave et imminent, notamment par l'intermédiaire d'un travailleur, en alerte immédiatement l'employeur (article L. 4131-2 du Code du travail).
Ces situations doivent être appréciées strictement du point de vue de la santé et de la sécurité du travail, de manière factuelle, et non au regard de la morale ou d’un jugement de valeur quelconque.
À noter : Les membres du Comité social et économique (ou du CSSCT ou les délégués du personnel) sont tenus à une obligation de discrétion à l’égard des informations présentant un caractère confidentiel et données par l’employeur (article L. 2315-3 du Code du travail).
Les services de santé au travail
L’équipe pluridisciplinaire du service de santé au travail est impliquée dans la prévention des pratiques addictives, tant sur le plan collectif que sur le plan individuel. En effet, le service de santé au travail a notamment pour mission de conseiller l’employeur, les salariés et leurs représentants sur les dispositions et les mesures nécessaires afin de prévenir la consommation d’alcool et de drogue sur le lieu de travail (article L. 4622-22 du Code du travail). Il assure le suivi de l'état de santé des travailleurs en fonction des risques concernant leur santé au travail et leur sécurité et celle des tiers.
En ce qui concerne le médecin du travail, son rôle est exclusivement préventif. Il consiste à éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail, notamment en surveillant leurs conditions d'hygiène au travail, les risques de contagion et leur état de santé (article L. 4622-3 du Code du travail).
Le médecin du travail possède une indépendance dans la prescription des examens complémentaires nécessaires à la détermination de l’aptitude au poste de travail (article R. 4624-35 du Code du travail). L’employeur ne peut donc lui imposer de prescrire ou de réaliser un examen de dépistage de consommation d’alcool ou de drogues.
Le médecin du travail peut également organiser une visite médicale pour tout travailleur le nécessitant (article R. 4624-34 du Code du travail)
Enfin, les professionnels de santé sont soumis au secret médical (article L. 1110-4 du Code de la santé publique).
Le dépistage médical de la consommation de drogue
Il existe actuellement sur le marché des bandelettes urinaires permettant, dans un délai court, une recherche de consommation de substances psychoactives. L’utilisation de telles bandelettes urinaires constitue un examen de biologie médicale.
(articles L. 6211-1 et suivants du Code de la santé publique, arrêté du 1er août 2016 déterminant la liste des tests, recueils et traitements de signaux biologiques qui ne constituent pas un examen de biologie médicale, les catégories de personnes pouvant les réaliser et les conditions de réalisation de certains de ces tests, recueils et traitements de signaux biologiques).
Ainsi ils ne peuvent être réalisés que par un biologiste médical ou, pour certaines phases, sous sa responsabilité (article L. 6211-7 du Code de la santé publique)
Il revient donc au médecin du travail de se rapprocher d’un biologiste médical pour, notamment, organiser le prélèvement de l’échantillon biologique, connaître la technique d’analyse à utiliser et les conditions de validation du résultat.
Outils juridiques à la disposition de l’employeur
En plus des moyens et des outils présentés précédemment (voir le sous dossier moyens et outils dans prévenir les risques) l’employeur dispose de plusieurs leviers juridiques à sa disposition en vue de prévenir les risques liés aux pratiques addictives ainsi que de moyens de contrôle et de dépistage.
Le document unique
Les pratiques addictives concernent de nombreux salariés quels que soit le secteur d'activité ou la catégorie socioprofessionnelle. Ces consommations de substances psychoactives, occasionnelles ou répétées, comportent des risques pour la santé et la sécurité des salariés. De plus, certains facteurs liés au travail peuvent favoriser les pratiques addictives. Il est donc nécessaire d’inscrire le risque lié aux pratiques addictives dans le document unique d'évaluation des risques. (article R. 4121-1 du Code du travail).
Ce document est mis à la disposition des salariés, des membres du comité social et économique (le cas échéant du CSSCT / délégués du personnel), du médecin du travail, de l'agent de contrôle de l’inspection du travail et des agents des Carsat (article R. 4121-4 du Code du travail).
Encadrement des boissons alcoolisées dans l’entreprise
Le Code du travail limite strictement les boissons alcoolisées pouvant être introduites sur le lieu de travail. Ainsi « aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n'est autorisée sur le lieu de travail. Lorsque la consommation de boissons alcoolisées, (…) est susceptible de porter atteinte à la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur, en application de l'article L. 4121-1 du code du travail, prévoit dans le règlement intérieur ou, à défaut, par note de service les mesures permettant de protéger la santé et la sécurité des travailleurs et de prévenir tout risque d'accident. Ces mesures, qui peuvent notamment prendre la forme d'une limitation voire d'une interdiction de cette consommation, doivent être proportionnées au but recherché » (article R. 4228-20 du Code du travail)
Le règlement intérieur
En complément du document unique, le règlement intérieur est un outil juridique participant à la prévention des risques liés aux pratiques addictives. Il convient toutefois d’être vigilant aux dispositions qui y seront insérées, dans la mesure où ce document ne peut aborder que les points relatifs à la santé, la sécurité et la discipline (article L. 1321-1 du Code du travail). Il ne peut en outre contenir aucune disposition apportant, aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives, de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature des tâches à accomplir.
À titre d’exemple, le règlement intérieur peut contenir :
- des mesures d’interdiction totale ou partielle de l’alcool sur le lieu de travail si les risques rencontrés sur les postes de travail le justifient (la motivation de ces mesures doit être inscrite dans le règlement intérieur, article R. 4228-20 du Code du travail) ;
- des mesures d’encadrement des pots d’entreprise ;
- la liste des postes de sûreté et de sécurité pour lesquels un dépistage de consommation d’alcool ou de drogues peut être pratiqué, ainsi que les modalités pratiques de réalisation du test de dépistage. (voir le sous-dossier « moyens de contrôle et de dépistage »)
- le rappel des dispositions du Code de la route. (ex : article R. 234-112 : interdiction pour les titulaires d’un permis probatoire et les conducteurs de transport en commun de conduire un véhicule de transport en commun avec une alcoolémie égale ou supérieure à 0,2 gramme par litre ; pour les autres catégories de véhicules, l’alcoolémie ne doit pas être égale ou supérieure à 0,5 gramme par litre ) ;
- Le rappel de l’interdiction de pénétrer dans les locaux de travail sous l’emprise de stupéfiant ainsi que la possibilité de recourir au dépistage de produits stupéfiants.
Pour plus d’informations sur le règlement intérieur consulter l’article TS « le règlement intérieur d’entreprise »
L’organisation des secours
L’employeur, responsable de la sécurité et de la santé physique et mentale des travailleurs, a en charge l’organisation des premiers secours aux accidentés et aux malades au sein de son entreprise (article R. 4224-16 du Code du travail). De plus le Code du travail prévoit qu’il est interdit de laisser entrer ou séjourner dans les lieux de travail des personnes en état d’ivresse (article R. 4228-21 du Code du travail). Or l’état d’ivresse est particulièrement difficile à définir médicalement. Au regard de ces dispositions, une procédure relative à l’organisation des secours face à un travailleur présentant un trouble du comportement (pas nécessairement provoqué par la consommation d’une substance psychoactive) doit être définie, après avis du médecin du travail. Ces mesures qui sont prises en liaison notamment avec les services de secours d'urgence extérieurs à l'entreprise doivent être adaptées à la nature des risques.
Moyens de contrôle et de dépistage à disposition de l’employeur
Vidéosurveillance
Ce système de contrôle ne peut être installé qu’afin d’assurer la sécurité des personnes et des biens. L’employeur doit préalablement avoir consulté les représentants du personnel, informé les salariés et adressé une déclaration à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).
En tout état de cause, si de telles mesures sont prévues, elles doivent être rappelées dans le règlement intérieur.
Fouille de vestiaire
La jurisprudence admet que l'employeur puisse faire procéder au contrôle du contenu des vestiaires, à condition que ce contrôle soit réalisé en présence du salarié, ou bien en cas d'empêchement exceptionnel en l’ayant informé et qu'il soit justifié par des raisons de sécurité, d’hygiène ou bien par un risque ou un événement particulier.
En tout état de cause, si de telles mesures sont prévues, elles doivent être rappelées dans le règlement intérieur.
Contrôle de l’imprégnation éthylique (ethylotest)
L’état d’ébriété des salariés peut constituer un risque important pour le salarié lui-même, les autres salariés ou les tiers.
L’employeur peut ainsi recourir au contrôle de l’alcoolémie sous réserve du respect de certaines dispositions.
Le recours au contrôle par éthylotest ne doit pas être systématique. Il doit être justifié par des raisons de sécurité. Le contrôle ne doit concerner que les salariés dont les fonctions sont de nature à exposer les personnes ou les biens à un danger.
La liste des postes pour lesquels un dépistage de consommation peut être pratiqué doit être précisée dans le règlement intérieur. La jurisprudence retient certains postes pour lesquels l’imprégnation alcoolique peut constituer un risque pour le salarié, ses collègues ou des tiers et en particulier les postes suivants : conducteurs de véhicule automobile, conducteurs de poids lourds, ouvriers caristes, chauffeur-livreur.
Tests salivaires
Dans certains cas l’employeur peut décider de recourir au test salivaire de recherche de stupéfiants. Ceci nécessite d’être débattu lors des réunions des instances représentatives du personnel.
Les modalités d’usage du test salivaire de détection immédiate de produits stupéfiants sont encadrées par la jurisprudence (CE, 5 décembre 2016, n° 394178) :
- le test ne peut être réalisé par l’employeur ou un supérieur hiérarchique que s’il est inscrit au règlement intérieur,
- le test doit être réservé aux seuls postes pour lesquels l'emprise de la drogue constitue un danger particulièrement élevé pour le salarié ou pour les tiers et ne doit pas être systématique,
- le salarié doit pouvoir obtenir une contre-expertise médicale à la charge de l’employeur,
- l’employeur ou le supérieur hiérarchique réalisant ce test doit respecter le secret professionnel sur les résultats.
En tout état de cause, il convient de s’interroger sur l’intérêt du dépistage. En effet, les consommations de drogues (mais également d’alcool) ont des origines mixtes, liées à la vie privée mais aussi au travail (stress, horaires atypiques, port de charges lourdes...). Aussi, la prévention du risque lié aux pratiques addictives repose sur une approche collective. Le dépistage des consommations d’alcool et/ou de drogues n'est qu'un outil complémentaire au sein des différentes actions de prévention à mettre en place.
Pour en savoir plus
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Fiche 10/2022 | ED 6500
Prévenir les pratiques addictives dans le cadre professionnel
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Article de revue 04/2018 | TS793page52
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Article de revue 06/2018 | TS795page44
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Vidéo Durée : 01min 56s
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Vidéo Durée : 53min 55s
Webinaire - Travail et pratiques addictives : comprendre et prévenir les risques
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Article de revue 04/2018 | TS793page52