Prévention
Les actions de prévention portent sur les facteurs liés au travail favorisant les consommations, l’encadrement de l’alcool, la procédure à suivre en cas de trouble du comportement et la formation des travailleurs.
Les consommations de substances psychoactives (alcool, tabac, cannabis…) qu’elles soient occasionnelles ou répétées, comportent des risques pour la santé et la sécurité des salariés.
De plus, certains facteurs liés au travail peuvent favoriser les pratiques addictives.
Il est donc nécessaire d’inscrire le risque lié aux pratiques addictives dans le document unique et d’élaborer une démarche de prévention collective associée à la prise en charge des cas individuels.
L’élaboration de la démarche de prévention doit se faire dans un esprit de concertation, d’accompagnement et de soutien.
Démarche de prévention
Concertation
D’une entreprise à l’autre, la perception et l’impact du risque lié aux pratiques addictives peut être différent. Aussi, la réussite d’une démarche de prévention nécessite l’implication de l’ensemble des acteurs de l’entreprise à travers, notamment, le Comité social et économique (CSE).
Si nécessaire, il peut être décidé de constituer un groupe de travail piloté par l’employeur, ou son représentant, regroupant des membres des instances représentatives du personnel, des membres de l’encadrement et du service des ressources humaines, des salariés et des membres du service de prévention et de santé au travail.
Pour mémoire, le service de prévention et de santé au travail est le conseiller de l’employeur, des travailleurs et de leurs représentants afin de prévenir la consommation d’alcool et de drogue sur le lieu de travail (article L. 4622-2 du Code du travail). A ce titre, il est pleinement impliqué dans la démarche de prévention.
Pour mener à bien la concertation, il est fortement conseillé que chaque participant bénéficie d’un apport de connaissances sur les pratiques addictives : niveaux de consommation en population générale et en milieu de travail, effets sur la santé et la sécurité, facteurs de risque, lien travail – consommation, bases de la réglementation… Ceci permet à chacun de corriger les idées fausses et de faire tomber les tabous sur ce sujet.
Enfin, il peut être nécessaire d’être accompagné par une ressource externe telle que la Caisse régionale d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat), l’Agence nationale ou régionale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact, Aract), un intervenant en prévention des risques professionnels (IPRP) externe, un addictologue, une association spécialisée, un consultant…
Évaluation du risque lié aux pratiques addictives
Dans le cadre de la concertation entre les acteurs de prévention de l’entreprise, il est nécessaire d’évaluer le risque lié aux pratiques addictives et de l’inscrire dans le document unique.
Des indicateurs quantitatifs ou qualitatifs peuvent aider à l’évaluation de ce risque et le suivi des actions de prévention. Certains sont spécifiques aux pratiques addictives, d’autres non. A titre d’exemple et de manière non exhaustive, les indicateurs peuvent être :
- existence de pots, repas, congrès, séminaires… où sont présentes des boissons alcoolisées,
- existence de postes de travail participant à la fabrication, la vente ou la distribution de substances psychoactives (dont l’alcool),
- existence de postes avec horaires atypiques (travail de nuit, le week-end, horaires fragmentés…),
- existence de postes avec un nombre important d’heures de travail (exemple : plus de 48 h par semaine),
- existence de postes de travail en contact avec le public,
- existence de postes de travail exposant au froid ou à la chaleur,
- existence de postes de travail en extérieur,
- données anonymes du service de santé au travail sur les niveaux de consommation dans l’entreprise et leurs impacts,
- existence d’une alerte de la part du médecin du travail relative aux pratiques addictives,
- fréquence des visites médicales à la demande de l’employeur pour un problème supposé en lien avec une consommation de substance psychoactive,
- données anonymes du service social du travail sur les sollicitations pouvant être en lien avec une consommation de substances psychoactives,
- fréquence de déclenchement de la procédure « Troubles du comportement »,
- …
D’autres éléments peuvent également être pris en compte :
- existence de postes de travail avec activités dangereuses : conduite de véhicules ou de machines dangereuses, travail en hauteur, manipulation de substances chimiques, port d’arme…,
- résultats de l’évaluation des risques professionnels connus pour favoriser les pratiques addictives : risques psychosociaux, risques liés à la charge physique de travail (TMS, lombalgies…), risques liés à l’organisation du travail (horaires atypiques, travail isolé…).
© F.Dimier/INRS/2022
Mise en œuvre des actions de prévention
Après avoir évalué le risque lié aux pratiques addictives, il convient de décider et de prioriser les actions de prévention adaptées à l’entreprise en tenant compte, notamment, des avis du CSE et des conseils du service de prévention et de santé au travail.
Il est également nécessaire de prévoir, à distance, une évaluation de ces mesures de prévention.
Enfin, il est conseillé d’accompagner la mise en œuvre de ces actions par une communication auprès de l’ensemble des travailleurs.
Clés de réussite
- Etre dans un esprit de concertation, d’accompagnement et de soutien. Ne pas être dans une logique de répression et de sanction
- Préserver un dialogue social de qualité
- Impliquer les représentants du personnel, les membres de l’encadrement et les acteurs de la santé au travail, avec appropriation de la problématique par la direction
- Fournir les moyens de formation et d’information appropriés à tous les niveaux hiérarchiques de l’entreprise
- Direction et encadrement doivent donner l’exemple : respect de la confidentialité, discrétion dans les interventions ou les mesures prises, organisation de « pots » sans alcool…
Exemples d’objectifs des actions de prévention
Les consommations de substances psychoactives ont une origine multifactorielle. Aussi, la prévention des pratiques addictives requiert une approche globale, qui peut nécessiter d’agir à différents niveaux dans le fonctionnement de l’entreprise.
Les objectifs présentés ici le sont à titre d’exemple et ne sont pas exhaustifs.
Prévenir les facteurs liés au travail favorisant les consommations
De nombreuses études ont montré que les risques psychosociaux (RPS), , certaines organisations du travail (horaires atypiques…), les contraintes physiques (travail au froid ou à la chaleur, port de charges lourdes…)… (cf Exposition au risque) sont impliqués dans les consommations de substances psychoactives. Il est donc nécessaire de s’assurer que ces risques ont été évalués et que les mesures de prévention sont adaptées. Il en est de même lorsque d’autres facteurs de risques sont également identifiés par les acteurs de l’entreprise.
Encadrer la consommation d’alcool
Le Code du travail encadre la consommation de boissons alcoolisées dans l’entreprise (article R. 4228-20).
Pour mémoire, l’alcool présente des risques (voir la rubrique Effets sur la santé et la sécurité) :
- pour la santé : dépression, dépendance, maladies cardiovasculaires, cirrhose, cancers, syndrome d’alcoolisation fœtale… L’alcool est responsable de 41 000 morts par an au sein de la population générale,
- pour la sécurité :
- conduire sous l’emprise de l’alcool multiplie le risque d’être responsable d’un accident routier mortel par 17,8,
- le risque d’accident du travail grave multiplié par 2 en cas de consommation hebdomadaire d’au moins 2 verres par jour chez la femme, ou 4 verres par jour chez l’homme.
Si, après évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, l’employeur autorise l’alcool sur le lieu de travail (exemple : lors d’un pot), les consignes minimales à respecter sont :
- seuls le vin, la bière, le cidre et le poiré peuvent être proposés. Les quantités sont limitées à 1 ou 2 verres par personne présente,
- fournir systématiquement des boissons non alcoolisées,
- mettre à disposition des salariés de quoi se restaurer afin de limiter le pic d’alcoolémie. Pour mémoire, 1 verre standard d’alcool augmente l’alcoolémie de 0,25 g/l,
- prévoir un délai suffisant avant la reprise d’une activité dangereuse ou la conduite d’un véhicule. Pour mémoire, 1 verre d’alcool standard est éliminé en moyenne en 1 h 30,
- ne pas inciter les apprentis, les mineurs ou les femmes enceintes à consommer de l’alcool,
- ne pas insister quand un collègue ne souhaite pas boire d’alcool,
- rappeler la procédure à suivre en cas de troubles du comportement d’un collègue.
Les consignes à respecter pour la consommation de boissons alcoolisées sont à inscrire dans le règlement intérieur ou dans une note de service.
Pour aller plus loin :
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Vidéo Durée : 01min 56s
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Article de revue 12/2015 | TC 152
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Affiche 04/2021 | A 861
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Article de revue 12/2013 |QR 84
Comment prévenir le risque alcool en milieu de travail chez les apprentis ?
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Article de revue 09/2019 |QR 141
Quelle conduite à tenir face à un trouble du comportement au travail ?
Organiser les secours face à un trouble du comportement
Un salarié présentant un trouble du comportement est en danger : d’une part, il est dans l’incapacité d’assurer son travail en toute sécurité. D’autre part, il nécessite un avis médical urgent afin de traiter éventuellement une pathologie cérébrale (hémorragie, tumeur, accident vasculaire cérébral…), une intoxication (solvants, monoxyde de carbone, substances psychoactives…), une hypoglycémie…
Il est donc nécessaire que chaque salarié connaisse la conduite à tenir face à un collègue qui présente, de manière anormale, des troubles de l’élocution, des propos incohérents, des troubles de l’équilibre, une agitation, une euphorie, une agressivité, une indifférence à l’entourage ou une somnolence…
Deux étapes sont à considérer : la prise en charge de l’urgence, puis le retour du salarié à son poste de travail.
Prise en charge de l’urgence
- Alerte de l’employeur et des secours (sauveteur secouriste du travail, secours extérieurs…)
- Arrêt de toute activité dangereuse
- Suivre les consignes données par les secours extérieurs (SAMU, sapeurs-pompiers) : gestes de secourisme, surveillance durant l’attente de secours, voire transport de la victime vers un service d’urgence…
Retour du salarié dans l’entreprise
A sa reprise du travail, l’employeur reçoit le salarié pour faire le point sur l’évènement. Il est utile de rechercher, entre autres, des éléments sur lesquels des mesures de prévention sont à mettre en œuvre (organisation du travail…). Cet entretien se fait dans le respect de la vie privée et des informations relevant du secret médical.
A l’issue, l’employeur peut demander un examen du salarié par le médecin du travail. Cette demande doit comporter un document écrit, argumenté et basé sur des faits constatés.
Pour aller plus loin :
Former, informer, sensibiliser
La prévention consiste aussi à informer chaque salarié de l’entreprise sur :
- les risques, pour la santé et la sécurité, liés aux pratiques addictives ;
- le règlement intérieur de l’entreprise ;
- la réglementation en vigueur : code du travail (obligations de l’employeur et du travailleur…), code de la route (alcoolémie autorisée, maîtrise du véhicule, peines en cas d’accident sous l’emprise d’alcool ou de stupéfiants), code pénal et code de la santé publique (usage et détention de stupéfiants) ;
- le rôle du service de prévention et de santé au travail : conseil de l’employeur, des salariés et de leurs représentants en matière de prévention de consommation d’alcool et de drogues sur le lieu de travail ; suivi de l’état de santé (examen périodique, de reprise, de pré-reprise ou à la demande) ; adaptation du poste de travail ; orientation vers un réseau de soins ; préparation du retour du travailleur… le tout dans le respect du secret médical ;
- le rôle des services sociaux ;
- le rôle de l’encadrement : diffusion des mesures de sécurité, aide à un salarié en difficulté (orientation vers le médecin du travail ou les services sociaux, respect de la procédure à suivre face à un salarié dans l’incapacité d’assurer son travail en toute sécurité…) ;
- le rôle des représentants du personnel ;
- les aides possibles en dehors de l’entreprise : médecin traitant, adresses de consultations spécialisées les plus proches (centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie, consultation en centre hospitalier…), sites internet, numéros verts…
- la procédure à suivre face à un salarié dans l’incapacité d’assurer son travail en toute sécurité ;
- le respect d’autrui : les pratiques addictives ont une origine multifactorielle où l’environnement a un rôle qui ne peut être négligé. Aussi, il convient de ne pas apporter de jugement de valeur face à une personne en difficulté vis-à-vis d’une substance psychoactive et de se limiter aux faits constatés.
Numéros de téléphone et sites internet d’information
- Addict’aide : www.addictaide.fr
- Alcool info service : www.alcool-info-service.fr ou 0 980 980 930
- Drogues info service : www.drogues-info-service.fr ou 0 800 23 13 13
- Tabac info service : www.tabac-info-service.fr ou 3989
CSAPA : centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie
Les CSAPA accueillent gratuitement toutes les personnes souffrant d’une pratique addictive. Ils assurent l’anonymat du patient qui le demande.
La prise en charge dans les CSAPA est à la fois médicale, psychologique, sociale et éducative. L’entourage du patient peut également être reçu dans ces centres, de même que toute personne qui se pose des questions sur sa propre consommation.
Les adresses des CSAPA sont notamment disponibles sur les sites Addict’aide, Drogues info service et Alcool info service.
Pour en savoir plus
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Fiche 10/2022 | ED 6500
Prévenir les pratiques addictives dans le cadre professionnel
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Brochure 02/2023 | ED 6505
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article 09/2019 | RST 159
Quelle conduite à tenir face à un trouble du comportement au travail ?
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Vidéo Durée : 01min 56s
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Article de revue 12/2013 |QR 84
Comment prévenir le risque alcool en milieu de travail chez les apprentis
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Article de revue 12/2015 | TC 152
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Affiche 04/2021 | A 861