Pathologie - Toxicologie
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Toxicocinétique - Métabolisme [7]
Le DBP est bien absorbé par voie orale chez l'homme et chez l'animal après hydrolyse en phtalate de monobutyle, qui est son principal métabolite. La bio-transformation est hépatique et l'excrétion, principalement urinaire.
Chez l'animal
Absorption
Les données disponibles chez le rat indiquent une bonne absorption par le tractus gastro-intestinal, puisqu'après administration orale de 14C-DBP, près de 90 % de la dose sont retrouvés dans les urines après 48 heures. L'absorption orale de DBP chez l'homme a été mise en évidence par une étude portant sur 13 personnes ayant absorbé de la nourriture contenant du DBP et chez lesquelles on a mesuré un taux plasmatique de DBP [14]. Le taux plasmatique moyen était de 0,1 mg de DBP/L, alors que celui du groupe témoin était de 0,02 mg/L.
Chez le rat, la pénétration cutanée du 14C-DBP est rapide et la peau semble constituer un réservoir[15]. D'après une étude réalisée in vitro, l'absorption percutanée chez l'homme (0,07 µg/cm2/h) est bien inférieure à celle mesurée chez le rat (9,33 µg/cm2/h) [16].
Aucune étude d'absorption par inhalation n'est disponible.
Distribution
L'administration orale de 14C-DBP à des rats n'a pas mis en évidence d'accumulation significative dans un quelconque organe. Quatre heures après l'administration, le taux de radioactivité le plus faible a été relevé dans le cerveau (0,03 %) alors que le plus élevé a été mesuré au niveau des reins (0,66 %). 48 heures après l'administration, le DBP ne subsiste plus dans l'organisme qu'à l'état de traces (< 0,01 %) [5]. Aucune accumulation particulière n'a été mise en évidence après pénétration cutanée [17].
Le passage transplacentaire du DBP et de ses métabolites a été mis en évidence chez le rat après administration de 14C-DBP Les taux de radioactivité placentaire et embryonnaire mesurés correspondent au tiers ou moins du taux plasmatique retrouvé chez les mères (entre 0,15 et 0,2 % de la dose administrée). Le MBP (phtalate de monobutyle), métabolite majoritaire, serait en grande partie responsable des effets embryotoxiques observés. Aucune accumulation de molécules radiomarquées n'a été relevée dans les tissus maternels ou embryonnaires [18, 20].
Métabolisme
Le DBP est hydrolysé en MBP par une lipase pancréatique et une estérase de la muqueuse intestinale avant d'être absorbé. Cette hydrolyse peut également survenir après l'absorption, au niveau hépatique et rénal. Le phtalate de monobutyle constitue le principal métabolite actif du DBP et serait responsable de sa toxicité. Il existe 6 métabolites secondaires formés à partir du MBP, dont le principal est un dérivé glucuro-conjugué. Ces métabolites, dont la proportion varie selon les espèces, sont principalement retrouvés dans les urines.
Aucune étude de bio-transformation n'est actuellement disponible après administration par inhalation ou par voie percutanée.
Des études comparatives in vitro chez le rat, le babouin et l'homme ont montré que les taux d'hydrolyse par les lipases intestinales étaient assez similaires chez les trois espèces, évoquant une absorption du monoester par la muqueuse gastrique, assez analogue chez le rat et l'homme.
Schéma métabolique
Schéma métabollique du DBP [19 et 21 ].
Excrétion
Plus d'un tiers du DBP absorbé est excrété par la bile pour être réabsorbé au niveau intestinal, entrant ainsi dans un cycle entérohépatique qui explique sa faible excrétion fécale (moins de 10 %), alors que plus de 90 % d'une dose, administrée oralement à des rats ou des hamsters, sont éliminés en 24 à 48 heures par voie urinaire. Le principal métabolite urinaire identifié dans l'urine de rat est le MBP-glucuronide. Chez le rat, 7 jours après exposition cutanée, près de 60 % de la dose administrée ont été retrouvés dans les urines et seulement 12 % dans les fécès.
Surveillance Biologique de l'exposition
Trois métabolites du di-n-butyl-phtalate (DnBP) sont détectables dans les urines chez l’homme : le mono-n-butyl-phtalate (MnBP), le mono-3-carboxypropyl-phtalate (MCPP) et le mono-3-hydroxy-n-butyl-phtalate (MHBP).
Le dosage du MnBP total urinaire en fin de poste de travail est proposé pour la surveillance biologique des sujets professionnellement exposés (SBEP) car il s’agit du métabolite principal du DnBP. Les études de terrain disponibles ne permettent de faire une corrélation entre concentration atmosphérique de DnBP et concentration urinaire de MnBP. Ce paramètre n’est pas spécifique du DnBP (métabolite commun au benzylbutyl-phtalate). Le MnBP peut être retrouvé dans les urines de la population générale non professionnellement exposée (95eme percentile).
Le dosage du MCPP urinaire en fin de poste de travail a pu être proposé mais étant donné son manque de spécificité (métabolite commun au di-n-octyl-phtalate) et le peu de données en milieu professionnel, ce dosage n'est pas retenu pour la SBEP. Le MCPP urinaire peut être retrouvé dans les urines de la population générale non professionnellement exposée.
Le dosage du MHBP urinaire en fin de poste de travail a pu être proposé mais étant donné l'absence de donnée en milieu professionnel, ce dosage n'est pas préconisé pour la SBEP.
Il n’existe pas de valeur biologique d’interprétation pour ces paramètres pour la population professionnellement exposée.
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Mode d'actions
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Toxicité expérimentale
Toxicité expérimentale
Les données disponibles chez l'animal montrent que le DBP présente une faible toxicité aiguë quelle que soit la voie d'exposition (orale, dermique ou inhalatoire) et une absence de potentiel irritant (œil, peau, voie respiratoire) et sensibilisant cutané. Après exposition répétée par voie orale, l'organe cible est le foie.
Toxicité aiguë
La DL50 du DBP administré par voie orale varie entre 4,8 et 5,3 g/kg chez le rat et entre 6,3 et 8 g/kg chez la souris. Chez le lapin, la DL50 par voie cutanée est supérieure à 20 g/kg. Pour le rat, la CL50 est supérieure à 15,68 mg/l (4 heures d'exposition).
L'exposition aiguë au DBP induit une diminution générale d'activité se traduisant par une somnolence, des difficultés respiratoires, ainsi qu'une perte de coordination des mouvements. Le décès des animaux est précédé d'une diminution de la température corporelle et survient dans les trois jours qui suivent l'administration. L'examen anatomo-pathologique révèle des foyers nécrotiques au niveau hépatique.
Les études d'irritation cutanée et oculaire ne mettent pas en évidence d'irritation significative.
Une légère irritation des voies aériennes, chez des souris ayant inhalé de fortes concentrations de DBP (250 mg/m3) pendant 2 heures, a été rapportée. De même l'exposition répétée à des aérosols de DBP (509 mg/m3) engendre l'apparition de croûtes sur le museau des rats. Néanmoins, aucun signe d'inflammation n'est visible et ces effets irritatifs peuvent être considérés comme modérés.
Deux tests de sensibilisation cutanée (maximalisation) ont été réalisés sur des cobayes et un test par application répétée sur le lapin. Aucun de ces tests n'a mis en évidence d'effet sensibilisant.
Toxicité subchronique, chronique
Chez le rat et la souris, l'ingestion pendant 90 jours d'une alimentation contenant 2 % de DBP est responsable d'une altération des fonctions hépatiques, ainsi que d'une prolifération de peroxysomes ; l'homme est considéré comme moins sensible que le rat à l'induction peroxysomale produite par les phtalates [26]. Une anémie avec présence d'érythrocytes nucléés circulants suggèrent une toxicité hématologique périphérique. Comme pour de nombreux phtalates, une baisse du poids corporel accompagnée d'une augmentation de la masse des reins et du foie sont également observées chez des rats traités. La dose sans effet toxique (NOAEL) est de 152 mg/kg/j pour les rats.
La mauvaise qualité de la seule étude disponible sur le lapin, par application cutanée répétée de DBP, ne permet pas d'en apprécier les effets.
Une étude de toxicité par inhalation menée pendant 28 jours chez le rat (1,18 à 509 mg/m3) montre des modifications histologiques sans signes d'inflammation au niveau pulmonaire, mais n'engendre pas de toxicité systémique [7]. La concentration sans effet toxique (NOAEC) est supérieure à 509 mg/m3.
Effets génotoxiques
Le DBP n'est pas génotoxique dans les tests effectués in vitro et in vivo.
In vitro, les tests de mutations géniques et de réparation indirecte de l'ADN réalisés sur bactéries et levures, ainsi que les tests de mutations géniques et d'aberrations chromosomiques réalisés sur cellules de mammifères, se sont révélés négatifs, à l'exception d'un essai de mutations géniques sur cellules de lymphome de souris et d'un test bactérien, faiblement positif à des doses par ailleurs cytotoxiques.
In vivo, un test du micronoyau sur la souris s'est révélé négatif. De plus la recherche de micronoyaux dans le sang périphérique chez la souris contenant jusqu'à 2 % de DBP administré dans l'alimentation pendant 13 semaines, n'a pas fourni de résultats laissant entrevoir un quelconque effet génotoxique. Comme les autres phtalates de dialkyle, le DBP peut donc être considéré comme non génotoxique.
Effets cancérogènes
En dépit de l'absence d'études « long- terme » sur le DBP, il semble raisonnable de considérer que cette substance, comme les autres phtalates, n'est pas un cancérogène potentiel pour l'homme.
Aucune étude de cancérogenèse n'a été menée ; toutefois, de nombreuses études ont montré que le DBP était capable, comme le DEHP (phtalate de bis(2-éthylhexyle)), le DINP (phtalate de diisononyle) et le DIDP (phtalate de diisodécyle) d'induire chez le rongeur la prolifération de peroxysomes. Or, il est actuellement admis que ce mécanisme est responsable des effets cancérogènes hépatiques observés dans les études long terme chez le rongeur. Il a été récemment montré qu'il s'agissait d'une spécificité d'espèce et que cette prolifération ne se produisait pas chez le cobaye, le marmouset, le singe cynomolgus ni au niveau des hépatocytes humains. Des investigations récentes en ont apporté la preuve montrant que les substances responsables de la prolifération de peroxysomes exerçaient leurs effets via l'activation du récepteur PPARa et que le gène responsable de cette activation ne s'exprimait que très faiblement chez l'homme. En conséquence, les effets cancérogènes observés chez le rongeur sont considérés comme non extrapolables à l'homme.
Il doit être souligné que le DEHP qui entraîne des effets assez similaires a été classé en 2000 par le CIRC (IARC (*)) dans le groupe 3 : « Agent ne pouvant pas être classé quant à sa cancérogénicité pour l'homme en raison d'indications insuffisantes chez l'homme et d'indications limitées chez l'animal ».
(*) Centre International de Recherche sur le Cancer, Lyon (France).
Effets sur la reproduction [27]
L'exposition au DBP entraine une atteinte de la fertilité chez le rongeur (rat, souris) dans les 2 sexes. Le DBP est embryotoxique, foetotoxique et tératogène chez le rongeur. Des effets sur le développement postnatal sont observés
Effet sur la fertilité
Chez la femelle, des effets sur la reproduction sont observés à la dose de 250 mg/kg/j chez le rat, et à des doses supérieures à 250 mg/kg/jour chez la souris.
Chez le mâle, de nombreuses études conduites chez le rongeur ont montré des effets fonctionnels et structurels sur la reproduction (atrophie testiculaire chez le rat, la souris ou le cobaye,diminution du nombre de spermatozoïdes, diminution du nombre de petits par portée).Chez le rat, à partir d'une absorption orale de DBP de 250 mg/kg/j pendant 15 jours, une atrophie des testicules, accompagnée d'une dégénérescence des tubules séminifères (avec diminution du nombre de spermatides et des spermatogonies), est observée.
L'atteinte de la fertilité chez le rat male s'exprime surtout dans la cas d'une exposition foetale, avec une sensibilité décroissante : fœtus, nouveaux-nés puis adultes.
Effet sur le développement
Des effets foeto- et embryo-toxique (rats/souris) ont été observés par voie orale en l'absence de toxicité maternelle. L'appareil reproducteur male est l'organe cible principal de la toxicité du DBP (cryptorchidie, hypospadias, diminution de la distance ano-génitale). La baisse de production de testostérone est l'effet le plus frequemment décrit.
Le DBP administré par voie orale à des femelles rates gestantes, on observe une diminution du poids fœtal, l'apparition de fentes palatines, de fusions des sternébres, une diminution de la distance ano-génitale, ainsi qu'une cryptorchidie chez le mâle.
Certaines études relatent également des effets postnataux (altération du développement de l'appareil reproducteur mâle). A partir d'une dose de 100 mg/kg/j administrée aux femelles, du 12e au 21e jour de la gestation, on note un retard de la séparation du prépuce et une absence de régression des mamelons. Ces effets sont accompagnés, à la dose supérieure de 250 mg/kg/j, d'hypospadias, d'agénésie de l'épididyme et des vésicules séminales, d'une cryptorchidie et d'une diminution de la distance ano-génitale, ainsi que d'une faible incidence d'adénomes interstitiels.
Effets pertubateurs endocriniens
Les propriétés estrogéniques du DBP ont été explorées ; elles sont faibles ou inexistantes in vitro. Les tests réalisés in vivo (modification du poids de l'utérus ou de la perméabilité utérine, « cornification » des cellules de l'épithélium vaginal) donnent également des résultats négatifs.
Le DBP a une activité de type anti-androgénique (inhibition de la synthèse de testostérone par les cellules de Leydig).
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Toxicité sur l’Homme
Le DBP exerce une action irritante modérée sur la peau et les muqueuses.
La pénétration du DBP peut survenir par voies cutanée, respiratoire ou orale. Les données sur le développement demandent à être confirmées.Toxicité aiguë [7, 29]
L'inhalation d'aérosols ou de vapeurs peut causer une irritation modérée des muqueuses respiratoires. Le liquide, les aérosols et les vapeurs peuvent provoquer une irritation au niveau oculaire (conjonctivite) ou cutané (érythème). Le risque de sensibilisation cutanée est faible et discuté.
Dans un cas, dont l'histoire est difficile à reconstituer, l'ingestion accidentelle de 10 grammes de DBP (environ 150 mg/kg) a entraîné, après un certain temps de latence, une symptomatologie associant troubles digestifs (nausées, vomissements, diarrhée), atteinte oculaire (brûlures, photophobie, larmoiement en rapport avec une kérato-conjonctivite) et atteinte rénale (hématurie, leucocyturie et albuminurie). L'ensemble de ces troubles a été résolutif en moins d'un mois.
Toxicité chronique [7, 30, 32, 33]
Trois enquêtes épidémiologiques chez des travailleurs exposés à divers phtalates, dont le DBP, et à des alcools ont montré une forte incidence de neuropathie centrale (narcose), périphérique (polynévrite sensitivomotrice) ou autonome (hypertension artérielle, hyperhydrose palmo-plantaire) pour des niveaux d'exposition importants. L'examen sanguin a retrouvé une légère pancytopénie avec réticulocytose modérée et accélération de la vitesse de sédimentation. Cependant, en raison de l'exposition multiple, il est difficile d'évaluer la toxicité propre au DBP.
Effets cancérogènes [7]
Il n'existe pas d'étude permettant d'apprécier chez l'homme le risque cancérogène du DBP.
Effets sur la reproduction [34]
Les effets de l'exposition au DBP in utero sur le développement (baisse du poids de naissance, processus de masculinisation) demandent à être confirmés.
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Interférences métaboliques
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Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal