Pathologie - Toxicologie
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Toxicocinétique - Métabolisme [15, 12]
Les composés du béryllium sont essentiellement absorbés par inhalation, distribués surtout au niveau du squelette et des muscles et éliminés sans transformation dans l’urine. Les composés non absorbés restent au niveau des poumons et des ganglions lymphatiques pulmonaires puis sont éliminés dans les fèces.
Chez l'animal
Absorption
L’absorption du béryllium et de ses composés se fait principalement par la voie respiratoire, suite à l’inhalation de fumées ou de poussières. L’absorption pulmonaire varie avec l’espèce (plus rapide chez le hamster que chez le rat) et le sexe (plus rapide chez le mâle que chez la femelle) et dépend de la taille des particules, de leur forme et de leur solubilité :
- une fraction des composés insolubles est éliminée rapidement par l’activité mucociliaire ou la phagocytose des particules, le reste est retenu longtemps dans les poumons avant d’être progressivement libéré dans le sang ;
- pour les composés solubles non ionisés, l’absorption pulmonaire se fait rapidement, en 1 à 4 jours, par dissolution dans les fluides ; une proportion variable passe dans le sang. Les composés solubles ionisés précipitent dans le tissu pulmonaire et se comportent comme des particules insolubles.
Le béryllium et ses composés ne sont que très faiblement absorbés par la voie digestive. La quantité absorbée (< 1 %) dépend de la dose et de la solubilité ; elle est limitée par la formation de phosphates insolubles dans l’intestin. Une absorption gastro-intestinale peut se produire après une exposition inhalatoire par clairance mucociliaire et déglutition.
Aucune donnée n’est disponible chez l’animal par voie cutanée.
Distribution
Dans l’organisme, le béryllium est transporté soit sous forme de phosphate colloïdal, adsorbé sur des protéines plasmatiques, soit fixé sur la membrane des lymphocytes.
Après inhalation pendant 3 heures, les composés les plus solubles (chlorure de béryllium, par exemple) sont retrouvés, chez le rat, en majorité dans les poumons et les ganglions trachéo-bronchiques (60 %) ; le reste de la dose absorbée est réparti entre le squelette (13,5 %), les muscles (9,5 %), le sang (5 %), le foie (0,9 %), les reins (1,5 %), la rate (0,1 %), le cœur (0,4 %) et le cerveau (1,4 %) ; après 17 jours, il en reste 6,8 % dans le squelette et moins de 0,0005 % dans les organes. Les composés moins solubles restent au niveau des poumons et des ganglions pulmonaires.
Par voie orale chez l’animal, la faible proportion de béryllium absorbée est transportée par le sang essentiellement vers le tractus gastro-intestinal, le foie, les reins, les poumons et les os.
Un passage transplacentaire a été montré chez le rat et la souris après injection intraveineuse de chlorure de béryllium ; en revanche, le passage dans le lait maternel est extrêmement faible.
Métabolisme
Le béryllium et ses composés ne sont pas métabolisés ; les sels solubles peuvent être transformés dans les poumons en composés moins solubles.
Excrétion
Les composés absorbés dans l’organisme sont principalement excrétés par la voie urinaire.
L’élimination des composés du béryllium déposés dans les poumons se fait en deux phases :
- la première (env. 30 % de la charge corporelle chez le rat) a une demi-vie de 2,5 jours ; elle passe par la clairance mucociliaire et une déglutition du béryllium menant à une élimination essentiellement fécale ;
- la seconde, beaucoup plus longue, correspond à la libération et/ou à la dissolution progressive du béryllium stocké dans les poumons et le squelette ; l’excrétion urinaire y est plus importante. La mobilisation et l’excrétion du béryllium peuvent se poursuivre pendant plusieurs années et persister longtemps après l’exposition. Il en découle des demi-vies biologiques extrêmement longues. Les études par voie orale utilisant du chlorure de béryllium radiomarqué chez le rat, la souris, le chien et le singe montrent qu’une grande majorité de la dose ingérée est éliminée dans les fèces (> 98 %).
Surveillance Biologique de l'exposition
Le dosage du béryllium urinaire dans les prélèvements de fin de poste et de fin de semaine de travail peut être utile pour la surveillance des salariés exposés ; il reflèterait le pool de béryllium mobilisé récemment mais aussi l'exposition récente. Mais il existe une grande variabilité des données sur la relation entre les concentrations atmosphériques et urinaires de béryllium. De plus, aucune corrélation entre la sévérité de la bérylliose chronique et les concentrations urinaires de béryllium n’a été montrée.
Le dosage du béryllium sanguin a pu être proposé, mais peu de données sont disponibles.
Le test de transformation lymphocytaire (ou test de prolifération lymphocytaire) réalisé à partir d'un prélèvement sanguin est un apport essentiel dans le diagnostic de la sensibilisation au béryllium. L’interprétation de ce test au niveau individuel étant délicate (possibilité de faux positifs et négatifs, variabilités intra et inter-laboratoires), il est nécessaire que ce test soit intégré dans un faisceau d‘investigations cliniques et biologiques complémentaires.
Le dosage de béryllium dans le condensat d'air exhalé a été proposé comme marqueur d'exposition mais les données sont encore peu nombreuses.
Des valeurs biologiques d’interprétation en population professionnellement exposée ont été établies pour le béryllium urinaire (Voir Recommandations § II).
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Mode d'actions [15]
Les mécanismes d’action du béryllium sont de deux natures :
- effet cytotoxique qui peut se traduire par une inhibition de certaines enzymes (phosphatases alcalines, adénosinetriphosphatase, hyaluronidases DNAet RNA polymérases ou certaines formes de cytochrome P450), par une toxicité directe sur les macrophages (entrainant la libération d’enzymes lysosomiaux), par des liaisons avec les acides nucléiques ou par l’induction de la production de facteur de nécrose tumorale (TNF alpha) et de molécules pro-inflammatoires (interleukines ou interféron) ;
- effet immunologique, le béryllium pouvant se lier à une protéine et jouant le rôle d’haptène. Ces complexes protéine-béryllium sont mis en évidence par une forte positivité du test de transformation lymphoblastique et, à un degré moindre, de celui détectant l’inhibition de la migration des macrophages. La pathologie chronique semble donc reposer sur un mécanisme d’hypersensibilité à médiation cellulaire de type IV. Les personnes atteintes de bérylliose sont porteuses de façon plus fréquente que les témoins d’un marqueur génétique, HLA-DPβ1 Glu69.
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Toxicité expérimentale [5, 15]
Toxicité expérimentale
Par inhalation, la cible du béryllium est le système respiratoire où il provoque une pneumonie chimique parfois sévère. Par voie orale, seule une irritation du tractus gastro-intestinal est observée. Au niveau cutané, le béryllium et l’oxyde de béryllium ne sont pas irritants ; par contre, au niveau oculaire, ils induisent respectivement, une irritation légère à modérée, réversible. Les composés solubles du béryllium sont des sensibilisants cutanés. A la suite d’expositions répétées par inhalation au béryllium et ses composés minéraux, la principale cible est le système respiratoire. Par voie orale, seuls des effets osseux ont été rapportés pour le carbonate de béryllium.
Les composés solubles du béryllium sont génotoxiques in vitro ; des effets positifs ont également été obtenus in vivo avec le chlorure de béryllium. Le béryllium et ses composés minéraux (oxyde, hydroxyde, sulfate et phosphate) sont cancérogènes chez l’animal par inhalation ou instillation intratrachéale, mais pas par voie orale. Ils induisent une augmentation de l’incidence de tumeurs pulmonaires et d’ostéosarcomes. Le béryllium et ses composés sont classés cancérogènes catégorie 1B au niveau de l’Union européenne ; le CIRC les a classés cancérogènes pour l’homme (classe 1).
L’oxyde et le sulfate de béryllium n’ont pas d’effet sur la fertilité des rats. Par contre, à la suite d’une exposition au chlorure de béryllium, par gavage, des spermatozoïdes anormaux sont observés chez la souris. Concernant les effets sur le développement, de fortes doses d’oxyde ou de chlorure de béryllium sont embryotoxiques, fœtotoxiques et tératogènes suite à une exposition par instillation intratrachéale des femelles gestantes (augmentation de la létalité, baisse de poids fœtal, anomalies internes et retard de développement neurologique).
Les carbonate et phosphate de béryllium cités dans la partie "Toxicité expérimentale" n'ont pas été décrits dans la partie "Propriétés physiques" de cette fiche toxicologique.
Toxicité aiguë
Les CL 50/DL 50 de certains composés du béryllium sont données dans le tableau I.
Voie d’exposition
Espèce
Composé du béryllium
DL50/CL50
Inhalation
rat
Sulfate
0,15 mg/m3/4 h
Phosphate
0,86 mg/m3/4 h
cobaye
Phosphate
4,02 mg/m3/4 h
Orale
rat
Fluorure
18,8 mg/kg
Sulfate
120 mg/kg
Chlorure
200 mg/kg
Métal
> 2000 mg/kg
Oxyde
> 2000 mg/kg
souris
Chlorure
18 – 20 mg/kg
Sulfate
140 mg/kg
Tableau I. CL 50/DL 50 de certains composés du béryllium [5, 15].
La plus grande toxicité des composés fluorés du béryllium serait due à la présence de l’ion fluor ; les différences de toxicité entre les autres composés seraient dues à des différences de solubilité et de taille des particules.
La cible principale, après une exposition de l’animal par inhalation, est le système respiratoire (développement d’une pneumonie chimique aiguë sévère avec inflammation et épaississement de la paroi alvéolaire, fibrose et hyperplasie épithéliale) ; un effet compensatoire cardio-vasculaire a été montré chez le chien et le singe (augmentation de la taille du cœur, baisse de la tension artérielle). La pneumonie est accompagnée d’une perte de poids et de modifications immunologiques (augmentation des lymphocytes dans le liquide broncho-alvéolaire, hyperplasie lymphoïde modérée des ganglions trachéobronchiques par activation des cellules B et T), typiques d’une hypersensibilité retardée. À des concentrations létales, on observe des modifications prolifératives du foie, des reins et de la rate. A la suite d’une exposition de 50 min à 800 mg/m3 de béryllium, 27 % des rats mâles meurent dans les 15 jours suivant l’exposition [42].
Suite à l’inhalation d’une dose unique de 800 ou 1030 mg/ m3 de béryllium, des atteintes respiratoires retardées (pneumonie granulomateuse, fibrose, infiltration lymphocytaire et/ou prolifération de l’épithélium alvéolaire) apparaissent chez les rats et les souris exposés, entre quelques jours et un an après l’exposition[7].
Par voie orale à forte concentration, les composés du béryllium induisent uniquement une irritation gastro- intestinale.
Aucune donnée par voie cutanée n’est disponible mais compte tenu de l’absence d’effet par voie orale et de l’absorption cutanée négligeable, la toxicité aiguë cutanée est improbable [7].
Irritation, sensibilisation[5, 43]
L’application de béryllium en poudre, sur de la peau de lapin, sous pansement semi-occlusif pendant 4 heures, est sans effet : aucun érythème ou œdème n’est observé [5]. Au niveau oculaire, un léger œdème de la conjonctive apparait une heure après l’instillation de 0,1 g de béryllium en poudre dans l’œil de lapin, ainsi qu’une légère rougeur, ces effets ayant totalement disparu une semaine après l’exposition [5].
Concernant l’oxyde de béryllium, des tests in vitro ont été réalisés sur de la peau humaine reconstituée (EpiSkin©) et de la cornée de bovin (test BCOP). Au niveau cutané, l’oxyde de béryllium n’est pas irritant ; au niveau oculaire, une opacité de la cornée est observée, traduisant un potentiel irritant modéré [5].
L’administration intradermique de composés solubles du béryllium au cobaye engendre une réaction d’hypersensibilité retardée lors du dépôt cutané ultérieur de ces mêmes composés [44]; l’implantation sous-cutanée induit chez le porc l’apparition de granulomes.
Aucun potentiel sensibilisant n’est observé avec le béryllium métallique ou l’oxyde de béryllium (GPMT) [5].
Toxicité subchronique, chronique
Des rats exposés pendant 40 jours à 3,6 mg/m3 d’oxyde de béryllium présentent, au niveau pulmonaire, des pneumonites, des lésions granulomateuses, une fibrose et une hyperplasie [4]. Des effets hématologiques sont par ailleurs observés chez le lapin, à la suite d’une exposition à 307 mg/m3 d’oxyde de béryllium pendant 60 jours (anémie macrocytaire et diminution du nombre de globules rouges) [4].
Des rats exposés pendant 72 semaines à 0,034 mg/m3 de béryllium sous forme de sulfate de béryllium présentent une inflammation des poumons, un emphysème, un épaississement des parois des artérioles, des granulomes ou une fibrose [45]. Des signes d’inflammation et de fibrose pulmonaires sont aussi rapportés chez des rats exposés à 0,0547 mg/m3 Be sous forme de sulfate, pendant 6 à 18 mois[45].
Par voie orale, le béryllium induit, en se fixant au phosphate gastro-intestinal, une carence en phosphate au niveau osseux et une ostéoporose chez le rat (35 - 840 mg béryllium/kg/jour sous forme de carbonate de béryllium pendant 28 jours). La fragilité osseuse augmente avec la concentration en béryllium. Aucun effet toxique n’est mentionné chez le rat, à la suite de l’administration de sulfate de béryllium dans la nourriture (0-0,36-3,6 ou 37 mg/kg pc/j pour les mâles, 0-0,42-4,3 ou 43 mg/kg pc/j pour les femelles, pendant 104 semaines) [10].
Effets génotoxiques [15]
In vitro, les résultats sont variables selon les composés et selon les souches utilisées :
- résultats généralement négatifs en mutation génique sur micro-organismes (sulfate, nitrate, chlorure et oxyde de béryllium), avec ou sans activation métabolique ; un résultat douteux sur E. Coli avec le chlorure de béryllium ;
- résultats positifs d’essais de recombinaisons bactériennes pour le sulfate et le nitrate de béryllium, négatifs avec le chlorure de béryllium ;
- résultats positifs de tests de mutations géniques, aberrations chromosomiques ou échanges entre chromatides sœurs sur cellules de mammifères (sulfate, nitrate et chlorure de béryllium).
- cassures simple brin de l’ADN avec l’oxyde et des transformations cellulaires avec le sulfate et l’oxyde de béryllium.
In vivo, le sulfate de béryllium administré par gavage (1,4 ou 2,3 g/kg) n’induit pas la formation de micronoyau dans la moelle osseuse de la souris, malgré une toxicité évidente au niveau de la moelle osseuse après 24 heures[46].
Le chlorure de béryllium induit une augmentation dose-dépendante des aberrations chromosomiques dans les érythrocytes ou les spermatocytes de souris (93,75-187,5-375 et 750 mg/kg pc pendant 3 semaines) [47]. Il est aussi à l’origine d’une augmentation du nombre de cassures de brin d’ADN dans les cellules de la moelle osseuse de souris, exposées pendant 7 jours à 11,5 mg/kg pc/j, par gavage[48].
Effets cancérogènes [3]
Par inhalation, le béryllium métal et le sulfate de béryllium induisent une augmentation significative de l’incidence des adénocarcinomes pulmonaires. A la suite d’une exposition unique sous forme métallique (500 mg/m3 pendant 8 minutes, correspondant à une charge pulmonaire de 40 µg de Be), 64 % des rats exposés développent ce type de tumeurs, 14 mois après l’exposition[49]. De même, à la suite d’une exposition à 34,25 µg Be/m3 sous forme de sulfate de béryllium (7 h/j, 5 j/sem, pendant 72 semaines), la totalité des rats exposés présentent des adénocarcinomes alvéolaires au bout de 13 mois ; les premières tumeurs apparaissent dès le 9ème mois d’exposition [50].
Par voie intratrachéale, une augmentation significative de l’incidence des adénomes et des adénocarcinomes pulmonaires est rapportée chez des rats exposés soit à une dose de 1 mg d’oxyde de béryllium par semaine pendant 15 semaines ([54] cité dans [3]), soit à une dose unique de béryllium métal (0,5 ou 2,5 mg Be) ou deux doses d’hydroxyde de béryllium (50 µg suivis de 25 µg 10 mois après) [51].
Par voie intraveineuse chez le lapin, une augmentation de l’incidence des ostéosarcomes est observée à la suite d’expositions uniques au béryllium métal (40 mg,[52]), à l’oxyde béryllium (1 g) ou au phosphate de béryllium (1 g) ; des injections répétées d’oxyde de béryllium (1 g, réparti en 20 injections ou 20 à 26 injections de 360 à 700 mg Be chacune) entrainent aussi l’apparition d’ostéosarcomes dans les mois suivants la première injection[53].
Le béryllium n’est pas cancérogène par voie orale.
Fertilité
L’oxyde de béryllium, injecté par voie intratrachéale (dose unique de 200 µg Be), ne modifie pas la fertilité du rat. Administré par voie orale chez le chien pendant 172 semaines, le sulfate de béryllium (nourriture, 0,023-0,12 ou 1,1 mg Be/kg pc/j pour les mâles, 0,029-0,15 ou 1,3 mg Be/kg pc/j pour les femelles) n’a aucun effet sur le nombre de gestations, le nombre de nouveau-nés par portée ou leur poids[10]. Chez le rat, le sulfate de béryllium (nourriture, 0,3 et 2,8 mg Be/kg pc/j) diminue le poids relatif des testicules sans effet histologique ; aucun effet n’a été montré chez les femelles.
A la suite de l’administration de 0-93,75-187,50 ou 375 mg/kg de chlorure de béryllium, par gavage, pendant 5 jours, une augmentation significative dose-dépendante du pourcentage de spermatozoïdes anormaux est observée chez les souris exposées, dès la 2ème dose testée [47].
Développement [10]
Au cours d'une étude réalisée chez le rat, après exposition de femelles non gestantes à une dose unique de 50 mg Be/kg sous forme de chlorure ou d’oxyde de béryllium, injectée par voie intratrachéale au 3,5ème, 4ème, 8ème ou 20ème jour de gestation, une diminution de la fécondité et un allongement du cycle œstral sont observés. Des effets embryotoxiques et tératogènes sont rapportés, plus sévères chez les femelles exposées précocement, dans les 1ers jours de gestation : augmentation des pertes préimplantatoires, diminution du nombre d'embryons viables, diminution du poids fœtal, présence de pétéchies et d'anasarques.
Dans cette étude, le développement post natal est également perturbé par une forte mortalité vers le troisième mois et des anomalies du développement neurocomportemental (jugées à partir d’une batterie de tests). Les résultats de cette étude doivent être pris avec précaution car les doses administrées sont très élevées et proches de doses mortelles pour les femelles[15].
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Toxicité sur l’Homme
L’exposition aigüe à de fortes concentrations de béryllium et ses composés minéraux (sels et oxyde) par inhalation peut être responsable d’une atteinte des voies respiratoires parfois très sévère. Des dermites irritatives et allergiques sont susceptibles d’être observées. Une exposition répétée ou prolongée au béryllium peut entrainer une pneumopathie de mécanisme essentiellement immunoallergique, la bérylliose. Le béryllium peut provoquer des cancers pulmonaires. Il n’existe pas de donnée permettant d’évaluer d’éventuels effets mutagènes ou toxiques pour la reproduction.
Toxicité aiguë [12, 15, 55-59]
L’inhalation accidentelle d’aérosols solides ou liquides peut entrainer des troubles respiratoires, secondaires à une irritation et à une inflammation des tissus dont la gravité varie en fonction de l’exposition (conditions, intensité…) et du composé en cause (granulométrie, solubilité, réactivité …). Le béryllium métal est moins irritant que ses sels ou son oxyde.
Les atteintes aigües pulmonaires, peuvent survenir lors d’une exposition brève, mais nécessitent des niveaux d’exposition élevés (le plus souvent >100 µg/m3). Les manifestations cliniques observées peuvent aller de formes légères apparaissant en quelques semaines associant toux et sibilants sans signe radiologique jusqu’à des formes très sévères d’apparition rapide lors d’exposition massive avec dyspnée, douleur thoracique, cyanose des extrémités traduisant une pneumonie chimique de pronostic redoutable. La radiographie thoracique peut objectiver des infiltrats diffus ou localisés, généralement bilatéraux. L'évolution dans les formes légères est généralement favorable en quelques mois mais une complication à type de granulomatose pulmonaire est possible, dans un délai souvent long (plusieurs années).
Des cas de dermatites de contact allergiques sont décrits chez des salariés exposés aux sulfate, fluorure et/ou chlorure de béryllium. Des dermatites de contact d’irritation avec apparition secondaire de granulomes et des brulures chimiques ont également été rapportées lors d’expositions professionnelles au béryllium.[60]
Toxicité chronique [15, 43, 57, 58, 61, 62, 70]
Bérylliose pulmonaire chronique (BPC) :
L'exposition répétée au béryllium et ses composés minéraux peut entrainer la survenue d’une granulomatose multi-systémique à tropisme pulmonaire prédominant, la bérylliose pulmonaire chronique (BPC). L'oxyde de béryllium, moins soluble que les sels, est plus fréquemment en cause. Le délai d’apparition des symptômes depuis le début de l’exposition (qui peut avoir cessé depuis) peut varier de quelques mois à plus de 20 ans. La BPC est toujours précédée par une sensibilisation au béryllium, elle peut se développer pour des expositions faibles (inférieures à 2 µg/m3).
La survenue d’une bérylliose peut s’accompagner de signes cliniques peu spécifiques dont la fréquence est variable : toux, dyspnée d’effort puis de repos, accompagnés à un stade plus évolué d’un amaigrissement, d’une fièvre, d’arthralgies, voire de crépitants à l’auscultation. Les formes pauci- ou asymptomatiques sont fréquentes et le diagnostic est d’autant plus difficile que l’exposition au béryllium peut être méconnue. Une atteinte multisystémique est possible (hépatomégalie, splénomégalie, lithiase rénale...). De gravité variable, la bérylliose peut se stabiliser ou progresser même après l’arrêt de l’exposition vers une fibrose pulmonaire et une insuffisance respiratoire chronique.
La tomodensitométrie thoracique permet un diagnostic plus précoce que la radiographie pulmonaire ; elle peut révéler des images de nodules parenchymateux souvent regroupés autour des bronches, au sein des septas interlobulaires ou dans la région sous-pleurale ; à un stade plus évolué, peuvent également être observées des images de fibrose pulmonaire des lobes supérieurs ou une fibrose interstitielle diffuse et/ou des adénopathies hilaires bilatérales.
Des anomalies aux épreuves fonctionnelles respiratoires (EFR) à type de syndromes restrictif, obstructif ou mixte peuvent précéder les signes cliniques ou radiologiques. Le signe le plus précoce est une diminution de la diffusion de l'oxyde de carbone (DLCO).
La réalisation d’une biopsie transbronchique peut révéler un granulome épithélio-giganto-cellulaire non caséeux, entouré de cellules mononucléées, riche en lymphocytes et fibroblastes.
Le test de transformation lymphocytaire (TTL) ou test de prolifération des lymphocytes sanguin en présence de béryllium (BeLPT) reste négatif en cas de sarcoïdose et rend possible le diagnostic de bérylliose à un stade infra clinique, voire même à un stade de « sensibilisation » au béryllium.
Le diagnostic de BPC repose idéalement sur la notion d’une exposition au béryllium, la positivité de 2 tests BeLPT sanguins et/ou d’un test BeLPT sur le liquide de lavage broncho alvéolaire (LBA), une granulomatose retrouvée à l’histologie (biopsies pulmonaires) et d’anomalies cliniques, radiologiques et/ou fonctionnelles respiratoires.
Sensibilisation :
Deux à 19 % des salariés exposés au béryllium (en fonction des auteurs) peuvent devenir sensibilisés au béryllium, et ce dans un délai variable de quelques mois à plusieurs années. La sensibilisation au béryllium est un phénomène de sensibilité de type retardé
eimpliquant les lymphocytes.La sensibilisation au béryllium est confirmée par le test de prolifération lymphocytaire (BeLPT) sanguin. Le diagnostic de sensibilisation est basé sur 2 résultats de BeLPT positifs sur le sang ou 1 BeLPT positif sur le LBA, en l’absence de signe clinique, radiologique ou fonctionnel respiratoire. Si le résultat est limite ou douteux, le BeLPT sanguin est réitéré avec envoi dans 2 laboratoires différents. Il est admis aussi qu’un BeLPT sanguin positif associé à un BeLPT sanguin limite confirme le diagnostic de sensibilisation au béryllium. Le BeLPT sanguin reste l’examen de référence pour dépister une sensibilisation au béryllium.
Seule une partie des sujets sensibilisés au béryllium développera une BPC ; la fréquence de survenue de cette maladie chez les sujets sensibilisés (de l’ordre de 30 à 80% en fonction des études) et la gravité de celle-ci justifie le fait que les sujets sensibilisés soient considérés comme à risque.
Chez les individus sensibilisés, l’arrêt de l’exposition au béryllium permet de prévenir ou de retarder l’évolution vers la BPC.
La concentration atmosphérique à partir de laquelle des cas de sensibilisation apparaissent est difficile à préciser mais le pourcentage de sujets sensibilisés au béryllium est faible pour des expositions de l'ordre de 0,05 μg/m3. L ‘ANSES précise que la valeur de 0,01 µg/m3 (VLEP-8h) devrait permettre de protéger de l’effet sensibilisant du béryllium et ses composés.
Certains auteurs ont indiqué que le risque de BPC était accru chez les sujets porteurs du gène HLA-DPβ1 Glu69 témoignant d’une susceptibilité génétique.
Effets génotoxiques
Aucune donnée n’est disponible chez l’homme pour les effets génotoxiques à la date de publication de cette fiche toxicologique.
Effets cancérogènes [3, 12, 43]
De nombreuses études épidémiologiques ont montré une augmentation du risque de survenue de cancers du poumon chez des salariés de la production et du raffinage de béryllium. Cette augmentation est particulièrement significative chez les travailleurs exposés dans les années 1950, alors que les concentrations atmosphériques de béryllium étaient élevées (souvent >1000 µg/m3).
En 2008, Schubauer-Berigan et Deddens [63] ont ré-analysé des données précédemment critiquées (Sanderson cité dans[3]). L’augmentation du risque de cancer pulmonaire n’était plus associée à l’exposition cumulée au béryllium après ajustement sur l’année de naissance ou l’âge à l’embauche, mais une association significative persistait avec l’intensité de l’exposition dans les deux quartiles intermédiaires (9,6-23,6 µg/m3 et 23,7-32,8 µg/m3) [63].
Dans une étude publiée en 2011, une relation dose effet pour le cancer broncho-pulmonaire est montrée avec un risque relatif (RR) de 2,41 (IC95%, 1,06 – 5,82) pour une exposition moyenne entre 2 et 8 μg/m3 de Be par jour et un RR dépassant 5 à partir de 8 μg/m3 par jour; et un RR de 1,53 à partir d’une exposition moyenne annuelle maximale 4,1 µg/m3 [64].
Une augmentation du risque de cancer du poumon (taux standardisé de mortalité SMR 1,17; IC 95%: 1,08-1,28) a été observée dans une étude de mortalité réalisée sur 9199 travailleurs de sept usines de production entre 1940 et 2005. Une association significative entre l'exposition annuelle maximale (à partir de 10 μg/m3) et cumulative (à partir de 10300 µg/m3/j) au béryllium et le cancer du poumon a également été montrée [65].
L'interprétation des résultats des études épidémiologiques sur la cancérogénicité du béryllium a été discutée par plusieurs auteurs notamment en raison de l’existence de facteurs de confusion tels que le tabagisme, la répartition par âge des sujets contrôles et exposés ou les coexpositions. En outre, selon certains auteurs, le manque de relation entre cancer du poumon et durée de l'exposition et/ou exposition cumulée semble indiquer que l’association entre l'exposition professionnelle au béryllium et le risque de cancer n’est pas très claire.
Le béryllium a été classé cancérogène catégorie 1B par le règlement CLP. L’ensemble des données existantes a également conduit le CIRC à classer le béryllium et ses composés dans les substances cancérogènes pour l’homme (groupe 1).
Effets sur la reproduction
Aucune donnée n’est disponible chez l’homme pour les effets sur la reproduction à la date de publication de cette fiche toxicologique.
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Interférences métaboliques
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Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal