Pathologie - Toxicologie
Cette fiche concerne le fluor : pour connaitre les effets liés aux ions fluorures, se référer à la fiche toxicologique 191.
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Toxicocinétique - Métabolisme [9, 10]
Du fait de sa réactivité importante, le fluor est rapidement converti en ions fluorures au contact des muqueuses. Ces ions sont stockés dans les os et les dents, avant d’être excrétés dans les urines.
Chez l'animal
Absorption
Même si aucune donnée quantitative n’est disponible, les effets systémiques observés suite à des expositions aiguës et subchroniques traduisent son absorption. Au contact des muqueuses respiratoires, il y a formation de fluorure d’hydrogène et passage dans l’organisme sous forme d’ions fluorures.
Distribution
Les ions fluorures sont rapidement distribués et stockés dans les os et les dents, où ils se substituent aux groupements hydroxyles de l’hydroxyapatite, principal constituant minéral. Des niveaux élevés de fluorures ont été mesurés dans les dents et les os de rats exposés à 39 ppm de fluor (5 h/j, 6 j/sem pendant 21 jours) [11].
Excrétion
Les ions fluorures sont rapidement éliminés dans les urines : chez le chien et le lapin, leur niveau urinaire augmente suite à une exposition par voie inhalatoire de 1,2 ppm (5-6 h/j, 6 j/sem, pendant 35 jours) [11].
Surveillance Biologique de l'exposition
Le dosage des fluorures urinaires peut être utile pour la surveillance biologique des travailleurs exposés au fluor. Le prélèvement fait avant le poste en début de semaine (au mieux après 2 jours sans exposition) est le témoin de la charge corporelle et de l'exposition à long terme ; il est très influencé par l'exposition environnementale. Le prélèvement en fin de poste reflète l’exposition plus récente, notamment celle du poste qui a précédé.
Il existe des valeurs biologiques d’interprétation (VBI) issues de la population générale, ainsi que des VBI professionnelles, basés sur une relation avec des effets sanitaires (fluorose), proposées par plusieurs organismes [34].
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Mode d'actions
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Toxicité expérimentale
Toxicité aiguë [11-13]
Le fluor présente une toxicité aiguë élevée : les principaux organes cibles sont les poumons, le foie et les reins. Le fluor est corrosif pour la peau, les muqueuses et les yeux.
Les CL50 déterminées sur plusieurs espèces animales (rat, souris, lapin, cochon d’Inde) sont du même ordre de grandeur : 700 ppm pour 5 minutes d’exposition, 390 ppm pour 15 minutes, 270 ppm pour 30 minutes et 185 ppm pour 1 heure.
Immédiatement après une exposition au niveau de la CL50, les signes constatés sont essentiellement des phénomènes d’irritation des yeux et des muqueuses des voies aériennes ; quelques heures après, les animaux présentent une faiblesse générale et une dyspnée et sont léthargiques. Les morts surviennent 12 à 18 heures après l’exposition mais ne se produisent plus après 48 heures. Elles sont en général consécutives à un œdème pulmonaire.
Une exposition à une dose équivalant à 50 % de la CL50 provoque des signes importants d’irritation respiratoire pour une durée d’expérimentation allant jusqu’à 1 heure. Les signes sont plus modérés pour 25 % de la CL50 et n’apparaissent plus aux concentrations inférieures.
Les examens des organes révèlent essentiellement des lésions pulmonaires hémorragiques d’apparition rapide et des anomalies hémorragiques ou nécrotiques du foie et des reins se manifestant 7 à 14 jours après l’exposition [11].
Une exposition à 100 ppm pendant 15 minutes ou 45 ppm pendant 1 heure ne provoque pas de lésion ou d’anomalie apparente.
Irritation, sensibilisation
Le fluor est corrosif pour la peau et les yeux.
L’application brève (0,2 à 0,6 s) d’un jet de fluor sous pression sur la peau du lapin entraîne une lésion ischémique superficielle guérissant facilement. Si l’on prolonge la durée d’exposition, il se produit une inflammation du gaz qui provoque des brûlures thermiques analogues aux lésions par chalumeau oxy-acétylénique.
Au niveau oculaire, une irritation marquée est rapportée chez des rats exposés à 500 ppm pendant 5 minutes, 195 ppm pendant 15 minutes ou 140 ppm pendant 30 minutes [14].
Toxicité subchronique, chronique [11]
Les effets chroniques du fluor, très peu documentés, sont principalement respiratoires et leur sévérité varie selon les espèces.
Les études subchroniques menées chez des rongeurs ont mis en évidence des différences de sensibilité concernant les atteintes respiratoires. Ainsi, suite à une exposition à 2 ppm de fluor (6 h/j, 6 j/sem pendant 5 semaines), aucun effet n’est observé chez le rat ; les chiens présentaient des hémorragies et des œdèmes pulmonaires alors que les lapins ne développaient qu’une inflammation modérée des bronches. Chez le rat, les effets respiratoires (irritation pulmonaire sévère) n’apparaissent qu’à partir de 18 ppm. A cette dose, une légère fluorose dentaire apparait aussi.
Effets génotoxiques
Aucune donnée n’est disponible chez l’animal à la date de publication de cette fiche toxicologique, concernant le fluor.
Effets cancérogènes
Aucune donnée n’est disponible chez l’animal à la date de publication de cette fiche toxicologique, concernant le fluor.
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Toxicité sur l’Homme
Le fluor est un gaz extrêmement irritant, voire corrosif, pour les muqueuses respiratoire et oculaire et pour la peau. L’inhalation accidentelle peut conduire au développement, parfois retardé, d’un œdème pulmonaire lésionnel potentiellement mortel. Aucune donnée de qualité n’est disponible chez l’Homme pour les effets à long terme, notamment sur d’éventuels effets génotoxiques, cancérogènes, ou toxiques pour la reproduction.
Toxicité aiguë [15-17]
Le fluor est à l’origine d’une irritation, voire d’une corrosion, des muqueuses respiratoire et oculaire, ainsi que de la peau, dont la sévérité est fonction de la concentration du gaz et de la durée de l’exposition.
L’exposition à des doses élevées peut entrainer un œdème aigu du poumon lésionnel d’installation souvent retardée.
Chez des volontaires sains, l’exposition de quelques minutes à 10 ppm a été bien tolérée, l’irritation oculaire se manifestant dès 15 - 25 ppm et l’irritation respiratoire dès 15 - 50 ppm, selon les études [13]. À des concentrations plus importantes (67 - 100 ppm), les symptômes étaient considérés très inconfortables après quelques secondes seulement [14]. L’exposition intermittente à 10 ppm pendant 2 à 3 heures a entrainé une légère irritation cutanée et oculaire [14].
Sur la peau, le fluor sous la forme de gaz liquéfié, peut provoquer de graves brûlures, ainsi que des gelures.
La projection du gaz sur l’œil est susceptible d’entrainer des lésions très importantes [18].
L’ingestion de petites quantités de fluorure d’hydrogène secondaire à l’hydrolyse du gaz fluor au contact de la salive peut entrainer une irritation des muqueuses digestives [2].
Même si aucun cas d’intoxication systémique n’est documenté après une exposition aiguë au fluor, il faut considérer la possibilité d’effets toxiques en rapport avec le fluorure d’hydrogène issu de l’hydrolyse du gaz fluor en milieu humide (notamment au niveau des muqueuses digestives et respiratoires) et de l’absorption d’ions fluor (risque d’hypocalcémie et d’hypomagnésémie).
Toxicité chronique
Les principaux effets attendus d’une exposition chronique au fluor gazeux sont des troubles respiratoires liés à l’irritation chronique des voies aériennes, mais peu de données sont disponibles.
Une étude réalisée dans une usine de production d’hexafluorure d’uranium chez 61 salariés exposés de façon intermittente au fluor entre 1952 et 1959 (exposition moyenne annuelle de 0,3 à 1,4 ppm avec des pics de 3,8 à 24,7 ppm) a montré que le nombre de visites médicales et le taux d’absence, toutes causes ou dues à des plaintes respiratoires, n’étaient pas supérieurs à ceux des témoins non exposés [19]. Néanmoins, le manque de données d’exposition fiables (l’odeur était utilisée pour distinguer le F2 du HF), l’exposition des deux groupes à plusieurs fluorures, le choix des critères de jugement assez imprécis, avec prise en compte des causes non professionnelles, la méthode d’échantillonnage et l’absence d’analyses statistiques doivent conduire à considérer cette étude avec précaution.
Une étude réalisée dans une usine d’émail chez 75 salariés exposés au fluor entre 1995 et 2001 (concentrations atmosphériques comprises entre 0,06 à 2,3 ppm ; chacun apparié à un témoin non exposé) a cherché à évaluer leur fonction respiratoire et plaintes associées [20]. Des signes et symptômes d’irritation étaient présents, principalement respiratoires, et dans une moindre mesure oculaires et cutanés. Les incidences de bronchite et rhinite chroniques étaient statistiquement significativement plus importantes chez les travailleurs exposés et directement proportionnelles à la concentration atmosphérique de fluor. La consommation de tabac était similaire dans les deux groupes. Des cas de fluorose squelettique et, plus rarement, dentaire ont par ailleurs été constatés.
Effets génotoxiques
Aucune étude de génotoxicité chez des travailleurs exposés au gaz fluor n’a été identifiée à la date de publication de cette fiche.
Effets cancérogènes
Aucune étude évaluant les potentiels effets cancérogènes du gaz fluor chez des travailleurs exposés n’a été identifiée à la date de publication de cette fiche.
Effets sur la reproduction
Aucune étude évaluant les potentiels effets sur la reproduction du gaz fluor chez des travailleurs exposés n’a été identifiée à la date de publication de cette fiche.
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Interférences métaboliques
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Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal