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Acrylate d'éthyle

Fiche toxicologique n° 185

Sommaire de la fiche

Édition : Janvier 2018

Pathologie - Toxicologie

  • Toxicocinétique - Métabolisme [7]

    L’acrylate d’éthyle est bien absorbé par voies orale et inhalatoire et moins par voie cutanée. Il est transformé par hydrolyse en CO2 puis expiré, ou par conjugaison avec le glutathion et éliminé dans l’urine.

    Chez l'animal
    Absorption

    L’absorption de l’acrylate d’éthyle est rapide et importante par voie gastro-intestinale et respiratoire. Plus de 90 % d’une dose orale (100 - 200 - 400 mg/kg) de 14C]-acrylate d’éthyle sont absorbés par le rat en 4 heures ; les molé­cules radiomarquées restent en quantité négligeable dans l’estomac après 24 heures.

    Après exposition par inhalation (nez seul), l’absorption atteint un plateau en 10 à 20 minutes ; environ 60 % de la dose sont absorbés en 2 heures d’exposition.

    L’absorption par voie cutanée est significativement plus faible que par voie orale ou inhalatoire. Deux hypothèses sont proposées : soit l’acrylate d’éthyle est métabolisé dans la peau et donc localement distribué, soit il s’évapore rapidement sur la peau (95 % d’évaporation sur la peau in vitro).

    Distribution

    Chez le rat, après exposition par voie orale à de l’acrylate d’éthyle radiomarqué, les plus fortes concentrations sont retrouvées dans le pré-estomac, l’estomac glandulaire, l’in­testin, le foie et les reins. La majorité des molécules radio­marquées est éliminée en 24 heures, bien que certaines molécules restent dans l’estomac, liées aux protéines.

    Métabolisme

    Métabolisme et élimination

    L’acrylate d’éthyle est transformé par deux voies métabo­liques : une hydrolyse (voie majeure) et une conjugaison avec le glutathion (voir Fig. 1).

    L’hydrolyse est rapide, la demi-vie de l’acrylate d’éthyle est de 0,23 seconde dans l’épithélium nasal et 0,24 minute dans les poumons. Environ 50 % de la concentration absorbée par le tractus respiratoire seront hydrolysés par les carboxylestérases avant de gagner la circulation géné­rale. La conjugaison avec le glutathion se produit soit spontanément, soit par l’intermédiaire de l’enzyme gluta­thion transférase. C’est une voie de détoxication : la léta­lité augmente si une baisse en groupements sulfhydryles non-protéiques est induite. La distribution généralisée dans tout l’organisme des carboxylestérases, du gluta­thion et de ses transférases ainsi que des groupements sulfhydryles non protéiques limite la pénétration de l’acrylate d’éthyle dans la circulation systémique et vers les organes internes. Les deux acides mercapturiques for­més (environ 11 % de la dose) sont éliminés dans l’urine.

    Schéma métabolique

  • Mode d'actions
  • Toxicité expérimentale
    Toxicité aiguë [7]

    L’acrylate d’éthyle est faiblement toxique par voies orale et cutanée, et modérément toxique par inhalation ; on observe des effets irritants locaux et corrosifs. C’est un sen­sibilisant cutané.

    Voie

    Espèce

    DL50/CL50

    Inhalatoire

    Rat

    1414-2180 ppm/4 h

    Inhalatoire

    Souris

    4000 ppm

    (durée non renseignée)

    Orale

    Rat

    550-2000 mg/kg

    Orale

    Souris

    1300-1800 mg/kg

    Orale

    Lapin

    370-1800 mg/kg

    Cutanée

    Rat-Souris

    200-5000 mg/kg occlusif

    > 5000 mg/kg non occlusif

    Cutanée

    Lapin

    1800-2000 mg/kg non occlusif

    Tableau I. Toxicité aiguë de l'acrylate d'éthyle [7, 8]

    Symptômes

    L’action principale de l’acrylate d’éthyle, quelle que soit la voie, est une irritation locale:

    • une exposition par voie orale provoque, chez le rat, irri­tation gastrique sévère, prostration et narcose, et chez le lapin, léthargie, tremblements, difficulté respiratoire et cyanose. Tous les animaux meurent dans les 12 heures qui suivent l’administration d’une dose létale ;
    • une exposition par inhalation engendre, chez le rat, irritation du tractus respiratoire évoluant en dyspnée, irri­tation oculaire et cutanée, hypoactivité, ataxie, tremble­ments, diminution des réflexes, baisse de la fréquence respiratoire, convulsions, sédation et mort suite à une anoxie. À l’autopsie, on observe hyperémie et hémorragie des poumons ;
    • une exposition par voie cutanée induit, chez le lapin, rougeurs locales, œdème, nécrose et inflammation de la peau. À l’autopsie, le cœur, le foie et les reins présentent une hyperémie et une dégénérescence tissulaire, les pou­mons une hyperémie et un œdème. Le rat et la souris traités sans occlusion ne présentent aucun signe de toxi­cité ; après traitement occlusif, les symptômes associent baisse d’activité, érythème, œdème, blanchiment de la peau et escarres.

    Irritation — Sensibilisation

    L’acrylate d’éthyle est irritant, même à faible dose, pour la peau, les yeux, les tractus gastro-intestinal et respiratoire (la RD50 chez la souris est 315 ml/m3, soit 1,3 mg/l pen­dant 5 minutes). Les effets sont limités au site de premier contact, même à forte dose. Il est sensibilisant pour le cobaye et peut réagir de façon croisée avec les autres acry­lates, mais pas avec les méthacrylates.

    Toxicité subchronique, chronique [4]

    L’acrylate d’éthyle, en administration prolongée par voie orale, provoque des effets locaux sévères sur la muqueuse gastrique ; les animaux exposés par inhalation ne pré­sentent pas de réponse systémique, mais uniquement une irritation locale.

    Les rats exposés par gavage (0 - 2 - 10 - 20 - 50 - 100­ - 200 mg/kg/j pendant 5 ou 10 jours) développent une irri­tation gastrique de sévérité croissante avec la dose à partir de 20 mg/kg/j. Lors d’une exposition par gavage de rats et de souris pendant 14 jours, le principal effet toxique est confiné à la muqueuse du pré-estomac (inflammation, œdème, ulcération, hyperplasie, hyperkératose), quels que soient l’espèce et le sexe, à partir de 100 mg/kg/j chez le rat et de 200 mg/kg/j chez la souris ; une dose équivalente administrée dans l’eau de boisson est considérablement moins toxique. En exposition plus longue (souris 0 - 12 - 25 - 50 - 100 mg/kg/j, rats 0 - 7 - 14 - 28­ - 55 - 110 mg/kg/j pendant 103 semaines), aucun effet attri­bué au traitement n’a été mis en évidence.

    Les animaux exposés par inhalation (rats, souris et lapins, de 0 à 300 ppm, 7 h/j, 5 j/sem, 30 jours) présentent une létalité à la forte concentration, une modification des fosses nasales (inflammation, dégénérescence, nécrose focale et métaplasie squameuse chez le rat, altérations de type squameux chez la souris), une congestion pulmo­naire, des modifications des reins et du foie (congestion et tumescence) et une pigmentation excessive de la rate (rat).

    Effets génotoxiques [7, 9]

    L’acrylate d’éthyle est clastogène in vitro mais pas muta­gène ; in vivo, il est clastogène uniquement à une dose qui peut induire une létalité.

    In vitro, l’acrylate d’éthyle n’est pas mutagène pour les bactéries dans le test d’Ames ni pour les cellules de mam­mifère (cellules ovariennes de hamster chinois). Il est clas­togène pour les cellules de lymphome de souris (induction de petites colonies mutantes), les cellules ovariennes de hamster chinois, les cellules pulmonaires de hamster chi­nois et les splénocytes isolés (induction d’aberrations chromosomiques).

    In vivo, il n’induit pas de mutation létale récessive chez la drosophile ni de lésion ou d’adduits à l’ADN du pré-­estomac de rat. Chez la souris, il provoque une augmenta­tion des micronoyaux et une cytotoxicité dans la moelle osseuse à une dose égale à la DL50 (1800 mg/kg, ip) ; cet effet n’est pas observé dans quatre études à des doses allant jusqu’à 812 mg/kg, ip. Des résultats négatifs ont également été obtenus lors de la mesure des aberrations chromosomiques et des échanges entre chromatides sœurs chez la souris (125 - 250 - 500 - 1000 mg/kg, ip).

    Effets cancérogènes [7, 9, 10]

    L’acrylate d’éthyle est cancérogène pour l’animal (tumeurs du pré-estomac) uniquement par voie orale (gavage) ; cet effet serait lié à l’induction d’une forte irritation locale chronique. En 1999, le CIRC a confirmé le classement de l’acrylate d’éthyle dans le groupe 2B (cancérogène possible pour l’homme).

    L’acrylate d’éthyle, administré par voie orale aux rats et aux souris (gavage, 0 - 100 - 200 mg/kg/j) pendant 103 semaines, provoque l’apparition de tumeurs bénignes et malignes (papillomes et carcinomes à cellules squa­meuses) du pré-estomac en relation avec la dose ; aucun autre symptôme n’apparaît. Un traitement minimum de 200 mg/kg/j pendant plus de 6 mois est nécessaire pour l’apparition des tumeurs ; le gavage pendant une durée plus courte provoque une hyperkératose et une hyper­plasie du pré-estomac réversibles en quelques mois. En revanche, une exposition orale dans l’eau de boisson (rats, 0 - 6 - 60 - 2000 mg/l, 2 ans) n’induit aucune réponse tumo­rale. Dans ce cas, la dose atteignant le pré-estomac et donc l’irritation locale provoquée sont plus faibles que lors d’un gavage. Le mécanisme tumoral serait lié à une hyper­plasie prolongée suite à une lésion tissulaire locale plutôt qu’à une action génotoxique.

    Aucune tumeur n’est induite par une exposition cutanée (souris, 25 µl d’acrylate d’éthyle pur, 3 fois/sem pendant toute la durée de la vie) ou inhalatoire (rat et souris, 0 - 0,1­ - 0,31 mg/l soit 0 - 25 - 75 ppm, 6 h/j, 5 j/sem, 27 mois).

    Effets sur la reproduction [7, 10]

    L’acrylate d’éthyle n’est ni embryotoxique, ni fœtotoxique, ni tératogène à des doses non toxiques pour les mères.

    Fertilité

    Aucune donnée n’est disponible quant à l'effet de cette substance sur la fertilité à la date de publication de cette fiche toxicologique.

    Développement

    L’acrylate d’éthyle n’est pas tératogène pour le rat par inhalation de concentrations allant jusqu’à la toxicité maternelle (0 - 50 - 150 ppm, 6 h/j, du 6e au 15e jour de ges­tation) ; à concentration non toxique pour les mères, il n’est ni embryo- ni fœtotoxique. Par voie orale (rat, 0 - 25­ - 50 - 100 - 200 - 400 mg/kg/j, du 7e au 16e jour de gestation), une étude peu documentée a montré une toxicité mater­nelle et, chez les petits, un retard d’ossification, des côtes plus courtes ainsi que des anomalies du squelette sans relation avec la dose.

  • Toxicité sur l’Homme

    L’acrylate d’éthyle est un irritant des muqueuses (oculaire et respiratoire) et de la peau. Il induit des allergies cuta­nées.

    Toxicité aiguë [7]

    Les effets aigus ont été décrits dans des articles souvent anciens, la substance apparaît comme un irritant de la peau, des yeux et des muqueuses respiratoires et diges­tives. Des solutions à 1 et 5 % dans l’huile d’olive ne sont pas irritantes pour la peau humaine [11].

    Toxicité chronique

    L’inhalation prolongée de 50 à 75 ppm d’acrylate d’éthyle pourrait induire une ébriété, des céphalées et des nausées[5].

    Lors d’essais réalisés chez des volontaires, une sensibilisa­tion à l’acrylate d’éthyle survient chez 10 sujets sur 24 après exposition à une solution à 4 % dans de la vaseline. Une sensibilisation croisée avec l’acrylate d’éthylhexyle est également rapportée [7].

    Effets cancérogènes [5, 7, 9]

    Une étude rétrospective a révélé une augmentation signi­ficative des cancers du colon chez des salariés exposés à de l’acrylate d’éthyle et du méthacrylate de méthyle. L’effet est significatif pour les 3934 personnes embau­chées avant 1946, mais pas chez celles embauchées ulté­rieurement. La faiblesse des données d’exposition, les co-expositions et la non-prise en compte de tous les fac­teurs de confusion ne permettent toutefois pas de conclure à la responsabilité de la substance. Le CIRC classe la substance dans la catégorie 2B du fait de l’absence de données épidémiologiques fiables et des insuffisances des données expérimentales.

  • Interférences métaboliques
  • Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal
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