Pathologie - Toxicologie
La phosphine étant formée par hydrolyse de phosphures métalliques, en particulier phosphure de zinc et phosphure de magnésium, certaines données sur ces phosphures ont été introduites dans ce chapitre.
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Toxicocinétique - Métabolisme [3, 13]
Que ce soit chez l'animal ou chez l'Homme, la phosphine pénètre dans l’organisme par inhalation, se distribue essentiellement dans le foie, le système nerveux et le cœur, est oxydée en hypophosphite et phosphite éliminés dans les urines, ou est excrétée sous forme inchangée dans l’air expiré.
Chez l'animal
Absorption
La phosphine est bien absorbée par inhalation ; les phosphures d’aluminium ou de magnésium, déposés sur la surface humide des poumons, libèrent de la phosphine absorbable. Le phosphure de zinc, au contraire, nécessite, pour libérer la phosphine, un milieu acide qui pourrait être obtenu lors des mécanismes de clairance des particules inhalées vers le tractus gastro-intestinal (pH acide de l’estomac) [14].
Par voie orale, les phosphures métalliques (zinc ou aluminium) sont absorbés dans le tractus gastro-intestinal où, sous l’action des sucs gastriques, se produit une libération de phosphine.
L’absorption cutanée de la phosphine ou des phosphures métalliques est considérée comme négligeable.
Distribution
La phosphine se distribue dans le foie, le cœur et le système nerveux [15].
Métabolisme
Très peu d’informations sont disponibles concernant son métabolisme. Chez le rat, la phosphine non excrétée dans l’air expiré est oxydée en hypophosphite et phosphite. Cette voie oxydative est une voie lente et saturable comme le suggère l’oxydation incomplète et l’augmentation avec la dose de la quantité de phosphine éliminée dans l’air expiré.
Excrétion
Chez le rat, la majorité de la dose absorbée est éliminée dans les urines, sous forme d’hypophosphite (métabolite majeur) et de phosphite ; une partie difficilement quantifiable est excrétée inchangée dans l’air expiré [16].
Des rats exposés par voie orale à du phosphure de zinc (0,5 - 1 - 2 - 3 - 4 mg), éliminent respectivement 1,5 - 1,7 - 3,2 - 15,6 et 23,5 % de la dose sous forme de phosphine dans l’air ; toutefois, une partie de cette phosphine pourrait aussi provenir des fèces ou des gaz intestinaux [3].
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Mode d'actions [17]
La phosphine dénature l’oxyhémoglobine et interfère avec la synthèse de protéines et d’enzymes de la respiration cellulaire, dont la cytochrome C oxydase, dans les cellules cardiaques et pulmonaires.
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Toxicité expérimentale
Toxicité expérimentale
Toxicité aiguë [2, 3]
Par inhalation, la phosphine est à l’origine d’effets neurologiques, hématologiques, pulmonaires, hépatiques et rénaux ; des effets cardiaques sont observés par voie orale. Elle induit également une irritation respiratoire.
- Inhalation
La CL50 est estimée chez le rat mâle à 15 mg/m3/ 4 h (11 ppm) ; chez le rat femelle, elle est de 55 mg/m3/ 4 h pour la phosphine issue de l’hydrolyse du phosphure d’aluminium.
La survie des animaux est fonction du produit de la dose par la durée d’exposition ; des expositions à 28 mg/m3 (20 ppm) pendant 4 heures, 140 mg/m3 (100 ppm) pendant 2,5 à 3 heures ou 700 mg/m3 (500 ppm) pendant 25 à 30 minutes sont létales pour le lapin.
Les animaux présentent des signes de dépression du système nerveux central et meurent d’un œdème du poumon ; l’examen anatomo-pathologique révèle bronchiolite et atélectasie pulmonaire. Il n’y a pas d’hémorragie bien que tous les organes soient hyperémiques ; le foie montre une infiltration graisseuse et les reins une turgescence des cellules tubulaires.
Des souris (mâles, 0 - 1 - 5 - 10 ppm, 6 h/j, pendant 4 jours) sont moribondes après la dernière exposition à 10 ppm ; elles présentent des lésions rénales (dégénérescence et nécrose tubulaire), hépatiques (présence de foyers hémorragiques et de nécrose) et myocardiques (dégénérescence). À 1 et 10 ppm, on observe une baisse du nombre de globules rouges, du taux d’hémoglobine et de l’hématocrite ; concernant les globules blancs, une diminution du nombre de lymphocytes et de monocytes est observée dès 1 ppm [18].
- Voie orale
La DL50 est de 40,5 mg/kg chez le rat exposé au phosphure de zinc et de 27 mg/kg pour une solution de phosphure de zinc à 94 % de pureté.
Des rats exposés au phosphure d’aluminium par gavage (DL50 = 12 mg/kg) présentent des modifications de leur électrocardiogramme, une diminution de la fréquence cardiaque et de la pression artérielle [19].
- Voie cutanée
La DL50 cutanée du phosphure de zinc (94 % de pureté) est supérieure à 2000 mg/kg chez le lapin.
- Autre voie
La phosphine provoque chez le rat (2 mg/kg, intrapéritonéale) une baisse significative de la concentration en glutathion et une augmentation de la peroxydation des lipides dans le cerveau, les poumons, les reins, le cœur et le foie, ainsi qu’une augmentation du taux de 8-hydroxydesoxyguanine dans l’ADN cérébral, rénal, cardiaque et hépatique. Cet effet est bloqué par des antioxydants, tels que la mélatonine ou la vitamine C, indiquant l’induction d’un stress oxydant [17, 20].
- Irritation, sensibilisation
La phosphine est un irritant respiratoire et provoque salivation, larmoiements, démangeaison de la face et dyspnée [13].
Toxicité subchronique, chronique [2, 3]
Une exposition répétée à la phosphine, à des concentrations non létales, provoque une légère modification des paramètres sanguins.
Une exposition répétée pendant 2 semaines à la phosphine (rats et souris, 0 - 1,25 - 2,5 - 5 ppm, 6 h/j, 5 j/sem) induit, à la plus forte dose, une légère augmentation du taux d’urée (chez les souris mâles) et une baisse de poids des poumons chez les mâles, une augmentation du poids du cœur chez les femelles, mais aucune létalité ; la NOAEL est de 2,5 ppm [18].
Des souris exposées à la phosphine (0 - 0,3 - 1 - 4,5 ppm, 6 h/j, 5 j/sem, 13 sem) présentent, pendant l’exposition à la plus forte concentration, des démangeaisons de la face, de la queue et des pattes et une baisse d’activité à la fin de chaque exposition. Après l’exposition, une relation linéaire inverse est observée entre le poids corporel et la concentration, indépendamment du sexe. La NOAEL est de 1 ppm [21].
Chez le rat (0 - 0,3 - 1 - 3 - 10 ppm, 6 h/j, 5 j/sem, 13 sem), on observe une forte létalité chez les femelles à 10 ppm après 3 jours d’exposition mais pas chez les mâles ni aux autres concentrations. Une nécrose tubulaire rénale (mâles et femelles) et une congestion pulmonaire (femelles) sont constatées chez les animaux morts (10 ppm). Chez les mâles, on note une très légère diminution de la concentration en hémoglobine, de l’hématocrite et du nombre de globules rouges à 3 ppm, ainsi qu’une légère baisse de la prise de poids dans les 2 sexes (à 1 et 3 ppm) [22]. Tous les paramètres hématologiques reviennent à la normale après 4 semaines de récupération.
Des rats exposés pendant 2 ans (0 - 0,3 - 1 - 3 ppm, 6 h/j, 5 j/sem) ne présentent ni modification clinique, hématologique ou macroscopique, ni effet sur le poids ou la prise de nourriture [23].
Effets génotoxiques
La phosphine n’est pas génotoxique in vitro ; in vivo, une légère augmentation des dommages chromosomiques est rapportée, mais uniquement aux concentrations proches des seuils de toxicité.
In vitro
La phosphine n’induit pas de mutation génique dans le test d’Ames, avec ou sans activation métabolique. De même, aucune augmentation du nombre d’aberrations chromosomiques n’est rapportée dans des cellules ovariennes de hamster, sans activation métabolique ; les résultats avec activation sont aussi négatifs mais le témoin positif n’ayant pas entrainé d’augmentation du nombre d’aberrations, ils ne peuvent pas être considérés comme fiables.
In vivo
In vivo, chez le rat et la souris, une exposition subaiguë (jusqu’à 15 ppm, 6 h ou 5 ppm, 6 h/j, 9 j sur une période de 11 j) n’est pas génotoxique (aberrations chromosomiques, échanges de chromatides sœurs et micronoyaux) [24] ; en revanche, une concentration de 4,5 ppm (6 h/j, 5 j/sem, pendant 13 semaines) induit l’apparition de micronoyaux dans les érythrocytes polychromatiques de la moelle osseuse et de la rate de souris [21].
Un test de létalité dominante conduit chez la souris mâle (5 ppm pendant 10 j) n’a pas montré d’effet sur les cellules germinales [24].
Effets cancérogènes [25]
Dans les tests pratiqués, la phosphine n’a pas induit d’augmentation du taux de tumeurs.
Par voie orale, il n’y a pas d’augmentation du taux de tumeurs chez le rat recevant une nourriture fumigée avec du phosphure d’aluminium équivalant à 0,27 mg de phosphine/kg de nourriture pour les semaines 1 à 16 et 0,51 mg/kg de nourriture pour les semaines 17 à 104 (soit respectivement 13,5 µg/kg/j et 25,5 µg/kg/j).
Le résultat est également négatif dans une étude réalisée chez le rat pendant 2 ans avec de la nourriture fumigée à la phosphine et contenant 5 ppb de phosphine résiduelle (correspondant à une administration de phosphine de 0,25 µg/kg/j).
Effets sur la reproduction [25]
Dans les tests pratiqués, la phosphine n’induit aucun effet sur la fertilité et le développement.
Fertilité
Des rates gestantes exposées à la phosphine (0,03 - 0,3 - 3 - 5 - 7 ppm, 6 h/j, du 6e au 15e jour de gestation) subissent une létalité importante à la plus forte concentration ; aux concentrations inférieures, le nombre d’implantations, le poids des ovaires et de l’utérus et le nombre de corps jaunes ne sont pas modifiés [22].
Chez la souris (5 ppm, 6 h/j, 10 jours), les accouplements de mâles exposés à des femelles non exposées sont sans effet sur le nombre de gestations, par rapport aux témoins [24].
Développement
Dans l’étude citée ci-dessus, on note une augmentation du taux de résorption à la plus faible concentration uniquement ; aucune malformation ni fœtotoxicité n’a été observée. La NOAEL est de 5 ppm pour la toxicité maternelle et fœtale [22].
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Toxicité sur l’Homme [17, 26-30]
L’exposition par inhalation à de fortes doses de phosphine provoque des atteintes neurologiques, respiratoires et cardiaques sévères pouvant aller jusqu’à la mort du sujet. L’exposition à de plus faibles doses entraine une irritation respiratoire et des atteintes neurologiques, cardiaques et digestives. A noter qu’une exposition unique peut entrainer une persistance à distance de troubles pulmonaires, musculaires et neurologiques. Lors d’expositions répétées, les effets sont rares car une intolérance apparait dès l’exposition à de faibles doses. Aucune donnée n’existe sur les effets mutagènes, cancérogènes ou sur la reproduction.
Toxicité aiguë
Le principal danger de ce gaz réside en l’inhalation d’une dose massive qui provoque rapidement des troubles neurologiques à type de coma et de convulsions, des troubles respiratoires (œdème aigu du poumon) et des troubles cardiaques (foyers de nécrose du myocarde). La mort peut survenir après inhalation de 400 ppm durant 30 minutes à 1 heure, mais des effets graves peuvent également résulter d’expositions de 5 à 10 ppm pendant plusieurs heures.
Des concentrations plus faibles inhalées plusieurs heures entraînent :
- une irritation des muqueuses respiratoires avec toux, épistaxis, douleurs thoraciques aboutissant au maximum à l’œdème aigu du poumon qui peut être retardé (survenant dans les 48 à 72 heures) ;
- une atteinte du système nerveux central avec vertiges, céphalées, diplopie, tremblement, coma ;
- des troubles gastro-entérologiques avec douleurs digestives, diarrhées, ictère ;
- des troubles du rythme cardiaque avec arythmie ventriculaire ou supraventriculaire [31] ;
- des atteintes musculaires avec myalgies et faiblesses musculaires.
La phosphine ne provoque pas d’hémolyse.
La sévérité de l’intoxication est liée à la concentration en phosphine et à la durée d’exposition.
Une exposition aiguë unique peut entrainer des symptômes musculaires persistants avec douleurs musculaires et hypotonie pouvant persister des semaines voire des mois, des séquelles pulmonaires à type d’hyper réactivité bronchique non spécifique, des atteintes neurologiques avec troubles de la concentration et céphalées.
Les intoxications peuvent être en lien avec une formation de phosphine à partir de composés métalliques : phosphure d’aluminium et de zinc.
Toxicité chronique
L’apparition d’une intolérance dès l’exposition à des doses faibles explique la rareté des intoxications chroniques par ce gaz. Les effets les plus souvent mentionnés comprennent des atteintes bronchiques chroniques, des troubles digestifs, des céphalées.
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Interférences métaboliques
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Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal