Pathologie - Toxicologie
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Toxicocinétique - Métabolisme [4, 16-18]
L’essence de térébenthine est bien absorbée, chez l’Homme comme chez l’animal, par la peau, le tractus gastro-intestinal et le tractus respiratoire.
Chez l'animal
La solubilité des monoterpènes, α-pinène, β-pinène et Δ3- carène (composés principaux de l’essence de térébenthine) est importante dans le sang et les graisses, ce qui implique une forte absorption pulmonaire et une accumulation dans les tissus adipeux.
L’absorption correspond à 60-70 % de la concentration inhalée par des volontaires humains exposés à 450 mg/m3, 2h/j pendant 50 semaines. Pendant une telle exposition, la concentration artérielle augmente rapidement puis atteint un plateau vers la 2ième heure ; après l’exposition, la concentration artérielle diminue rapidement en 3 phases avec des demi-vies de 3,1 - 5,3 minutes pour la phase initiale, de 33 - 41 minutes pour la phase moyenne et de 25-42 h pour la dernière [7].
Chez l’animal, l’essence de térébenthine est surtout distribuée dans le cerveau et la rate [3]. L’ exposition chronique provoque chez le rat une accumulation dans la graisse péri-rénale et le cerveau [5].
Un faible pourcentage de l’essence de térébenthine absorbée est éliminé sous forme inchangée par l’air expiré (2 à 8 % chez l’homme) et l’urine, mais la plus grande partie est métabolisée et excrétée dans l’urine sous forme conjuguée avec l’acide glucuronique [5].
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Mode d'actions
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Toxicité expérimentale
Toxicité aiguë
L’essence de térébenthine est irritante pour la peau, les yeux et les muqueuses ; elle induit une irritation sensorielle et, à plus forte concentration, des convulsions.
Par voie orale, la DL50 chez le rat est de 5760 mg/kg et les symptômes observés sont des douleurs gastro-entériques avec vomissements, une néphrite toxique avec hématurie, albuminurie et oligourie possibles et des lésions de la vessie. À très fortes doses, le coma peut être suivi de mort par arrêt respiratoire ; à doses plus faibles, on observe une anémie occasionnelle probablement suite à une lésion de la moelle osseuse [16].
La CL50 par inhalation est de 2459 ppm/4h (13 770 mg/m3/ 4h) chez le rat et 5204 ppm/2h (29 142 mg/m3/2h) chez la souris [16, 18]. Les symptômes, observés chez les animaux (rat, souris, cobaye, chat et chien) exposés pendant 1 à 6 heures par inhalation, sont ceux d’une atteinte du système nerveux central : incoordination musculaire, tremblements, convulsions, ataxie, somnolence, dyspnée, tachypnée, baisse du volume courant pulmonaire et mort par arrêt respiratoire brutal [2, 17, 19]. À l’autopsie, on observe une faible congestion pulmonaire mais pas de lésion [2, 16].
L’essence de térébenthine est un irritant sensoriel chez la souris. La RD50 (concentration qui inhibe de 50 % la fréquence respiratoire) est égale à 1173 ppm (6569mg/m3), avec une réponse maximale à la fin des 30 minutes d’exposition. Le temps de pause après l’expiration est augmenté, probablement par effet anesthésiant et non par irritation pulmonaire [20]. La plus faible dose létale chez le lapin par voie cutanée est 5010 mg/kg [19].
L’injection sous-cutanée, chez le rat et le lapin, provoque une inflammation chronique avec un effet sur le collagène dermique, une prolifération de nouveaux vaisseaux et un remodelage du tissu conjonctif [16].
L’essence de térébenthine est irritante pour les yeux, le nez et les membranes muqueuses. Elle provoque des eczémas par contact cutané probablement suite à la formation de produits d’oxydation, irritants encore plus puissants [2, 16]. Le contact du liquide avec l’oeil du lapin provoque une douleur immédiate sévère et un spasme de la paupière avec rougeur subséquente, mais pas de lésion [15].
Toxicité subchronique, chronique
Lors d’une exposition par voie respiratoire, une légère atteinte pulmonaire avec une inactivité généralisée sont observées chez le rat, cobaye, chien. Lors d’une exposition par voie cutanée, une hyperplasie épithéliale bénigne est observée chez la souris et le hamster.
Tous les rats femelles meurent après une exposition à 5000 mg/m3 (900 ppm, 6h/j, 5j/sem, 12 semaines). Des chiens, des rats mâles ou des cobayes supportent une exposition de même niveau ; les animaux présentent une légère atteinte pulmonaire et une inactivité généralisée. Chez le cobaye (715 ppm, 4h/j, 45-58 jours), il n’y a aucune modification hématologique ou clinique, seules des modifications mineures du foie et des reins sont observées [2, 15].
L’application cutanée induit chez la souris (solution de 25 à 50 %, 1 application/sem, 4 semaines) et le hamster (solution à 50 %, 3 fois/sem, 9 semaines) une hyperplasie épithéliale bénigne, réversible, avec hyperkératose (augmentation jusqu’à 3 fois de l’épaisseur) [21].
Effets génotoxiques
Aucune donnée n’est disponible chez l’homme à la date de publication de cette fiche toxicologique (2011).
Il n’existe pas de données publiées. Toutefois, à titre d’information, des études réalisées sur un des dérivés terpéniques présents, le d-limonène, montrent que ce constituant n’est pas génotoxique (voir fiche toxicologique INRS n° 227).
Effets cancérogènes
L’effet irritant de l’essence de térébenthine peut favoriser le développement de cancers cutanés dus à d’autres substances cancérigènes.
L’essence de térébenthine n’a pas été testée pour son effet cancérogène ; cependant, si elle est appliquée 1 à 3 jours avant une injection sous-cutanée d’uréthane, elle en augmente la cancérogénicité. L’ augmentation du nombre de tumeurs est liée à la sévérité de l’effet cutané local [22]. L'α-pinène, composant de l’essence de térébenthine a été montré co-cancérogène [23].
Par application cutanée chez la souris, l’essence de térébenthine n’est pas promotrice ; elle inhibe même la promotion induite par le TPA [24]. Elle induit une hyperplasie qui présente une cinétique semblable à celle induite par des cancérogènes connus (augmentation initiale de la perte cellulaire accompagnée d’une augmentation de renouvellement, suivie d’une baisse de la perte cellulaire) mais de durée et d’intensité plus faibles [25].
Effets sur la reproduction
Une foetotoxicité est observée à des doses toxiques pour les mères.
Une augmentation de la létalité, une dépression sévère du système nerveux central et un poids corporel faible ont été observés chez les rats nouveau-nés quand les mères sont exposées 2 fois/j pendant 10 minutes à une atmosphère saturée en essence de térébenthine du 17e au 21e jour de gestation. Les mères présentent des signes de toxicité pendant l’exposition (incoordination, salivation,augmentation de la fréquence respiratoire), réversibles dès la fin de l’exposition [15].
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Toxicité sur l’Homme
L'essence de térébenthine peut provoquer des irritations des muqueuses digestives, oculaires et respiratoires. Des effets dépresseurs du système nerveux central sont possibles lors d'expositions aiguës. Des allergies cutanées et respiratoires rares sont décrites. On ne dispose pas de donnée sur d'éventuels effets cancérogènes ou sur la fonction de reproduction.
Toxicité aiguë [4, 18]
La toxicité aiguë de l’essence de térébenthine est surtout de nature irritative mais des atteintes du système nerveux central sont également décrites.
Les cas d’intoxications aiguës peuvent être secondaires à une inhalation, une ingestion et/ou une contamination cutanée.
L’inhalation de vapeurs d’essence de térébenthine peut provoquer des signes d’irritation oculaire, nasale et/ou pulmonaire. D’autres symptômes à type de malaises, céphalées, sensations ébrieuses, excitation, voire ataxie ou convulsions peuvent apparaître, parfois associés à des nausées, vomissements ou douleurs abdominales. Lors de très fortes expositions, des troubles de conscience peuvent survenir.
L’exposition de volontaires sains (8 sujets) à des concentrations de l’ordre de 450 mg/m3 pendant 2 heures a entraîné des signes d’irritation nasale et oculaire pendant l’exposition ; une gêne respiratoire et une augmentation des résistances des voies aériennes sont également notées [18].
En cas de contact cutané direct ou par l’intermédiaire de vêtements souillés ou lors de projections, peuvent apparaître des signes d’irritation cutanée (à type d’érythème, oedème, voire bulles) ou oculaire (larmoiement, douleurs oculaires, conjonctivite, voire atteinte cornéenne transitoire) de gravité variable.
L’ingestion accidentelle est susceptible d’entraîner des signes d’irritation buccale et digestive (nausées, vomissements, diarrhées ou douleurs abdominales) ainsi qu’une dépression du système nerveux central (syndrome ébrieux puis troubles de conscience) ou des convulsions. La sévérité des symptômes dépend essentiellement de l’éventuelle aspiration pulmonaire de l’essence de térébenthine, réalisant une pneumopathie d’inhalation et associant des signes radiologiques (opacités floconneuses) et cliniques (toux, dyspnée, fièvre) le plus souvent régressifs en l’absence de surinfection.
Toxicité chronique [4]
L’essence de térébenthine est responsable de dermatoses d’irritation par action dégraissante et desséchante de la peau en contact, mais aussi de dermatoses allergiques (eczéma) [26 à 29].
Un cas de rhinite spécifique à l’essence de térébenthine, utilisée comme diluant par une décoratrice sur porcelaine a été rapportée ; le test de provocation nasale au produit était positif [30] ; un autre cas d’allergie de type I a été publié : il s’agit d’un asthme professionnel chez un ajusteur exposé à des brouillards d’huile contenant de l’essence de térébenthine comme agent désodorisant ; les tests de provocation bronchique étaient positifs avec l’huile, la colophane (émulsifiant de l’huile) et l’essence de térébenthine testée isolément [31].
Les essences de térébenthine les plus riches en Δ3-carène sont les plus sensibilisantes, mais l’α-pinène et le dipentène sont également souvent en cause [27 à 30].
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Interférences métaboliques
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Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal