Les enquêtes du CSE en matière d’accident du travail ou de maladie professionnelle
En matière de santé et de sécurité au travail, le Code du travail permet au comité social et économique (CSE) de réaliser des enquêtes, notamment lorsqu’un salarié est victime d’un accident du travail ou affecté d’une maladie professionnelle. Quels sont les objectifs de ces enquêtes ? Comment s’organisent-elles ? Le point dans ce focus juridique.
Quels sont les objectifs des enquêtes menées par le CSE en matière d’accident du travail ou de maladie professionnelle ?
La possibilité de réaliser des enquêtes fait partie des missions du CSE, ou, le cas échéant, de celles déléguées à sa commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT). Ces enquêtes peuvent être menées quel que soit l’effectif de l’entreprise, lorsque survient un accident du travail ou une maladie professionnelle.
Ces enquêtes doivent permettre d'identifier les différents facteurs objectifs qui ont conduit à la survenance de l’accident, afin d’aboutir à des propositions d’actions de prévention visant à éviter la reproduction d’un tel événement, et à réduire ou à supprimer le risque identifié.
L'approche ne vise pas à qualifier juridiquement la situation et à établir des responsabilités, mais s'inscrit dans un objectif de prévention.
À noter : ces enquêtes interviennent a posteriori de l’accident dans le cadre des missions ordinaires du CSE. De ce fait, elles se différencient des procédures spécifiques impliquant le CSE en cas d’exercice du droit d’alerte (enquêtes en cas de danger grave et imminent ou en cas d’atteinte aux droits de la personne) qui permettent d’intervenir rapidement en amont de la réalisation de l’accident pour définir les moyens à mettre en œuvre pour y mettre fin. |
Comment le CSE est-il informé de l’accident ?
Afin de lui permettre d’exercer ses prérogatives, l’employeur :
- informe le CSE ou la CSSCT de tout accident ou incident survenu dans l’entreprise ou l’établissement, quelle qu’en soit la gravité ;
- réunit obligatoirement le CSE, dans les entreprises de 50 salariés et plus, à la suite de tout accident ayant entraîné ou ayant pu entraîner des conséquences graves – généralement entendu comme un accident à l’origine d’un décès ou d’une invalidité lourde, ou un incident ayant pu entraîner un tel accident (situations qui n'ont pas directement causé un accident grave, mais qui possédaient le potentiel de le faire).
Le CSE peut également être averti des accidents du travail et maladies professionnelles :
- par le biais du bilan annuel sur la situation générale de la santé, de la sécurité et des conditions de travail ;
- dans le cadre de ses missions, en consultant les déclarations d’accident et le registre des accidents bénins.
Dans quelles conditions le CSE déclenche-t-il une enquête ?
Il revient au CSE de décider si l’événement doit ou non donner lieu à une enquête. La nature et l’importance des événements qui se sont produits doivent guider la réflexion et la décision des membres du comité.
À noter : en pratique, une enquête devrait systématiquement avoir lieu en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle grave (à l’origine d’un décès ou d’une invalidité lourde). |
La décision de déclencher une enquête est votée en réunion du CSE à la majorité des membres présents.
Bien qu’il n’y ait pas de délai légal pour décider de réaliser une enquête, celle-ci doit toutefois être lancée le plus rapidement possible afin que le CSE puisse :
- identifier rapidement les éléments qui ont conduit à l’accident ;
- faire émerger des solutions afin d’éviter la réalisation d’accidents similaires.
En effet, l’enquête est l’un des moyens permettant de comprendre les causes de l’accident ou de la maladie. Tant qu’elle n’est pas réalisée, ces causes peuvent ne pas être pleinement identifiées, ce qui pourrait favoriser la survenue de nouveaux incidents similaires.
Qui réalise l’enquête ?
Les enquêtes du CSE ou de la CSSCT, en matière d'accidents du travail ou de maladies professionnelles ou à caractère professionnel, sont réalisées par une délégation comprenant au moins :
- l’employeur ou un représentant désigné par lui ;
- un représentant du personnel siégeant à ce comité.
La délégation d’enquête peut également se faire accompagner par un préventeur institutionnel (Carsat/Cramif/CGSS) ou assister par le médecin du travail (ou par un membre de l’équipe pluridisciplinaire à qui le médecin a donné délégation).
Comment se déroule l’enquête ?
La délégation chargée de réaliser l’enquête peut :
- se déplacer librement dans l'ensemble des locaux de l'entreprise, mais également à l’extérieur de l’entreprise si nécessaire pour observer le lieu de l’accident, comprendre le contexte ;
- rencontrer et entendre les personnes nécessaires dans le cadre de leur mission : salariés (victime, témoin…), responsable d’une entreprise voisine dont l’activité crée des nuisances (bruit, pollution, vibrations...) aux salariés de l’entreprise.
À noter : il conviendra de s’assurer que ces déplacements et rencontres n’apportent pas de gêne importante à l’accomplissement du travail des salariés. |
- consulter les documents appropriés : déclaration d’accident du travail, document unique d’évaluation des risques, plan de prévention en cas d’intervention d’une entreprise extérieure, liste des postes à risques, fiche d’entreprise du médecin du travail, etc.
- pour les besoins de l’enquête, la délégation pourra également filmer ou prendre des photos (sous réserve de ne pas porter atteinte au droit à l’image) pour permettre de documenter la scène de l'accident, ou bien prendre des mesures (thermomètre pour mesurer la température d’une pièce, chronomètre pour évaluer la durée de certaines phases de travail) afin de comprendre les conditions dans lesquelles l'accident s'est produit.
À noter : les membres de la délégation du personnel du CSE sont soumis à une obligation de discrétion dans le cadre des enquêtes qu'ils mènent. |
Ensuite, la délégation d’enquête analyse les faits recueillis. Pour cela, la méthode de l’arbre des causes peut être utilisée. Cette méthode permet de rechercher de façon structurée les facteurs ayant contribué à un accident, d'en comprendre le scénario et de proposer des actions de prévention.
Le temps passé aux enquêtes est traité différemment selon que l’accident, l’incident ou la maladie revêt ou non un caractère grave. Dès lors qu’il présente un caractère grave, le temps d’enquête n’a pas à être déduit des heures de délégation prévues pour les membres titulaires du CSE. En revanche, le temps d’une enquête réalisée à la suite d’un accident, d’un incident ou d’une maladie sans gravité est imputable sur les heures de délégation.
À noter : il est recommandé au CSE de déterminer à l’avance, dans son règlement intérieur ou par accord avec l’employeur, les modalités de fonctionnement de la délégation d’enquête : mode de désignation des membres, modalités de l’enquête, moyens à disposition, accès aux documents, rédaction et présentation des conclusions, contenu du rapport d’enquête, principes fondamentaux à respecter…
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Comment se formalise la fin de l’enquête ?
En pratique, à l’issue de l’enquête, un rapport est établi, contenant le compte-rendu de l’investigation (circonstances de l’accident, analyse par la délégation des causes de l’accident) et des propositions de mesures correctives ou de prévention.
Ce rapport est ensuite présenté au CSE en réunion plénière pour discussions et actions éventuelles.
En parallèle, le CSE doit établir et transmettre, en double exemplaire, une fiche de renseignement à l’inspection du travail dans les 15 jours suivant l'enquête.
Les modèles Cerfa de fiche de renseignement n’ont pas été mis à jour et visent toujours le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Il paraît toutefois légitime de transposer cette obligation aux enquêtes du CSE. Pour ce faire, il convient de consulter sur www.service-public.fr les modèles suivants :
- enquête relative à des situations de risque grave ou à des incidents répétés ayant relevé un risque grave : Cerfa n°12766*01 ;
- enquête relative à une situation de travail relevant un risque de maladie professionnelle ou à caractère professionnel grave : Cerfa n° 12760*01 ;
- enquête relative à un accident du travail grave : Cerfa n° 12758*01.
Cette fiche doit être signée par l’ensemble des membres de la délégation.
Références juridiques
- Article L. 2312-5 du Code du travail : Compétence des CSE des entreprises de 50 salariés et plus en matière d’enquête
- Article L. 2312-13 du Code du travail : Compétence des CSE des entreprises de moins de 50 salariés en matière d’enquête
- Article L. 2315-11 du Code du travail : Rémunération du temps d’enquête
- Article L. 2315-14 du Code du travail : Liberté de déplacement des membres de la délégation du personnel du CSE
- Article L. 2315-27 du Code du travail : Obligation de réunion du CSE en cas d’accident grave
- Article L. 2315-3 du Code du travail : Obligation de discrétion des membres de la délégation du personnel du CSE
- Article R. 2312-2 du Code du travail : Composition de la délégation d’enquête
- Arrêté du 8 août 1986 : Obligation de transmission des fiches de renseignement à l’inspection du travail