Réglementation
Aucune réglementation spécifique ne régit actuellement la manipulation de nanomatériaux en France. Les principes généraux relatifs à la protection de la santé des salariés demeurent applicables, ainsi que les textes consacrés à la mise sur le marché des substances chimiques, des médicaments, des produits cosmétiques ou des aliments.
Les règles de prévention du risque chimique
Aucune réglementation spécifique ne régit actuellement la manipulation de nanomatériaux en France. Il n’existe pas pour autant de vide réglementaire. En effet, les principes généraux relatifs à la protection de la santé des salariés demeurent applicables, ainsi que les textes consacrés à la mise sur le marché des substances chimiques, des médicaments, des produits cosmétiques ou des aliments.
Les nanomatériaux sont des agents chimiques. À ce titre, la réglementation en matière de prévention du risque chimique, prévue par le Code du travail, s’applique aux nanomatériaux. Les règles de prévention du risque chimique s’appuient sur les principes généraux de prévention définis à l’article L. 4121-2 du Code du travail et se déclinent en deux volets :
- les règles générales de prévention du risque chimique énoncées aux articles R. 4412-1 à R. 4412-57 du Code du travail ;
- les règles particulières de prévention du risque chimique pour les activités impliquant des agents chimiques cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR) de catégorie 1A ou 1B définies aux articles R. 4412-59 à R. 4412-93-4 du Code du travail.
En conséquence, les dispositions issues de la réglementation du travail relative à la prévention du risque chimique permettent d’appréhender les risques liés aux nanomatériaux et de distinguer des mesures propres aux nanomatériaux cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction de catégorie 1A ou 1B.
La déclaration annuelle des nanomatériaux manufacturés mis sur le marché en France
Depuis le 1er janvier 2013, les entreprises qui fabriquent, importent ou distribuent des nanomatériaux manufacturés sur le territoire français, sont soumises à une déclaration obligatoire, dans un registre national nommé R-Nano.
En effet, les articles L. 523-1 à 523-3 du Code de l’environnement prévoient la mise en place d’un dispositif de déclaration annuelle des « substances à l’état nanoparticulaire » en l’état, ou contenues dans des mélanges sans y être liées, ou des matériaux destinés à les rejeter dans des conditions normales ou raisonnablement prévisibles d’utilisation. Cette obligation concerne les fabricants, les importateurs et les distributeurs de telles substances mises sur le marché en France. Ils doivent déclarer l’identité, les quantités et les usages de ces substances, ainsi que l’identité des utilisateurs professionnels à qui ils ont cédé ces substances à titre onéreux ou gratuit. De même, ils sont tenus de transmettre toutes les informations disponibles relatives aux dangers de ces substances et aux expositions auxquelles elles sont susceptibles de conduire, ou utiles à l’évaluation des risques pour la santé et l’environnement.
Les modalités d’application de cette déclaration sont définies dans les articles R. 523-12 et R. 523-13 du Code de l’environnement et un arrêté paru le 6 août 2012. Ces articles précisent notamment les définitions et le seuil minimal à partir duquel la déclaration annuelle est obligatoire (100 grammes par an et par substance), ainsi que l’organisme en charge de la gestion de ces données (l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail – Anses) et la date limite d’envoi des informations. Des dispositions sont également prévues relatives aux intérêts liés à la défense nationale, au respect du secret industriel et commercial et aux activités de recherche et développement. L’article D. 523-22 du Code de l’environnement désigne, quant à lui, les organismes auxquels l’Anses peut transmettre les informations qu’elle détient au titre de cette déclaration. L’arrêté précise le contenu et les conditions de présentation de la déclaration. Le déclarant doit ainsi obligatoirement fournir de nombreux paramètres relatifs à la substance : l’identité chimique, le nom commercial, la taille des particules, la distribution de tailles des particules en nombre, l’état d’agrégation et d’agglomération, la forme et le revêtement éventuel. D’autres critères peuvent également être renseignés, tels que la surface spécifique, l’état cristallin ou encore la charge de surface.
Ce dispositif vise à mieux connaître les « substances à l’état nanoparticulaire » et leurs usages, à disposer d’une traçabilité des filières d’utilisation et d’une meilleure connaissance du marché et des volumes commercialisés. Les différents usages des substances à l’état nanoparticulaire fabriquées, importées ou distribuées doivent donc être rapportés. Outre les secteurs d’utilisation, l’entreprise déclarante doit mentionner le ou les processus de mise en œuvre de ces substances.
Plusieurs pays européens ont suivi l’initiative de la France, et désormais la Belgique, la Suède et le Danemark disposent de registres du même type. La Commission européenne a par ailleurs mis en place un Observatoire européen des nanomatériaux, dont l’un des objectifs est de collecter l’ensemble des données issues des inventaires nationaux.
Les classifications UE et CIRC (Centre international de recherche sur le cancer)
Les données épidémiologiques publiées sur les effets des nanomatériaux manufacturés dans les populations de travailleurs exposés sont très limitées. Dans les industries les plus anciennes, comme celles du dioxyde de titane ou du noir de carbone, plusieurs études de morbidité et de mortalité ont été effectuées mais ne concernent pas exclusivement la fraction nanométrique. En février 2006, le CIRC a publié les résultats des réévaluations du potentiel cancérogène du noir de carbone et du dioxyde de titane sous formes nanométrique et micrométrique. Il a confirmé, pour le noir de carbone, le classement établi en 1996 – à savoir : cancérogène possible chez l’homme (groupe 2B) – et a modifié, pour le dioxyde de titane, celui établi en 1989, qui passe ainsi du groupe 3 (agent inclassable quant à sa cancérogénicité pour l’humain) au groupe 2B. En 2014, le CIRC a classé les nanotubes de carbone multi-parois de type MWCNT-7 dans le groupe 2B et tous les autres nanotubes de carbone, qu’ils soient à paroi simple ou à parois multiples, dans le groupe 3.
En 2019, l’Union européenne a classé le dioxyde de titane sous forme de poudre contenant 1 % ou plus de particules d'un diamètre ≤ 10 µm comme agent cancérogène suspecté (catégorie 2) par inhalation. Cette classification s’applique au dioxyde de titane sous forme nanométrique mais ne lui est pas exclusive.
À partir du 1er mai 2026, une classification harmonisée s’appliquera pour :
- les tubes de carbone multi-parois (diamètre géométrique ≥ 30 nm et < 3 μm, longueur ≥ 5 μm, rapport d’aspect > 3:1), y compris les nanotubes de carbone multi-parois, en tant qu’agents cancérogènes présumés (catégorie 1B) et toxiques spécifiques pour certains organes cibles (poumons) par exposition répétée (inhalation) ;
- le nano-argent (diamètre des particules > 1 nm et ≤ 100 nm) en tant que reprotoxique suspecté (catégorie 2) et toxique spécifique pour certains organes cibles (système nerveux) par exposition répétée.
Les valeurs limites d’exposition professionnelle
En France, il existe des valeurs limites d’exposition professionnelle (VLEP) relatives à différentes poussières ou fumées de composition chimique donnée (dioxyde de titane, graphite, certains oxydes et sels métalliques, etc.) ou provenant d’une source de pollution donnée (fumées de soudage, émissions d'échappement de moteurs Diesel, etc.). Il existe également des concentrations moyennes en poussières totales et alvéolaires à ne pas dépasser dans les locaux à pollution spécifique (article R. 4222-10 du Code du travail) ou dans certains lieux particuliers (décret n° 2013-797 du 30 août 2013 fixant certains compléments et adaptations spécifiques au code du travail pour les mines et carrières en matière de poussières alvéolaires). Les fractions d’aérosol visées par ces différentes valeurs limites sont les fractions inhalable, thoracique ou alvéolaire. Toutes ces fractions incluent, par définition, les poussières nanométriques.
Les valeurs limites existantes, si elles couvrent donc le cas des nanomatériaux, ne sont pas spécifiques à ces derniers. Elles ne permettent pas de garantir, en l’état actuel des connaissances, un niveau de protection suffisant.
Dès 2007, certains organismes comme le BSI (British Standards Institution) ou l’IFA (Institut für Arbeitsschutz der deutschen gesetzlichen Unfallversicherung) ont défini des valeurs seuils en distinguant certaines catégories de nanomatériaux : fibres, CMR, insolubles, solubles, etc. Ces deux instituts indiquent que les valeurs proposées visent à réduire l'exposition des salariés conformément à l'état de l'art. Ils précisent également qu’elles ne sont pas justifiées sur le plan toxicologique, et que leur respect ne saurait constituer une garantie de ne pas développer une pathologie.
En 2011, le NIOSH (National Institute for Occupational Safety and Health) a recommandé une VLEP de 0,3 mg/m3 pour le dioxyde de titane nanométrique (10 heures par jour, 40 heures par semaine) avec un risque additionnel de cancer de 1/1 000. Une analyse fine de ces travaux et d’autres entrepris en Europe et au Japon menée par l’INRS montre que cette valeur bien argumentée peut être utilisée comme une base de travail contribuant à l’établissement d’une future VLEP française pour le dioxyde de titane nanométrique. Plus récemment, en 2020, l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’environnement, de l’alimentation et du travail) a préconisé pour le dioxyde de titane sous forme nanoparticulaire (grade P25 : mélange anatase 80 % et rutile 20 % avec une taille de particule primaire d’environ 20 à 25 nm) une VLEP de 0,8 µg/m3 et recommande de ne pas dépasser 4 µg/m3 sur une durée de 15 minutes.
Le NIOSH a également proposé une valeur seuil pour les nanotubes et nanofibres de carbone de 1 µg/m3 en 2013 ainsi qu’une valeur seuil pour le nano-argent de 0,9 µg/m3 en 2021.
L’INRS s’est penché en 2020 sur l’élaboration d’une VLEP pour le noir de carbone et a proposé, via une sélection d’études clés, une concentration équivalente humaine (CEH) comprise entre 0,122 et 0,169 mg/m3. Une expertise collective pourrait s’appuyer sur ce travail pour proposer une future VLEP française en appliquant des facteurs d’incertitude.
Malgré ces initiatives, les connaissances sur la toxicité de la plupart des nanomatériaux sont, pour l’heure, insuffisantes pour établir des VLEP. Il convient donc de rechercher, quelle que soit l’opération effectuée, le niveau d'exposition le plus bas possible.
Pour en savoir plus
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Brochure 01/2021 | ED 6050
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Dépliant 07/2018 | ED 6309
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Article de revue 09/2013 | DO 2
Les nanomatériaux, bilan et perspectives en santé et sécurité au travail
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Brochure 08/2023 | ED 6174
Aide au repérage des nanomatériaux manufacturés en entreprise
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Article de revue 03/2016 | NT 36
Dioxyde de titane nanométrique : de la nécessité d'une valeur limite d'exposition professionnelle
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Article de revue 03/2020 | TC 168
Noir de carbone nanostructuré : vers une valeur limite d'exposition professionnelle
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Vidéo Durée : 01h 05min 30s
Webinaire - Nanomatériaux manufacturés (2/2) : démarche de prévention et moyens