Description clinique de la maladie indemnisable (août 2011)
La brucellose est une zoonose étroitement liée à l'infection animale. Le nombre de cas humains diminuent depuis 1978, année de la mise en place de la prophylaxie animale. On estime que près de la moitié des cas humains recensés en France sont d'origine professionnelle.
L'infection des caprins et des ovins observée dans le sud de la France est responsable de 80 % des cas humains ; dans plus de 90 % des cas, il s'agit de Brucella melitensis plus rarement de B. abortus. Les zones les plus touchées sont les Alpes Maritimes et de Haute Provence, la Corse...
La brucellose des bovins existe dans toute la France mais prédomine au nord d'une ligne joignant le pays basque à la Haute-Savoie. B. abortus en est le responsable essentiel, B. melitensis étant rare chez les bovins.
La brucellose porcine (due à B. suis) est exceptionnelle en France.
I. Brucellose aiguë avec septicémie
Définition de la maladie
Elle correspond à une dissémination des brucelles vers les organes riches en tissu réticulo-endothélial (ganglions, foie, rate...). Elle peut prendre trois formes :
- la classique fièvre ondulante sudoro-algique,
- une forme pseudo-grippale,
- un tableau pseudo-typhoïdique.
Diagnostic
La durée d'incubation est de 8 jours à 3 semaines.
Le début de la fièvre ondulante sudoro-algique est insidieux. Elle atteint progressivement 39° voire 40° et est associée à une sensation de malaise, de courbatures, de douleurs articulaires et habituellement des sueurs nocturnes abondantes. Elle s'accompagne fréquemment d'une splénomégalie, d'une hépatomégalie modeste et d'adénopathies périphériques. Une sacro-iléite, des arthrites séreuses (genou), une orchite sont plus rarement observées. La fièvre est dite "ondulante" car après quelques jours d'évolution, elle diminue progressivement pour s'élever à nouveau ; 2 à 4 cycles d'une quinzaine de jours se succèdent ainsi sur 2 ou 3 mois.
Le tableau pseudo-grippal, dont le diagnostic est difficile car non spécifique, est souvent dû à Brucella abortus bovis.
Le tableau pseudo-typhoïdique (fièvre en plateau et signes abdominaux) est considéré comme relevant d'une contamination digestive, surtout chez l'enfant de 5 à 15 ans en milieu rural.
La leuconeutropénie est habituelle sinon constante, le syndrome inflammatoire est modeste.
Le diagnostic de certitude est biologique.
La brucelle est difficile à mettre en évidence et nécessite des milieux spéciaux de culture. A ce stade l'hémoculture est pratiquement toujours positive. La mise en culture de prélèvements (pus, biopsies diverses, prélèvements opératoires...) est également possible. La croissance est lente (dizaine de jours). L'espèce bactérienne et le biovar seront précisés dans un but épidémiologique.
Plusieurs techniques sérologiques sont disponibles.
La séro-agglutination de Wright est la méthode de référence. Elle met en évidence les IgM. La positivité apparaît vers le 12e ou 15e jour d'évolution. Le taux est considéré comme positif à partir de 1/80e. Le taux augmente pendant plusieurs semaines, pour décroître lentement en 6 à 12 mois. Il y a des faux négatifs et des faux positifs (après vaccination anticholérique, au cours de la tularémie et surtout en cas de yersiniose à Y. enterolitica 09).
La fixation du complément est une réaction très spécifique mais plus tardive dont la positivité persiste plus longtemps que le Wright.
La réaction à l'antigène tamponné (card-test ou Rose Bengale) est rapide, spécifique, longtemps positive. Elle constitue un bon test de dépistage.
L'immunofluorescence indirecte (IFI), la contre-immunoélectrophorèse (CIE) et la méthode ELISA sont des méthodes plus sensibles et spécifiques que le Wright. Elles mettent en évidence des IgG, IgM, IgA. A ce stade, la présence d'IgM est prépondérante.
La réaction d'hypersensibilité retardée (intradermoréaction-IDR), positive au bout d'un mois d'évolution, a été abandonnée en France depuis 1993.
Evolution
En l'absence de traitement spécifique, l'évolution peut se faire très lentement vers une guérison spontanée ou une forme focalisée.
Traitement
Les antibiotiques doivent être actifs in vitro et posséder une bonne diffusion tissulaire et cellulaire.
Les cyclines sont les antibiotiques de référence. La rifampicine est moins régulièrement active mais elle est conseillée chez l'enfant et la femme enceinte chez lesquels les cyclines sont contre-indiquées. La durée de traitement est de 6 semaines pour éviter les rechutes.
La streptomycine (et les autres aminosides) est considérée comme un adjuvant utile car actif sur les germes extracellulaires ; son emploi est limité à la période aiguë de la maladie sans dépasser trois semaines.
Facteurs de risque
Facteurs d'exposition
Ce sont ceux qui mettent en contact avec les produits contaminés :
- contamination professionnelle ;
- contamination non professionnelle : elle est digestive et en augmentation : consommation de lait ou fromages surtout frais, crudités contaminées par du fumier. Une part importante prise par la consommation de produits laitiers "étrangers" (produits importés ou consommés à l'étranger) semble se dessiner. Enfin la brucellose peut être une pathologie de loisirs (touristes ou promeneurs en contact avec le bétail).
Facteurs individuels
Du fait des circonstances d'exposition, les hommes sont plus touchés que les femmes, ainsi que la tranche d'âge de 40-49 ans.
La proportion d'enfants atteints augmente.
Estimation théorique du risque en fonction de l'exposition
Elle est fonction du poste de travail surtout en abattoir. Les professionnels les plus exposés sont ceux de l'élevage et de la viande par contamination avec les animaux infectés.
II. Brucellose subaiguë avec focalisation
Définition de la maladie
Elle correspond à la persistance de brucelles dans certains tissus. Elle peut survenir d'emblée à la suite d'un épisode aigu septicémique ou à distance d'un tel épisode pouvant même apparaître comme une manifestation primitive de la maladie si l'épisode initial est passé inaperçu.
Elle peut aussi survenir dans le cadre d'une brucellose chronique connue.
Les foyers les plus fréquents sont ostéo-articulaires (75 % des cas), neuro-méningés (10 %), hépatospléniques et génitaux.
Ces formes sont devenues plus rares depuis quelques années grâce à un diagnostic souvent plus précoce et une meilleure connaissance de la maladie.
Diagnostic
La localisation la plus fréquente est vertébrale : spondylodiscite surtout lombaire (60 à 70 % des cas), plus rarement dorsale (20 %) ou cervicale (10 %).
Les grosses articulations peuvent aussi être touchées :
- sacro-iliite uni ou bilatérale se rencontrant chez le sujet jeune,
- arthrite brucellienne du genou évoluant sur un mode aigu avec épanchement séro fibrineux,
- arthrite de la hanche, rare ainsi qu'une atteinte du coude ou du pied.
On peut aussi voir :
- une polyarthrite aiguë, fugace et mobile,
- une ostéo-périostite (extrémités des os longs, sternum, côtes).
Dans tous les cas, l'atteinte est douloureuse et peut être invalidante. La fièvre est quasi constante.
Il s'agit de lésions bronchiques pulmonaires ou pleurales non spécifiques qui s'accompagnent de toux et fièvre. Le germe peut être isolé dans les crachats ou la culture de tissus d'exérèse.
Il s'agit de manifestations tardives, conséquence d'une arachnoïdite, de lésions vasculaires ou d'un œdème interstitiel associé à la méningite avec 3 tableaux :
- méningo-myéloradiculaire au contact d'un foyer osseux vertébral (douleurs radiculaires uni ou bilatérales ou paralysie flasque),
- méningo-encéphalitique (altération psychique ou de la conscience, tableau psychotique, crises convulsives, déficits neurologiques pyramidaux, atteinte des nerfs crâniens (8e paire)),
- méningé à liquide clair ressemblant à une méningite tuberculeuse,
- fibrose aboutissant à une cirrhose hépatique,
- hépatite granulomateuse avec collection suppurée,
- cholécystite brucellienne rare,
- orchi-épididymite brucellique non suppurée, unilatérale.
Le diagnostic de certitude se fait de façon biologique. L'hémoculture est habituellement négative mais le germe peut être isolé à partir de foyers osseux, articulaires ou méningés. Les tests sérologiques sont positifs :
- séro-agglutination de Wright faiblement positive,
- réaction de fixation du complément très positive (IgG),
- réaction à l'antigène tamponné positive.
Mais il existe des faux positifs à Yersinia enterocolitica et Francisella tularensis.
L'IFI, l'ELISA, la CIE permettent de révéler et de quantifier les IgG et les IgA ; les IgM ont disparu à ce stade.
L'IDR à la mélitine est positive mais est abandonnée depuis 1993.
Evolution
Se fait vers la guérison avec ou sans traitement. Des gîtes microbiens peuvent persister sans signe clinique, une rechute septicémique ou à l'apparition d'un foyer brucellien réapparaissant à l'occasion du baisse des mécanismes de défense immunitaire.
Traitement
Le traitement antibiotique, reposant sur l'association de cyclines et de rifampicine, doit être prolongé, atteignant 2 à 3 mois ou plus (jusqu'à 1 an) dans certaines localisations osseuses ou nerveuses. Malgré ce traitement, on constate seulement 50 à 60 % de guérison.
III. Brucellose chronique
Définition de la maladie
Elle vient parachever l'évolution après une forme aiguë et une phase secondaire plus ou moins symptomatique ; elle peut parfois être en apparence cliniquement inaugurale.
Diagnostic
Son expression est double, à la fois focale et générale.
Les foyers sont quiescents ou peu évolutifs et peuvent être localisés :
- aux articulations donnant des arthrites séreuses ou suppurées, ostéoarthrite ;
- aux organes génitaux (orchite, épididymite, prostatite, salpingite) ;
- aux poumons (bronchite, pneumopathie, pleurésie séro-fibrineuse ou purulente) ;
- au foie (hépatite) ;
- au système sanguin (anémie, purpura, hémorragie, adénopathie) ;
- au rein (néphrite) ;
- au système cardiovasculaire (endocardite, phlébite) ;
- au système nerveux (réaction méningée, méningite, arachnoïdite, méningo-encéphalite, myélite, névrite radiculaire).
Les manifestations générales sont surtout d'ordre :
- allergique (cutané : érythème noueux ; oculaire : iritis, iridocyclite) ;
- psychopathologiques : asthénie profonde associée ou non à un syndrome dépressif. L'asthénie est physique, psychique, voire sexuelle accompagnée de douleurs diffuses et de troubles neurovégétatifs variés : c'est la "patraquerie brucellienne".
A cette phase, la vitesse de sédimentation est normale, l'hémoculture est négative. Le diagnostic ne se fait donc que sur la recherche d'anticorps par :
- séro-agglutination de Wright souvent négative ou faiblement positive si foyer ;
- fixation du complément : faiblement positive ;
- épreuve à l'antigène tamponné : faiblement positive ;
- immunofluorescence indirecte ou ELISA : faiblement positive. La présence d'IgA témoigne d'un foyer quiescent.
Attention aux faux positifs pour les trois premiers tests (Yersinia enterocolitica et Francisella tularensis).
La réaction d'hypersensibilité retardée par IDR est très positive, mais elle est abandonnée depuis 1993.
Evolution
Elle dépend de la rapidité du diagnostic et de la nature immunitaire de chaque individu. L'asthénie peut persister pendant plusieurs années, souvent entretenue par la poursuite de l'exposition du malade. Les rechutes sont fréquentes. Il est essentiel de rassurer le malade, la brucellose n'est pas une maladie mortelle, même si elle peut laisser des séquelles invalidantes.
Traitement
Il est essentiellement symptomatique à ce stade, le traitement antibiotique n'est plus indiqué.