Pathologie - Toxicologie
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Toxicocinétique - Métabolisme [8, 9, 13-15]
La benzidine pénètre bien par toutes les voies notamment cutanée. Distribuée dans l'organisme, elle est métabolisée au niveau du foie puis est excrétée de façon variable selon les espèces.
Chez l'animal
La benzidine peut pénétrer dans l’organisme par voie cutanée (la plus importante semble-t-il pour l’exposition professionnelle), pulmonaire (vapeur ou poussières) ou par ingestion.
Le produit absorbé passe rapidement dans les organes, les plus fortes concentrations se situant dans le foie, les reins, la rate et l’intestin où l’on retrouve encore des traces de produit 14 jours après ; il n’y a pas de fixation élective du produit au niveau des parois vésicales. La demi-vie du produit, dans la dernière phase d’élimination, est de 65 heures chez le rat, de 88 heures chez le chien.
Les voies d’excrétion diffèrent selon l’espèce animale considérée : après une injection intraveineuse de 0,2 mg/kg de benzidine marquée, on retrouve en 7 jours chez le rat 80 % de la radioactivité dans les fèces, 17 % dans les urines ; chez le chien, les pourcentages sont respectivement de 30 % et de 67 %.
Chez le rat, une faible partie de la radioactivité est incorporée dans l’ARN, l’ADN et les protéines du foie ; la partie associée à l’ADN est stable pendant au moins 4 semaines.
Chez la plupart des espèces, les voies de métabolisation sont la N-acétylation et la 3-hydroxylation avec conjugaison des dérivés aux acides sulfurique et glucuronique. Seul, le chien est incapable d’acétyler le produit. La part de la benzidine inchangée et de chacun de ses métabolites dans les produits d’excrétion varie largement en fonction de l’espèce et de la voie d’intoxication.
Chez les travailleurs exposés à la benzidine, les dérivés conjugués de la 3-hydroxybenzidine représentent 80 à 90 % des produits d’excrétion urinaires, la benzidine environ 5 %, la monoacétylbenzidine 1 à 5 % et la diacétylbenzidine 5 à 10 %.
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Mode d'actions
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Toxicité expérimentale
Toxicité aiguë [6-9]
La benzidine provoque des troubles neurologiques (paralysie, troubles respiratoires) qui peuvent s'accompagner d'une méthémoglobinémie.
Chez le rat, la DL50 par voie orale est voisine de 310 mg/kg ; le chiffre de 1570 mg/kg a été rapporté par un auteur qui avait administré le produit en suspension dans l’eau. La souris a une sensibilité assez proche (DL50 = 214 mg/kg). Le lapin et le cobaye semblent plus sensibles. Par inhalation, pour une durée de 4 heures, la concentration de 3 ppm n’est pas létale pour le rat.
L’intoxication aiguë se manifeste chez le rat par une tendance à la perte d’équilibre, une paralysie motrice des membres postérieurs et des signes d’asphyxie avec respiration saccadée, rapide et superficielle. Il est possible que les troubles neurologiques observés soient liés à une localisation cérébrale importante du produit et que l’anoxie partielle puisse s’expliquer par la présence dans le sang de méthémoglobine (celle-ci a pu être mise en évidence chez le rat après une injection intra-péritonéale de produit).
Toxicité subchronique, chronique [8, 9]
Les animaux traités présentent une légère anémie ainsi que des altérations hépatique et rénale.
Chez des rats et des lapins recevant, pendant 2 à 4 mois, une alimentation contenant 125 mg/kg de benzidine, on a observé des modifications hématologiques modérées (légère anémie et tendance à l’inversion de la formule leucocytaire) et, à l’autopsie, une hyperémie du foie et une néphrite subaiguë avec présence de cylindres hématuriques. Dans des conditions voisines (alimentation à 100 mg/kg de benzidine), on a constaté chez la souris une réduction nette de la croissance pondérale et, en plus des atteintes hépatiques et rénales, une hyperplasie des éléments myéloïdes de la moelle osseuse et des cellules lymphoïdes de la rate et du thymus.
Chez le chien recevant par voie orale 15 mg/kg/jour de benzidine, 6 jours/semaine, pendant 10 mois, puis 60 mg/kg/jour, 6 jours/semaine, pendant 10 autres mois, on a observé une hyperémie du foie, une hypertrophie de la vésicule biliaire et de la rate (avec à ce niveau, des phénomènes hémorragiques marqués), et une glomérulonéphrite épithéliale avec nécrose massive de l’épithélium des tubes contournés.
L’application cutanée sur le dos du rat, 1 fois par jour, d’une solution à 3 % de benzidine dans le benzène entraîne en 15 jours un ictère.
L’implantation sous-cutanée de 25 mg de benzidine chez le rat, à intervalles de 5 à 15 jours, provoque en 2 à 5 mois une cirrhose du foie, sans prolifération nodulaire.
Effets génotoxiques [9-13]
La benzidine est génotoxique sur de nombreux systèmes in vitro ou in vivo.
La benzidine n’est mutagène pour Salmonella typhimurium qu’en présence d’un système d’activation métabolique (murin ou humain) ; il en est de même pour l’urine de rats ayant reçu le produit par voie orale.
Chez la levure S. cerevisiae, la benzidine induit aneuploïdie, conversion génique et lésion de l’ADN mais pas de mutation. Elle est en revanche mutagène pour Drosophila melanogaster et pour des plantes supérieures.
In vitro, sur culture de cellules de rongeurs, la benzidine induit des aberrations chromosomiques, des échanges de chromatides sœurs, des coupures de brins d’ADN et une synthèse non programmée d’ADN (ce dernier effet se retrouve sur des cellules humaines).
In vivo, chez le rat, elle provoque la formation de micronoyaux et favorise les échanges de chromatides sœurs, les coupures de brins d’ADN et la synthèse non programmée d’ADN. On a mis en évidence, dans le foie et les reins des animaux traités, l’existence de liaisons covalentes ADN-benzidine.
Le produit détermine enfin des transformations cellulaires sur culture de cellules de rongeurs (embryons de souris ou de hamster syrien).
Effets cancérogènes [8, 9, 11-15]
Des effets cancérogènes ont été observés notamment sur le foie ou les glandes mammaires.
Le potentiel cancérogène de la benzidine a été mis en évidence et confirmé par une longue série d’expérimentations portant sur plusieurs espèces (souris, rat, hamster, lapin, chien) et différentes voies d’administration (orale, respiratoire, sous-cutanée, intra-péritonéale).
L’administration orale de benzidine, dans la nourriture ou par gavage, détermine, chez la souris et le hamster, une augmentation très significative de l’incidence des tumeurs hépatiques bénignes et malignes: chez des souris ayant reçu une alimentation contenant 150 mg/kg de benzidine pendant 45 semaines à partir de leur 6e jour, on trouve, 45 semaines après la fin du traitement, 70 % d’animaux porteurs de tumeurs hépatiques (1 % chez les témoins), 48 % de ces tumeurs étant malignes. L’incidence des tumeurs est d’autant plus grande que le traitement est commencé plus tôt ; le traitement continu par l’alimentation est, à dose égale de produit ingéré, plus actif qu’un traitement discontinu (gavage 2 fois par semaine).
Chez le rat, le produit administré par gavage chez la femelle jeune (40 - 45 jours), à dose faible (12 à 50 mg/rat au total), induit la formation de carcinomes mammaires multiples, les premiers apparaissant 60 jours après le début du traitement.
Des carcinomes de la vessie ont été découverts chez 3 animaux sur 7 dans le cas de chiens ayant reçu par voie orale 200 mg de benzidine/jour, 6 jours/semaine, pendant 15 mois ; puis 300 mg/jour, 6 jours/semaine, pendant 45 autres mois : les délais d’apparition étaient respectivement de 7, 8 et 10 ans après le début du traitement.
Les résultats - apparemment positifs - de la seule étude réalisée par inhalation (chez le rat, avec exposition à 1,3 ou 2,7 ppm, 4 heures/jour, 5 jours/semaine pendant 20 mois) ne peuvent être pris en considération en raison du manque d’informations sur les conditions exactes de l’expérimentation.
Les nombreuses études effectuées chez la souris et le rat, par voie sous-cutanée ou intra-péritonéale, ont toutes montré une augmentation très significative de l’incidence des tumeurs avec, selon l’espèce et les conditions expérimentales, trois localisations marquées : tumeurs du foie (carcinomes hépatocellulaires, adénomes et cholangiomes), tumeurs mammaires (adénomes et adénocarcinomes), tumeurs du canal auditif externe (glande de Zymbal) ; des tumeurs du colon ont également été observées chez le rat.
Par voie intra-péritonéale, 2 métabolites de la benzidine (N,N’-diacétylbenzidine et N-hydroxy-N,N’-diacétylbenzidine) induisent également chez le rat des tumeurs mammaires et des tumeurs de la glande de Zymbal.
Effets sur la reproduction
Pas de données disponibles.
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Toxicité sur l’Homme
On ne dispose pas de donnée sur les effets aigus chez l'homme, toutefois la benzidine est fortement irritante pour la peau. Les expositions répétées induisent des lésions inflammatoires de la vessie et des taux élevés de cancers de cet organe. Des dermatoses sont fréquemment observées.
Toxicité aiguë [8]
Aucun cas d’intoxication aiguë par la benzidine n’a fait l’objet de publication.
Dans une étude réalisée sur volontaire, l’application sur l’avant-bras pendant 48 heures d’une gaze imprégnée de benzidine a entraîné une sévère dermatose de contact avec brûlure au lieu d’application.
Toxicité chronique [8, 9]
L’exposition prolongée à la benzidine peut entraîner, au niveau de l’épithélium vésical, une série de lésions - hyperémie, inflammation, papillomes - qui peuvent précéder l’apparition d’une tumeur maligne. Les premiers signes sont la survenue d’une hématurie ou de mictions difficiles ou douloureuses.
On a observé assez fréquemment des cas de dermatoses chez des travailleurs à la suite de contacts cutanés répétés avec le produit. La réaction, de mécanisme irritatif ou allergique, est favorisée par une photosensibilisation, la présence simultanée d’autres produits chimiques (hypochlorite de sodium en particulier) ou l’imprégnation alcoolique. Ces dermatoses constituent un signe d’alarme de l’exposition à la benzidine dont le véritable danger résulte des effets à long terme.
Effets cancérogènes [8, 9, 11-17]
L’association entre exposition à la benzidine et risque élevé de cancer de la vessie a été reconnu dès les premières décennies du XXe siècle, malgré les difficultés de l’interprétation clinique dues souvent à la présence d’autres amines aromatiques ou d’impuretés. Les preuves de cette association, apportées par de nombreuses observations provenant de différents pays et par plusieurs études épidémiologiques, sont aujourd’hui considérées comme suffisantes. Elles ont encore été renforcées récemment par la démonstration de la diminution de l’incidence de ce cancer chez les travailleurs employés pour la 1re fois après 1950, date à laquelle des mesures de prévention majeures ont permis de réduire très nettement l’exposition[18].
La pénétration du produit peut se faire par voie orale (mains souillées, aliments ou boissons pollués), respiratoire (inhalation de fines poussières ou de vapeurs), mais surtout cutanée (contact direct ou par l’intermédiaire de vêtements imprégnés).
L’action cancérogène du produit est une action retardée, avec sommation d’effets. Le temps de latence entre le début de l’exposition et l’apparition des tumeurs est très long : en moyenne 16 à 18 ans d’après les études épidémiologiques.
Les tumeurs observées, généralement uniques et de siège variable, ne se différencient pas, au point de vue morphologique, des tumeurs vésicales spontanées sans étiologie particulière.
On a signalé d’autre part, notamment dans le cas d’exposition simultanée à la benzidine et à la 2-naphtylamine, d’autres localisations : tumeurs hépatiques, gastro-intestinales, pulmonaires ou prostatiques.
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Interférences métaboliques
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Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal