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Nicotine

Fiche toxicologique n° 312

Sommaire de la fiche

Édition : Février 2018

Pathologie - Toxicologie

  • Toxicocinétique - Métabolisme

    La nicotine est rapidement absorbée par voies orale, cutanée et respiratoire. Chez l’homme, la nicotine est retrouvée dans plusieurs organes dont le cerveau et le foie et est capable de traverser la barrière placentaire. Elle est métabolisée, principalement au niveau hépatique ; plusieurs métabolites ont été identifiés, dont la cotinine et la nicotine N-oxyde. La nicotine est rapidement éliminée par les urines.

    Chez l'animal

    Très peu d’informations sont disponibles chez l’animal.

    A la suite de l’administration quotidienne de nicotine à des rats par voie orale, pendant 4 semaines (1 - 5 ou 10 mg/kg/j), les concentrations en nicotine mesurées dans le cœur, les reins et le cerveau augmentent avec la dose d’exposition mais de manière non significative ; par contre, les niveaux en cotinine, un de ses métabolites majeurs, sont augmentés significativement dans tous les organes étudiés (foie, reins, poumons, cerveau et cœur). De très faibles quantités d’hydroxycotinine sont détectées dans tous les organes [16].

    Par inhalation, la nicotine est absorbée mais aucune donnée quantitative n’est disponible[4].

    Trois jours après l’application d’une dose unique de nicotine radiomarquée sous pansement semi-occlusif, sur le dos de rats jeunes ou adultes (en solution dans l’acétone, doses de 2 - 6 - 84 et 435 μg/cm²), des absorptions moyennes de 49 - 84 et 88 % chez les jeunes rats, et de 75 - 83 et 86 % chez les rats adultes, ont été déterminées[1]. Chez la souris, le pourcentage de pénétration percutanée augmente avec la durée d’exposition : 5,2 % après 1 min, 27,9 % après 5 min, 59,5 % après 15 min, 71,5 % après 60 min et 90,7 % après 480 min (nicotine radiomarquée 1 mg/kg, en solution dans l’acétone, pas de pansement)[17]

    Surveillance Biologique de l'exposition

    Le dosage de la cotinine urinaire est le paramètre a privilégier pour apprécier l’exposition à la nicotine; sensible et spécifique ce marqueur témoigne de l’exposition à la nicotine des 2-3 jours précédents mais aussi de l’imprégnation tabagique. Il n’existe pas de valeur biologique d’interprétation pour ce paramètre pour la population professionnellement exposée.

  • Mode d'actions
  • Toxicité expérimentale
    Toxicité aiguë

    Par voies orale, cutanée et respiratoire, la nicotine est toxique pour les rongeurs. Des effets sur le système nerveux ainsi qu’une perte d’appétit sont rapportés. Aucune sensibilisation ou irritation cutanée n’est observée ; au niveau oculaire, l’application de nicotine pure est à l’origine d’une légère irritation. 

    De manière générale, les études de toxicité aiguë sont anciennes et ne suivent pas de lignes directrices : les DL50 par voie orale sont comprises entre 3 et 24 mg/kg chez la souris et entre 50 et 188 mg/kg chez le rat. Dans l’étude la plus récente, une DL50 de 70 mg/kg a été déterminée chez le rat.

    Par voie cutanée, une DL50 de 140 mg/kg est mentionnée chez le rat et une de 50 mg/kg chez le lapin, mais sans aucune autre information complémentaire [1].

    une CL50 de 2,31 mg/L a été déterminée chez des rats exposés à un aérosol de solution de nicotine, pendant 20 minutes (diamètre moyen des gouttelettes entre 1,69 et 3,55 µm, pH de la solution : 7,4 et 8), ce qui correspond à une CL50 pour 4 heures de 0,19 mg/L (utilisation d'un facteur 12 pour l'extrapolation de 20 min à 4 heures) [22].

    La nicotine est un agoniste des récepteurs nicotiniques de l’acétylcholine présents au niveau du système nerveux central [18]. Les effets de la nicotine sur le système nerveux ont été étudiés chez la souris, à la suite d’injections intra-péritonéales de 0-0,05-0,4 et 0,8 mg/kg [23]. L’activité des souris est inchangée 5 à 15 min après l’injection de 0,05 mg/kg de nicotine et augmente 15 à 25 min après l’injection ; à la plus forte dose, l’activité des souris est fortement réduite 5 à 15 min après l’injection, avant de revenir à la normale après 30 min.

    Irritation, sensibilisation [24]

    Aucun potentiel de sensibilisation n’est mis en évidence dans un test de stimulation des ganglions lymphatiques réalisé chez la souris, après l’application de 12,2 – 24,4 ou 48,8 mg/kg pc/j pendant 3 jours (acétone/huile olive 4:1 v/v). Au cours de ce même essai, les oreilles des souris exposées à 12,2 et 24, 4 mg/kg pc/j de nicotine ne présentent pas d’érythème, 6 jours après l’arrêt des applications, tandis qu’à à la plus forte dose, un très léger érythème est rapporté par les auteurs, réversible en 6 jours.

    L’irritation oculaire a été évaluée in vitro par le test d’opacité et de perméabilité de la cornée bovine. Après l’application de 750 µL de nicotine pure sur la cornée pendant 10 min, un score d’irritation in vitro compris entre 25 et 33 a été calculé, signe d’effets sur la cornée (mais ce score est inférieur à la limite de classification des substances irritantes oculaires i.e. 55 selon les critères du SGH pour les dommages oculaires). 

    Toxicité subchronique, chronique

    Très peu d’informations sont disponibles concernant la toxicité chronique de la nicotine chez l’animal. Le foie est le principal organe cible mais des effets sur les reins ou les os sont aussi observés, ainsi qu'une perte d'appétit. 

    A la suite de l’administration quotidienne de nicotine à des rats par voie orale, pendant 4 semaines (gavage, 1 - 5 ou 10 mg/kg pc/j), une diminution du poids corporel est observée, ainsi qu’une diminution du poids moyen du foie (à toutes les doses) et des reins (seulement à 10 mg/kg pc/j). Les dosages biochimiques réalisés montrent une augmentation des taux d’α-glutathion-S-transférase (à 5 et 10 mg/kg pc/j) et d’aspartate amino transférase (ASAT) (à 10 mg/kg pc/j), marqueurs sériques de toxicité hépatique. De même, le taux d’urée sanguine, marqueur de toxicité rénale, augmente chez les animaux exposés à 10 mg/kg/j de nicotine [16].

    Dans une étude de toxicité subaiguë, du tartrate de nicotine a été administré via l’eau de boisson, à des rates pendant 10 jours (1,25 et 2,5 mg/kg pc/j). Des effets hépatiques sont rapportés à la plus forte dose : changements lipidiques, nécrose focale modérée et apparition d’une coloration noire des hépatocytes, signe de dégénérescence [25]. A partir de ces effets, la NOAEL est de 1,25 mg/kg pc/j. Une diminution de la prise de poids et une hyperplasie de l’urothélium sont observées à la suite de l’administration de tartrate de nicotine, via l’eau de boisson, à des rats et des souris pendant 4 semaines (respectivement 4,2 et 71 mg/kg pc/j) [26].

    Des souris ont été exposées pendant 21 jours à 1 mg/kg pc/j de nicotine, par voie intra-péritonéale. Un effet prothrombotique significatif est mis en évidence dans le cerveau des souris exposées. Au niveau du foie, une thrombose intravasculaire est observée, de même qu’une inflammation portale et une augmentation des niveaux en transaminases (ASAT et ALAT). Les poumons présentent des hémorragies, des nécroses et une infiltration de macrophages et de neutrophiles [27].

    Une revue récente a recensé de nombreuses études rapportant des effets négatifs de la nicotine sur la prolifération des ostéoblastes et la réparation des fractures [28]

    Une diminution de la consommation de nourriture et d’eau est notée les 5 jours suivants la pose d’implants sous-cutanés à des rats, délivrant 3,4 mg de nicotine par jour, pendant 14 jours ; un retour progressif à la normale est constaté les jours suivants, avant une hyperphagie observée dès le retrait des implants [29]. Cet effet est aussi rapporté à la suite d’injections intraveineuses de nicotine (rat, 12 mg/kg/j, pendant 10 jours) [30].

    Effets génotoxiques

    Aucun potentiel génotoxique n’est mis en évidence pour la nicotine in vitro.

    Très peu d’informations sont disponibles. In vitro, des résultats négatifs sont rapportés pour la nicotine et ses métabolites, dans des tests d’Ames, réalisés avec ou sans activation métabolique [24] ; aucun échange de chromatide sœur n’est observé dans des cultures de cellules ovariennes de hamster [2]

    Effets cancérogènes [31]

    A ce jour, très peu d’informations sont disponibles concernant la cancérogénicité de la nicotine chez l’animal. Seuls des sarcomes au niveau des muscles sont rapportés suite à des injections sous-cutanées.

    Une étude récente met en évidence une augmentation de l’incidence de sarcomes des muscles lisses chez la souris, à la suite d’injections sous-cutanées de tartrate de nicotine, 5 jours par semaine, pendant 24 mois (3 mg/kg pc/j).

    Effets sur la reproduction

    La nicotine serait à l’origine d’une diminution de la fertilité chez les souris mâles. Quelle que soit la voie d’exposition, des effets embryotoxiques, foetotoxiques et tératogènes sont rapportés. De manière générale, les études de toxicité sur la reproduction sont anciennes et ne suivent pas toujours les lignes directrices.

    Fertilité

    Une baisse de la fertilité est rapportée chez des souris mâles, exposées à 2 mg/kg pc/j de nicotine pendant 2 jours (période de traitement non précisée), par voie orale : selon les auteurs, cette baisse serait due à une diminution du nombre de spermatides et de spermatogonies [32].

    Développement

    Par voie orale chez le rat, un ralentissement de la croissance, des changements biochimiques et une augmentation de l’activité des nouveau-nés (59,4 mg/kg pc/j, pendant toute la durée de la gestation) sont observés, sans plus de détails sur les types d’effets [2].

    Chez la souris, une étude ancienne rapporte des malformations du squelette et, occasionnellement des fentes palatines chez les nouveau-nés, à la suite d’injections de nicotine du 9ème au 11ème jour de gestation (25 mg/kg, voie d’injection non précisée)[32].

    Des patchs contenant 3,5 ou 1,75 mg de nicotine ont été appliqués quotidiennement, sur le dos de rates gestantes, du 2ème au 19ème ou du 2ème au 7ème jour de gestation. Concernant les animaux exposés du 2ème au 19ème jour, aucune gestation n’a été menée à terme chez les femelles exposées à 3,5 mg/j et seulement 45 % arrivent à terme chez les femelles exposées à 1,75 mg/j. A la suite des expositions du 2ème au 7ème jour, seules 50 % des gestations sont menées à terme chez les femelles exposées à 3,5 mg/j, la nicotine perturbant probablement la phase de pré-implantation [33]. A partir de ces données, une LOAEL de 1,75 mg/j a été déterminée.

    Des rats ont été exposés à de la fumée de cigarette (concentration en particules en suspension : 1 mg/m3 ; concentration plasmatique en nicotine mesurée 11 +/- 8 ng/ml) en chambre d’exposition, du 3ème au 11ème jour de gestation, 6 heures/jour. Une baisse du nombre d’implantations et du nombre de nouveau-nés vivants par portée est observée [33].

    Des injections sous-cutanées de nicotine (2-4 ou 6 mg/kg pc/j), réalisées durant toute la durée de gestation de rates, sont à l’origine, chez les nouveau-nés, d’une diminution du poids corporel moyen et d’une augmentation dose-dépendante des taux de différents marqueurs sériques de l’inflammation (tels que l’interleukine-6 ou le facteur de nécrose tumorale TNF-α)[34].

    D’après des données récentes, l’exposition de rates à la nicotine durant toute la gestation et la lactation (injection sous-cutanée de 1 mg/kg pc/j de bitartrate de nicotine) favoriserait le développement, chez les nouveau-nés mâles, de perturbations métaboliques à type d'obésité, de diabète de type 2, d'hypertension ou d’hypertriglycéridémie [35 à 37]. De plus, chez la souris, des troubles cognitifs ont été mis en évidence chez les nouveau-nés, à la suite d’expositions à 200 µg/ml de nicotine, administrée via l’eau de boisson pendant la gestation (du 1er au 13ème jour ou du 13ème au 20ème ou toute la gestation) et les 7 premiers jours de la lactation, les mâles étant plus sensibles que les femelles [38]

  • Toxicité sur l’Homme

    L’intoxication aigue par la nicotine peut entrainer des signes cliniques non spécifiques et peut aller jusqu’à provoquer le décès du sujet. L'inhalation de vapeurs ou le contact cutané peuvent également provoquer des symptômes généraux non spécifiques. Une irritation oculaire est notée. Les patchs de nicotine pourraient être responsables d’allergies de contact. Les expositions répétées peuvent favoriser des effets cardiovasculaires. Aucune donnée n’est disponible pour les effets génotoxiques ou cancérogènes. Les données sur d'éventuels effets sur la reproduction ne permettent pas de conclure. 

    Les données rapportées dans cette fiche concernent uniquement l’adulte. Les données disponibles chez l’homme comportent de nombreuses limites et sont difficiles à interpréter, notamment en raison de la différence de sensibilité à la nicotine (entre fumeurs et non-fumeurs par exemple), des variations inter-individuelles de toxicocinétique, du manque de données permettant d’évaluer la dose interne absorbée, de co-expositions fréquentes, etc…

    Toxicité aiguë

    Plusieurs cas d’intoxications fatales avec de la nicotine ont été rapportés à la suite d’intoxications accidentelle ou volontaire, essentiellement par ingestion, chez l’homme adulte . Quand ils sont disponibles, les taux sanguins de nicotine observés après le décès sont très variables.

    La dose létale de nicotine pour l’homme a longtemps été estimée à 0,6 - 0,85 mg/kg (soit 40 - 60 mg) [1]. En 2014, Mayer considère qu’une concentration sanguine de nicotine de 2 mg/L (4 mg/L de plasma) serait la concentration létale minimale pour l’homme. En tenant compte de la biodisponibilité orale et de la cinétique (considérée linéaire), l’auteur estime que 6,5 à 13 mg/kg de nicotine ingérée correspondrait à la plus basse dose létale de nicotine ; cette valeur est plus de 10 fois supérieure à la valeur estimée jusqu’ici [1, 39].

    Un cas d’intoxication fatale est rapporté après ingestion d’une grande quantité de nicotine liquide ; les niveaux de nicotine sérique étaient de 13,6 mg/L, et le sujet est décédé 64 heures après l'ingestion. Il a été estimé que plus de 71 mg/kg (soit 5 000 mg) de nicotine avaient été ingérés [40].

    La dose de nicotine ingérée via une cigarette est difficile à estimer compte tenu de la disparité des teneurs en nicotine selon le type de tabac, la marque de cigarettes, etc. La concentration de nicotine dans une cigarette est estimée entre 6 et 30 mg [1].

    Des signes cliniques non spécifiques (douleurs abdominales, nausées, palpitations, céphalées, vertiges, vomissements, hypertension) sont décrits dans des rapports de cas suite à l’ingestion de nicotine en solution (estimée à 21 mg soit environ 0,3 mg/kg) ou d’une capsule de liquide de cigarette électronique (contenant 180 mg de nicotine). Aucun symptôme n’est décrit suite à l’ingestion de 20 mL d’une solution contenant 18 mg de nicotine mais des symptômes sont apparus (douleurs abdominales, nausées) chez la même personne après ingestion de 1500 mg de nicotine en solution (21,5 mg/kg). Le statut tabagique du sujet n’est pas précisé [1].

    Un rapport décrit une intoxication volontaire non mortelle après ingestion d’environ 420 mg (soit 6 mg/kg) de nicotine en solution liquide. Le sujet a été pris de vomissements à trois reprises avant son admission aux urgences. La concentration sérique de nicotine était de 50 µg/L à 2 h et < 50 µg/L (non détectable) 4 h après l'ingestion[41]. Dans le cas d’une autre intoxication volontaire, la dose absorbée de nicotine était de 372 mg (30 mL de liquide pour e-cigarette) soit 6 mg/kg. Le sujet était conscient mais présentait des vomissements, des douleurs abdominales, une agitation et une dyspnée. Les concentrations sériques de nicotine étaient respectivement de 96 µg/L, 95 µg/L et non détectable à 1h30, 4h et 12h après l'ingestion [42].

    Certains auteurs ont rapporté des cas de personnes ayant survécu après avoir ingéré jusqu’à 2 g de nicotine (soit 28,5 mg/kg) [1].

    L’exposition par voie inhalatoire à la nicotine peut être responsable de vertiges, nausées ou vomissements chez des non-fumeurs après inhalation à des doses faibles mais non précisées. Les fumeurs deviennent très rapidement tolérants à ces effets [3].

    Un cas d’intoxication par injection intra veineuse de liquide pour e-cigarette a également été décrit chez un homme de 32 ans, ancien fumeur. La quantité injectée était de 128,8 mg (1,7 mg/kg). A l’admission, le sujet était inconscient et bradypnéique ; les concentrations sériques de nicotine étaient respectivement de 800 µg/L et 500 µg/L à 2h et 3h après l'injection ; et indétectable 7h après l'injection [42].

    Des symptômes généraux ont été mis en évidence suite à la projection de liquide de recharge pour cigarettes électroniques. Les symptômes observés ne sont pas précisés [43]. Cette voie d’exposition a également été rapportée après pulvérisation ou application d’insecticides contenant de la nicotine (interdits en Europe depuis 2008) sur la peau ou les vêtements (le rôle de l'exposition aux solvants additifs n’est pas discuté) et lors de contacts avec des feuilles de tabac en milieu professionnel [44]. La maladie du tabac vert, caractérisée par des vertiges, nausées, céphalées ou vomissements, est observée chez les travailleurs récoltant les feuilles de tabac. Cette dernière est attribuée à l'absorption cutanée de nicotine présente dans les feuilles [45 , 46].

    En contact direct avec l’œil, des solutions de recharge de cigarette électronique (contenant de la nicotine) utilisées par erreur ont entrainé une irritation importante, mais transitoire [43]. Cependant, ces solutions contiennent des impuretés (anatabine, anabasine, métaux…) et plusieurs autres substances chimiques (propylène glycol, glycérol, alcool, aromes...) susceptibles d’entrainer des irritations oculaires [47].

    Plusieurs publications allant de rapports de cas à une étude sur 180 fumeurs, ont montré que l’utilisation de patchs nicotiniques pouvait être responsable de sensibilisations et d’allergies de contact [49]. Le rôle des autres composants des patchs n’a pas toujours été rapporté.

    Toxicité chronique

    Le rôle de la nicotine dans les pathologies liées au tabac est possible mais le lien de causalité direct est difficile à déterminer en raison de l’exposition concomitante à de nombreuses substances nocives présentes dans le tabac et la fumée de tabac [3]. L’exposition chronique à la nicotine peut essentiellement favoriser la survenue de maladies cardiovasculaires [45, 48].

    Le tabagisme augmente le rythme cardiaque mais la courbe dose-réponse à la nicotine s’aplatit à des doses élevées. Dans une étude réalisée chez des fumeurs avec des cigarettes contenant 5 teneurs différentes en nicotine (entre 0,6 et 10,1 mg / cigarette), une augmentation de la fréquence cardiaque a été observée chez les fumeurs après une dose systémique de nicotine d'environ 0,004 mg/kg (soit 0,26 mg de nicotine pour une personne de 60 kg). L’aplatissement de la courbe dose-réponse peut s’expliquer par une tolérance des fumeurs aux effets cardiovasculaires de la nicotine[44, 50]. En effet, une grande différence de sensibilité à la nicotine existe entre fumeurs et non-fumeurs [1]

    La nicotine pourrait contribuer à la fois au processus d'athérosclérose et d'événements coronariens par plusieurs mécanismes : elle pourrait favoriser la maladie artérioscléreuse par ses actions sur le métabolisme des lipides et la coagulation par effets hémodynamiques et / ou en causant des lésions endothéliales. La nicotine augmente la fréquence cardiaque, la contractilité myocardique ainsi que la pression artérielle et, par conséquent, la consommation du myocarde en oxygène [3, 45, 51]. L’importance du rôle de la nicotine dans les lésions endothéliales, la thrombogenèse ou l’angiogenèse reste discutée [48].

    Elle peut également induire des spasmes coronariens par activation sympathique (libération de catécholamines) ou par inhibition de la prostacycline. La mort subite chez les fumeurs pourrait résulter de l'ischémie myocardique, combinée avec les effets arythmogènes des catécholamines libérées par la nicotine [3]. L’intoxication chronique à la nicotine est également possible via le tabac à mâcher ou les gommes à la nicotine.

    Effet perturbateur endocrinien : les données concernant les effets de la nicotine sur le système endocrinien sont insuffisantes à ce jour. Les effets de la nicotine sous formes de  gommes, patchs, cigarettes électroniques, etc (utilisés en thérapies de remplacement de la nicotine) sur les systèmes endocrinien (hormones de l’axe hypothalamo-hypophysaire, thyroïdiennes, pancréatiques…) et métabolique (obésité, diabète, dyslipidémie,..) ont été étudiés ; mais les données sont insuffisantes et la pertinence clinique des modifications hormonales observées ne permettent pas de conclure [36].

    Effets génotoxiques

    Les données de la littérature ne montrent pas de potentiel génotoxique chez l’homme pour la nicotine à la date de publication de cette fiche (novembre 2016).

    Effets cancérogènes

    Les données de la littérature ne montrent pas de potentiel cancérogène chez l’homme pour la nicotine à la date de publication de cette fiche (novembre 2016).

    Effets sur la reproduction

    Fertilité

    Aucune donnée sur la fertilité n’est disponible chez l’homme à la date de publication de cette fiche (novembre 2016).

    Effets sur le développement

    Les effets sur le développement de la nicotine sont incomplètement étudiés chez l'homme et ne permettent pas de conclure.

    Dans une étude sur 72 761 femmes enceintes, 1 828 ont déclaré avoir utilisé un substitut nicotinique au cours des 27 premières semaines de grossesse. De plus, 1 032 femmes ont déclaré avoir fumé et utilisé des substituts nicotiniques la même semaine pendant une ou plusieurs semaines durant les 2 premiers trimestres de grossesse. Les résultats ne montrent pas d’association entre la durée d’utilisation des substituts nicotiniques et le poids moyen de naissance ; seule une diminution du poids moyen de naissance (non significative) lorsque plusieurs substituts nicotiniques étaient utilisés simultanément pendant la grossesse est notée. Ces effets n’apparaîtraient que pour une dose élevée de nicotine (les doses de nicotine présentes dans les substituts nicotiniques utilisés par les femmes enceintes n’étaient pas connues) [37, 52].

    Dans une autre étude sur 1050 fumeuses enceintes, 521 ont été assignées au hasard à un traitement par substitut nicotinique (patch de 15 mg sur 16 heures/j pendant 4 semaines) et 529 à un placebo. A l’inclusion, les patientes étaient enceintes de 12 à 24 semaines. Les effets sur la grossesse et sur l’enfant à naitre (nombre de fausses couches, nombre d’enfants morts nés, prématurité, poids de naissance, anomalies congénitales et troubles du développement, etc.) étaient similaires dans les deux groupes. Il est difficile d’interpréter ces résultats devant l’observance faible des femmes : seulement 7,2% des femmes traitées par des patchs nicotiniques et 2,8% des femmes ayant le placebo ont utilisé des patchs durant plus d’un mois. Ces résultats suggèrent que les doses de nicotine n’étaient peut-être pas suffisamment élevées pour induire un effet sur la grossesse [37, 53].

    D’après une revue de littérature datant de 2015 incluant 9 études, les auteurs estiment que l’utilisation de substituts nicotiniques pour le sevrage tabagique pendant la grossesse (le plus souvent entre le 2eme et le 3eme trimestre au moment de l’inclusion) n’a pas d’impact sur l’enfant à naitre (nombre de fausses couches, nombre d’enfants morts nés, prématurité, poids de naissance, anomalies congénitales, etc.) [54].

    Une étude récente a évalué la relation entre anomalies congénitales majeures et exposition à un substitut nicotinique au début de la grossesse ou le fait de fumer. Les enfants des 2 677 femmes ayant été exposés à un substitut nicotinique (utilisé pendant  le mois précédant la conception ou au 1er trimestre de grossesse) ne montrent pas de risque accru d’anomalies congénitales par rapport à ceux des 9 980 femmes qui ont fumé pendant la grossesse (sans utilisation de substitut nicotinique) et des 179 841 non-fumeuses. A noter que les mères exposées aux substituts nicotiniques présentaient davantage de pathologies pré-existantes (asthmes et pathologies psychiatriques telles que dépression, anxiété, trouble bipolaire, schizophrénie et autres psychoses) que les mères fumeuses et non-fumeuses. Les auteurs estiment que la puissance statistique de cette étude reste limitée [55].

  • Interférences métaboliques
  • Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal
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