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Acétate de n-butyle

Fiche toxicologique n° 31

Sommaire de la fiche

Édition : Mars 2022

Pathologie - Toxicologie

  • Toxicocinétique - Métabolisme [1, 7]

    L’acétate de n-butyle est bien absorbé dans l’organisme, rapidement hydrolysé en n-butanol et acide acétique et exhalé dans l’air expiré sous forme de CO2.

    Chez l'animal

    L'acétate de n-butyle est absorbé par le tractus gastro­intestinal, les poumons, les yeux et la peau. L'injection intraveineuse, chez le rat, d'acétate de n-butyle radiomar­qué révèle une distribution systémique et une élimination sanguine (demi-vie = 0,41 min.) et cérébrale rapides. Il est hydrolysé, par les estérases présentes dans les poumons, la peau et le tractus gastro-intestinal, en acide acétique et n-butanol. Le n-butanol formé est rapidement métabolisé par l'alcool et l'aldéhyde déshydrogénases en acide buty­rique ; il n'est plus détectable dans le sang après 20 minutes. Les acides butyrique et acétique sont ensuite oxydés en CO2 par la voie du cycle de Krebs et exhalés dans l'air expiré. À la dose de 20 mg/kg per os, l'hydrolyse de l'acé­tate de n-butyle est complète, chez le rat, à 99 % en 2,7 minutes.

  • Mode d'actions
  • Toxicité expérimentale [1, 3, 7]
    Toxicité aiguë

    L’acétate de n-butyle est légèrement toxique pour l’animal par inhalation et quasiment non toxique par ingestion ou contact cutané. Des signes d'irritation des yeux et des voies respiratoires sont observés par inhalation. Ce n'est pas un sensibilisant cutané.

    Les effets toxiques aigus de l'acétate de n-butyle se mani­festent principalement par une dépression du système nerveux central à forte exposition orale ou inhalatoire. Après exposition par inhalation chez le rat, on note une hypoactivité, suivie de troubles neurologiques (tremble­ments, ataxie, troubles de l'équilibre), puis d'une narcose profonde et d'hypothermie à 8000 ppm ; une hypoacti­vité minime apparaît à 1500 ppm. D'autres auteurs rap­portent des résultats discordants, avec des CL50 de 160 à 391 ppm : dans une étude par inhalation chez le rat, 6 des 10 animaux exposés à 0,8 mg/L (168 ppm) pendant 4 heures décèdent dans un tableau de léthargie, hyperpnée, trem­blements et ataxie avec hyperhémie des poumons et hémorragies buccales et nasales à l'examen nécropsique. La méthodologie de ces études avec administration de l'acétate de n-butyle sous forme d'aérosol (parfois unique­ment par voie nasale), qui semble responsable de la mor­talité élevée, est cependant discutée.

    L'inhalation d'une atmosphère saturée en acétate de n-butyle à température ambiante, 17 h/j pendant 4 jours, ne provoque ni symptôme clinique ni létalité chez la souris. Après une exposition de 6 h/j pendant 6 jours (3100 à 4200 ppm), on note, chez la souris et le chat, une accou­tumance à l'irritation, un affaiblissement et une perte de poids. 

    Les cobayes, exposés par voie cutanée à 1 mL de produit pur (environ 800 mg), ne présentent ni modification macroscopique ou histologique de la peau ni modification morphologique du foie et des reins.

    Voie

    Espèce

    DL50/CL50

    Orale

    Rat

    10 736 à 14 130 mg/kg

    Orale

    Souris

    7060 mg/kg

    Orale

    Lapin

    3200 - 7437 mg/kg

    Orale

    Cobaye

    4700 mg/kg

    Inhalatoire

    Rat

    > 8000 ppm (38,3 mg/L)

    Inhalatoire

    Souris

    Cobaye

    Chat

    Chien

    10 350 à 14 078 ppm (50 à 68 mg/L)

    Cutanée

    Lapin

    > 17 600 mg/kg

    Tableau I. Toxicité de l'acétate de n-butyle.

     

    Irritation - Sensibilisation

    Chez le lapin, l'acétate de n-butyle (0,5 mL sous occlusion, 4 heures) est peu ou pas irritant pour la peau ; cependant, si la substance est laissée 24 heures sous occlusion, l'irritation est sévère. Instillé dans les yeux, il induit une opacité cornéenne réversible en 24 heures et une conjonc­tivite réversible en 7 jours. Chez la souris, la RD50 (dose provoquant une baisse de 50 % de la fréquence respira­toire) est de 3,5 à 8,3 mg/L, soit 737 à 1747 ppm, ce qui indique une irritation modérée des voies respiratoires supé­rieures ; cette valeur peut être faussée par l'effet dépresseur de l'acétate de n-butyle sur le système nerveux central.

    L'acétate de n-butyle n'est pas un sensibilisant cutané pour le cobaye (test de maximisation) ou la souris (essai du gonflement de l'oreille).

    Toxicité subchronique, chronique

    En cas d’expositions répétées, l’acétate de n-butyle irrite le tractus respiratoire et a un effet narcotique transitoire.
    Il n'y a pas de donnée sur les effets par voie orale.

    Par inhalation, l'acétate de n-butyle provoque, chez le rat (0,21 mg/L, 5 h/j, 5 j/sem. pendant 4 mois), une baisse du taux d'albumine et une augmentation de β- et ϒ-globulines et de β-lipoprotéines dans le sérum. Des rats, exposés pendant 13 semaines (500 - 1500 - 3000 ppm, soit 2,35 - ­7,05 - 14,1 mg/L, 6 h/j, 5 j/sem.), présentent une baisse de poids et de prise de nourriture aux deux plus fortes concentrations et du poids absolu de la rate et des pou­mons (mâles 3000 ppm), ainsi qu'une augmentation du poids absolu des testicules et des surrénales (1500 et 3000 ppm). Des signes d'irritation nasale et une nécrose de l'épithélium olfactif sont notés aux fortes concentra­tions. Une narcose temporaire minimale est observée pendant l'exposition, suivie d'une récupération rapide après exposition, sans effet cumulatif. La NOAEC est de 500 ppm.

    Effets génotoxiques

    L’acétate de n-butyle est dépourvu d’effets mutagènes in vitro.

    In vitro, les tests de génotoxicité effectués avec l'acétate de n-butyle sont négatifs : test d'Ames sur Salmonella typhimurium, induction d'aneuploïdie chez Saccharomyces cerevisiæ (2,5 à 4 mg/mL), induction d'aberrations chromosomiques dans les fibroblastes de hamster chinois (jusqu'à 2 mg/mL).

    Il n'y a pas de test, pratiqué in vivo avec l'acétate de n-butyle, disponible dans la littérature ; les résultats des tests de clastogénicité et de micronoyau, effectués après exposition de la souris au n-butanol par voie orale (2000 mg/kg), sont négatifs.

    Effets cancérogènes

    Il n'existe pas de donnée disponible dans la littérature sur l'effet cancérogène de l'acétate de n-butyle.

    Effets sur la reproduction

    L'acétate de n-butyle ne modifie pas les capacités de repro­duction du rat. Il est embryotoxique en présence de toxicité maternelle.

    Fertilité

    Chez le rat mâle (0 - 500 - 1500 - 3000 ppm, 6 h/j, 5 j/sem. pendant 13 semaines), l'exposition n'induit pas de modifi­cation de nombre des spermatides dans les testicules ou des spermatozoïdes dans l'épididyme par rapport au groupe témoin. L'accouplement et les performances reproductrices ne sont pas affectés par une exposition des femelles (1500 ppm, 7 h/j, 5 j/sem. pendant 3 semaines avant accouplement et du 1er au 16e jour de gestation).

    Développement [1, 7-9]

    Chez le rat, (inhalation, soit 1500 ppm, 7 h/j du 1er ou du 7e au 16e jour de gestation, ou 5 j/sem. 3 semaines avant accouplement puis 7 h/j du 1er au 16e jour de gestation), il provoque une toxicité maternelle (baisse de la prise de poids, de la prise de nourriture et du poids absolu du foie, ainsi qu'une augmentation du poids relatif des reins et des poumons), mais ne modifie ni le taux d'accouplement ou de reproduction, ni la mortalité intra-utérine. Le poids et la taille des fœtus ainsi que le poids du placenta sont diminués, indépendamment de la durée ou du moment de l'exposition. Des malformations mineures (dysmor­phies des côtes) sont décrites lors de l'exposition du 1er ou du 7e au 16e jour de gestation ainsi que des variations squelettiques (retard de l'ossification pelvienne) ; ces ano­malies ne sont pas observées lorsque les rats sont exposés également pendant la période pré-gestationnelle. Une augmentation de l'incidence de dilatation des uretères est notée dans le groupe exposé avant et pendant la gesta­tion.

    Des résultats similaires sont rapportés dans une autre étude chez le rat (inhalation, 0 - 500 - 1000 - 2000­ - 3000 ppm, 6 h/j du 6e au 20e jour de gestation). Une toxi­cité fœtale avec diminution du poids des fœtus apparaît aux deux concentrations les plus élevées, responsables également de toxicité maternelle (baisse de gain pondé­ral, réduction de la prise de nourriture). Plusieurs varia­tions externes et viscérales sont rapportées sans relation dose-effet. Il n'y a pas de malformations dose dépendantes observées. Les auteurs concluent à l'absence d'effets spé­cifiques pour le développement de l'acétate de n-butyle. Chez le lapin (1500 ppm, 7 h/j, du 1er ou du 7e au 19e jour de gestation), une étude sur le développement a montré une diminution de la prise de nourriture chez les mères et une augmentation de certaines anomalies mineures : plis­sement de la rétine, mauvais alignement des sternèbres et remplacement de la bile par un liquide clair dans la vési­cule biliaire (considéré comme une variation) ; la significa­tion physiologique de ces anomalies est incertaine. Aucune malformation majeure n'est observée.

  • Toxicité sur l’Homme

    L'acétate de n-butyle peut entraîner une irritation des muqueuses respiratoires et oculaires à partir de 200­ - 300 ppm. A des concentrations plus élevées, il peut avoir un effet dépresseur du système nerveux central avec cépha­lées, vertiges, asthénie, sensation d’ébriété et troubles de conscience. Les esters aliphatiques saturés ne semblent pas exercer de toxicité cumulative systémique. Cependant, il existe peu de données épidémiologiques sur la toxicité chronique de l'a­cétate de n-butyle.

    La toxicité de l'acétate de n-butyle chez l'homme a fait l'objet de peu de publications pertinentes. Son usage étant le plus souvent associé à celui d'autres solvants organiques, il est difficile de relier les observations aux effets du seul acétate de n-butyle. Il est à noter que cer­taines publications utilisent la dénomination « acétate de butyle » sans préciser s'il s'agit du n-isomère.

    Toxicité aiguë [10-15]

    Une étude expérimentale réalisée chez 24 sujets sains a évalué les effets irritants de l'acétate de n-butyle lors de séances d'exposition par voie respiratoire à diverses concentrations : 350, 700, 1050 et 1400 mg/m3 (72, 145, 217 et 290 ppm respectivement) pendant 20 minutes, 70 et 1 400 mg/m3 (14 et 290 ppm) pendant 20 minutes et 70 et 700 mg/m3 pendant 4 heures. Des résultats positifs sont observés pour quelques paramètres étudiés seule­ment : cotation plus importante de certains effets irritants perçus dans les deux dernières conditions expérimentales aux concentrations supérieures, diminution de l'épaisseur du film lipidique de la cornée lors de l'essai de 4 heures aux deux concentrations par rapport à l'état de base (sans différence significative entre les deux concentrations tes­tées), tendance à l'augmentation de la rougeur conjoncti­vale en fonction de la durée et de l'intensité de l'exposition, augmentation de la réponse bronchique au test à la métacholine réalisé avant et après les deux der­niers essais (absence de comparaison en fonction du niveau d'exposition). Les auteurs concluent à l'existence d'un potentiel irritant faible du solvant.

    Une atteinte collective a été rapportée en France dans un atelier de montage et de finition d'une fabrique de chaus­sures. Vingt-trois ouvriers sur 24 présentaient des lésions oculaires se manifestant soit par de simples irritations conjonctivales, soit dans la plupart des cas par une inflam­mation nettement caractérisée avec rougeur, larmoie­ment et œdème palpébral, traduisant une conjonctivite aiguë. Quelques-uns des sujets présentaient également de légères ulcérations de la cornée. Il n'a pas été noté de symptômes cutanés ou respiratoires associés et l'évolu­tion a été favorable en quelques jours. L'enquête a pu éli­miner différentes causes possibles et mettre en évidence la responsabilité d'un mélange contenant deux tiers d'a­cétate d'éthyle et un tiers d'acétate de n-butyle utilisé sur un poste de lustrage situé sous une buse de chauffage à air pulsé.

    Une équipe italienne a rapporté un cas d'intoxication aiguë chez un ouvrier de 33 ans au cours d'une opération de nettoyage de cuve avec une préparation contenant 26 % de xylènes, 48 % d'acétate de butyle et 26 % d'acétate d'éthylène glycol (exposition estimée à 4000 ppm de xylènes, 7500 ppm d'acétate de butyle et 100 ppm d'acétate d'éthylène glycol). Le sujet a présenté une irritation conjonctivale et des voies respiratoires hautes, une som­nolence et de discrets troubles de la coordination motrice, résolutifs en 5 heures. La symptomatologie est attribuée à une intoxication mixte par les xylènes et l'acétate de butyle, avec possible effet synergique responsable des effets neurologiques.

    Toxicité chronique [4, 10-12, 16-19]

    Des signes à type d'irritation conjonctivale, toux et sensa­tion de constriction thoracique ont été rapportés chez des salariés exposés de manière chronique à l'acétate de n-butyle. En cas de contact cutané répété, on peut observer des dermatites irritatives.

    Une seule publication ancienne décrit un cas de dermatite de contact allergique à l'acétate de butyle avec test épicutané positif (acétate de butyle à 5 %) chez un employé d'une usine pharmaceutique.

    Les effets à type d'anémie ou d'anomalies hépatiques mentionnés dans certaines études anciennes ne sont pas rapportés dans les publications plus récentes. Ainsi, les valeurs des enzymes hépatiques, en particulier des trans­aminases, ne sont pas différentes dans un groupe de 47 ouvriers de l'industrie de la peinture par rapport au groupe témoin, ni associées aux niveaux d'exposition aux solvants étudiés seuls ou en association [exposition à de multiples solvants, majoritairement aux xylènes et au toluène ; 31 sujets exposés à l'acétate de n-butyle à une concentration médiane de 9 mg/m3 (1 - 1680)].

    Des cas de kératite vacuolaire sont décrits chez des sala­riés exposés à un mélange de vapeurs d'acétate de butyle et d'isobutanol, mais avec une incertitude sur la respon­sabilité d'un des solvants en particulier.

    L'acétate de n-butyle participe probablement à la surve­nue du psychosyndrome organique dû aux solvants : irri­tabilité, troubles de la concentration, troubles du sommeil, troubles de la mémoire et baisse de l'efficience intellectuelle. Des études montrent en effet des perturba­tions de certains tests psychométriques, mais la part rela­tive de responsabilité de l'acétate de n-butyle n'est pas connue, les sujets étant exposés à des mélanges de sol­vants.

    Effets génotoxiques [20]

    Une étude comparant un groupe de 17 travailleurs dans 7 entreprises différentes de l'industrie de la peinture expo­sés à divers solvants organiques dont l'acétate de n-butyle (13 salariés exposés à une concentration de 7 à 1676 mg/m3, avec une valeur moyenne de 14 mg/m3) à un groupe témoin, n'a pas mis en évidence d'augmenta­tion de la fréquence des échanges de chromatides sœurs dans les lymphocytes circulants.

    Effets cancérogènes

    Aucune donnée n’est disponible chez l’homme à la date de publication de cette fiche toxicologique.

    Effets sur la reproduction

    Il n'existe pas de donnée disponible dans la littérature concernant les effets sur la reproduction chez l'homme de l'acétate de n-butyle. Cependant, un effet « famille » des solvants organiques est à considérer. Les études épidé­miologiques ont montré, pour des expositions à de fortes concentrations aux solvants organiques en général, une augmentation des avortements ou un risque de petits poids à la naissance.

  • Interférences métaboliques
  • Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal
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