Pathologie - Toxicologie
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Toxicocinétique - Métabolisme [2, 4, 6]
Le phosphate de tributyle est bien absorbé par toutes les voies, il est rapidement éliminé de l’organisme après métabolisme hépatique. Il possède une faible activité d’inhibition des cholinestérases.
Chez l'animal
Chez le rat, l’absorption digestive du phosphate de tributyle est relativement importante puisqu’on retrouve, dans les urines, plus de 50 % d’une dose orale unique dans les 24 heures qui suivent l’administration.
Le passage cutané du phosphate de tributyle a été démontré chez le cochon. L’absorption pulmonaire du phosphate de tributyle n’est pas connue.
Après administration orale chez le rat, la substance a été localisée dans le tube digestif, le sang et le foie.
Chez le rat mâle, l’administration d’une dose unique de phosphate de tributyle par voie intrapéritonéale ou orale conduit, par oxydation des chaînes butyles, à la formation de métabolites inégalement hydroxylés. Les phosphates hydroxybutylés peuvent subir une désalkylation oxydative; les restes hydroxyalkylés sont alors éliminés sous forme d’acides mercapturiques après conjugaison avec le glutathion (dérivés N-acétylalkylcystéine).
L’excrétion est rapide et essentiellement urinaire. Chez le rat, après administration orale ou intrapéritonéale de phosphate de tributyle radiomarqué, sont excrétés dans les 24 heures, respectivement 50 et 70 % de la radioactivité dans les urines, 10 et 7 % dans l’air expiré et 6 et 4 % dans les fèces, tandis que 82 et 90 % de la radioactivité sont respectivement éliminés par ces différentes voies dans les 5 jours. Les principaux métabolites urinaires phosphatés identifiés chez le rat sont l’hydrogéno- phosphate de dibutyle, le dihydrogénophosphate de butyle et le phosphate de butyle et de bis(3-hydroxybutyle).
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Mode d'actions [5, 7, 8]
D’après les données expérimentales chez le rat et le poulet, on attribue au phosphate de tributyle un très faible pouvoir anticholinestérasique.
In vitro, le phosphate de tributyle entraîne un léger effet inhibiteur des cholinestérases plasmatiques humaines.
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Toxicité expérimentale
Toxicité expérimentale
Le phosphate de tributyle est nocif lors d’exposition aiguë et toxique en cas d’exposition répétée, les effets sont hépatiques, rénaux et vésicaux. Des effets neurologiques sont plus inconstamment retrouvés. Il n’a pas de potentiel génotoxique dans les essais réalisés in vitro ou in vivo.
Toxicité aiguë [2, 4]
La DL50 par voie orale est comprise entre 1390 et 3350 mg/kg chez le rat, 400 et 1240 mg/kg chez la souris et 1500 à 1800 mg/kg chez la poule.
La DL50 par voie cutanée chez le lapin est supérieure à 3100 mg/kg.
La concentration maximale de vapeur possible à atteindre à température ordinaire (4,2 mg/L) provoque la mort de 2 rats sur les 10 exposés pendant 4 heures. Une CL50 de 1,3 mg/L est obtenue chez la souris.
Irritation
L’application de phosphate de tributyle sur la peau du lapin provoque une irritation modérée à sévère; l’instillation oculaire entraîne une irritation moyenne à modérée chez le lapin.
Sensibilisation
Le phosphate de tributyle n’a pas montré de potentiel sensibilisant chez le cochon d’Inde.
Toxicité subchronique, chronique [4, 7-11]
Chez le rat, aucune manifestation de toxicité systémique n’est apparue après administration d’une dose orale de 420 mg/kg/j pendant 2 semaines. Par contre, l’administration orale de 130 et 460 mg/kg/j pendant 1 mois a entraîné une perte de poids et une mortalité de 20 et 60 % respectivement.
Des réactions diffuses à type d’hyperplasie de l’épithélium de la vessie, dont la réversibilité n’a pas été étudiée, ont été observées après administration à des rats (200 mg/kg/j, 5 j/sem, 18 sem ; 300 mg/kg/j, 5 j/sem, semaines 1 à 6, puis 350 mg/kg/j, 5 j/sem, semaines 7 à 18). Ces mêmes effets ont été retrouvés après administration quotidienne de phosphate de tributyle dans la nourriture pendant 90 jours à partir de 1000 ppm (environ 70 mg/kg/j) chez les rats mâles et de 5 000 ppm (environ 350 mg/kg/j) chez les rats femelles; des anomalies hépatiques (augmentation du poids du foie et des gamma glu- tamyltransférases) étaient également constatées à 5000 ppm chez les 2 sexes.
Des effets rénaux (élévation de l’urée sanguine et augmentation du poids des reins) ont été enregistrés chez le rat après administration dans la nourriture aux concentrations de 5000 ppm pendant 10 semaines et 10000 ppm pendant 10 semaines et 3 mois.
Après administration par gavage à des rats à la dose de 420 mg/kg/j pendant 14 jours, ont été observées une réduction de la vitesse de conduction du nerf de la queue dans une étude et des anomalies morphologiques du nerf sciatique (rétraction de la gaine de Schwann dans les fibres amyéliniques sans dégénérescence axonale) dans une deuxième étude, sans aucun symptôme neurologique clinique associé.
Aucune diminution des cholinestérases n’est notée lors des études par voie orale; une étude ancienne réalisée par inhalation chez le rat et le lapin rapporte une réduction de 33 % des cholinestérases après 3 mois d’exposition à une concentration de 13,6 mg/m3, cette variation reste constante jusqu’à la fin de la période d’administration (4 mois) puis revient à la normale un mois après la fin de celle-ci, aucun effet significatif n’est par contre rapporté à 5 mg/m3 [16].
Les effets du phosphate de tributyle sur les testicules (dégénérescence des tubes séminifères) n’ont été observés qu’occasionnellement dans une étude de courte durée et sont discutables.
L’aptitude du phosphate de tributyle à produire une neuropathie retardée, retrouvée avec certains esters orga- nophosphorés, a été étudiée chez le poulet (espèce animale la plus sensible pour ce type d’effet). Chez cette espèce, l’administration orale de 1,8 g/kg/j pendant 2 jours consécutifs et la répétition de ce traitement après 21 jours, n’a pas entraîné d’anomalies neurologiques cliniques, ni histologiques. Une étude plus récente réalisée à la même dose a montré les mêmes résultats.
De l’ensemble des études de toxicité à dose répétée par voie orale, il semble résulter que la NOEL est de 25 mg/kg/j avec des effets observés pour des doses 10 à 100 fois supérieures.
Effets génotoxiques [4, 15]
La plupart des tests de mutagenèse sur bactéries (Salmonella typhimurium et Escherichia coli) et sur cellules ovariennes de hamster chinois (HGPRT) sont négatifs. Une étude rapporte un test d’Ames positif sur les souches TA 1535 et TA 1538 de Salmonella typhimurium à fortes concentrations avec et sans activation métabolique.
In vitro sur cellules ovariennes de hamster chinois, on n’observe pas d’augmentation du nombre d’aberrations chromosomiques avec et sans activation métabolique.
In vivo après administration orale de phosphate de tributyle chez le rat, on ne constate pas d’augmentation du nombre d’aberrations chomosomiques dans les cellules de moelle osseuse.
Le test de létalité récessive liée au sexe chez la drosophile est négatif.
Effets cancérogènes [2]
Le phosphate de tributyle induit des tumeurs vésicales chez le rat et hépatiques chez la souris. Le mécanisme de ces tumeurs survenant à fortes doses est vraisemblablement non génotoxique. L’Union européenne a classé le phosphate de tributyle Cancérogène, catégorie 3.
Une étude sur 2 ans réalisée chez le rat aux doses de 200, 700 et 3 000 ppm dans la nourriture a montré des anomalies au niveau de la vessie : hyperplasie de l’épithélium, papillomes aux deux plus fortes doses et carcinomes à cellules transitionnelles à la plus forte dose principalement chez les mâles. La dose sans effet correspond à environ 10 mg/kg/j.
Chez la souris, après des expositions de 150, 1000 et 3500 ppm pendant 18 mois, seuls des adénomes hépatocellulaires ont été observés chez les rats mâles à la plus forte concentration (correspondant à environ 600 mg/kg/j).
Effets sur la reproduction [4, 12-14]
Le phosphate de tributyle ne provoque pas d’effet sur la reproduction.
Chez le rat, une étude sur deux générations aux concentrations de 200, 700 et 3 000 ppm dans la nourriture, n’a pas montré d’effet sur les fonctions de reproduction mais des effets à type de baisse de poids à la 1re et la 2e génération sont retrouvés seulement en présence d’effets toxiques chez les parents (3 000 ppm).
Deux études de tératogénicité n’ont pas montré d’effet tératogène lors d’administration par voie orale chez le rat du 6e au 15e jour de la gestation (jusque 750 mg/kg/j) et du 7e au 17e jour de la gestation (jusque 500 mg/kg/j), ni chez le lapin du 6e au 15e jour de la gestation (jusque 400 mg/kg/j). Des effets fœtotoxiques (baisse de poids fœtal, retard d’ossification) sont observés chez le rat à des doses toxiques pour les mères (300 et 750 mg/kg/j). Des effets embryotoxiques sont observés chez le lapin à des doses toxiques pour les mères (400 mg/kg/j).
Un faible pouvoir tératogène a été décrit sur l’embryon de poulet à forte dose.
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Toxicité sur l’Homme [2-4]
Les symptômes décrits lors d’exposition unique ou répétée sont essentiellement liés à une irritation locale.
Toxicité aiguë
Expérimentalement le phosphate de tributyle est un organophosphoré, faiblement inhibiteur des cholinestérases mais il n’a pas été rapporté de cas d’intoxication aiguë avec symptômes de type cholinergique et baisse des cholinestérases.
Le phosphate de tributyle est irritant pour la peau et les muqueuses oculaire et respiratoire. L’application de phosphate de tributyle concentré sous pansement occlusif a entraîné des brûlures cutanées immédiates chez tous les sujets ; à la concentration de 50 % pendant 24 heures sous pansement occlusif, un léger érythème réversible à la 24e heure est constaté chez 1 sujet sur 6 ; à 10 % pendant 24 heures sous pansement occlusif, aucun effet irritant n’était constaté.
Une étude sur 53 volontaires sains n’a pas montré de potentiel sensibilisant du phosphate de tributyle après application 1 jour sur 2 pendant 15 jours à des concentrations inférieures à 25 %.
Toxicité chronique
Les effets de l’exposition chronique au phosphate de tributyle sont peu documentés.
Des contacts cutanés répétés ou prolongés avec le produit peuvent entraîner des dermatoses irritatives.
Des travailleurs exposés à des concentrations de phosphate de tributyle de l’ordre de 15 mg/m3 (1,5 ppm) ont présenté des symptômes à type de céphalées et nausées.
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Interférences métaboliques
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Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal