Pathologie - Toxicologie
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Toxicocinétique - Métabolisme [2, 10]
Par voies orale et inhalatoire, le cyclohexane est absorbé en quasi-totalité. Par voie cutanée, l’absorption est variable en fonction de l’état de la substance. La distribution est rapide, avec une préférence pour les tissus adipeux. La voie principale de métabolisme est hépatique. L’élimination est essentiellement pulmonaire sous forme inchangée ou sous forme de CO2, après métabolisation complète. Le passage dans le lait maternel est possible.
Chez l'animal
Absorption
Par voie orale ou inhalatoire, le cyclohexane est absorbé en quasi-totalité.
Par voie cutanée, des rats ont été exposés soit à 1 mg/cm² (vapeurs pendant 6 heures), soit à 100 mg/cm² (liquide pendant 6 heures). Dans le 1er cas, les vitesses d’absorption étaient de 0,06 et 0,1 mg/cm²/h, respectivement pour les mâles et les femelles, ce qui représente une absorption de 40 à 60 % de la dose. Aucune différence entre les mâles et les femelles n’est mesurée avec le liquide : la vitesse moyenne d’absorption est de 0,65 mg/cm²/h, correspondant à 4 % de la dose appliquée [10].
Distribution
La distribution à tous les tissus est rapide avec une préférence pour les tissus adipeux (sans preuve d'accumulation). La demi-vie biologique dans le plasma et les tissus est comprise entre 10 et 15 heures (rat, voie orale).
Métabolisme
Le cyclohexane est rapidement métabolisé dans le foie. Chez le rat et le lapin, les métabolites identifiés sont le cyclohexanol, la cyclohexanone et le 1,2-cyclohexanediol. La répartition entre ces différents métabolites, les éventuels glucuro-conjugués et leur excrétion dépendent de la dose administrée et de l'espèce considérée.
Excrétion
Chez le rat, l'élimination du cyclohexane est essentiellement pulmonaire sous forme inchangée.
Chez le rat, suite à l’injection de 10 mg/kg pc de cyclohexane radiomarqué en intraveineuse, 54 à 83 % de la dose injectée sont exhalés inchangés en 24 à 72 heures respectivement, et moins de 0,5 % sous forme de cyclohexanone ou cyclohexanol. Dans les urines, le cyclohexanol et la cyclohexanone représenteraient 13 à 30 % de la dose administrée. Un profil d’excrétion similaire est retrouvé par voie orale (63 à 78 % de la dose exhalée inchangée et 0,1 - 0,6 % de cyclohexanol et cyclohexanone, 12 à 29 % sous forme de métabolites dans les urines ). Moins de 0,5 % de la dose initiale est détecté dans les fèces après 72 heures.
Chez l'Homme
La voie principale du métabolisme aboutit à la formation de 1,2-cyclohexanediol glucuronoconjugué (excrété à plus de 95 %) et de 1,4-cyclohexanediol excrété sous forme inchangée. Le rapport 1,2-/1,4-cyclohexanediol est indépendant de la dose et du sexe.
Comme chez l’animal, l’élimination est majoritairement pulmonaire sous forme inchangée ou de CO2, et dans une moindre mesure via les urines. On y retrouve principalement trois métabolites : le 1,2-cyclohexanediol, le 1,4-cyclohexanediol et cyclohexanol.
Chez l'homme, la demi-vie d'élimination du 1,2-cyclohexanediol est de 16 heures, celle du 1,4-cyclohexanediol est de 18 heures.
Le passage dans le lait maternel est également possible.
Surveillance Biologique de l'exposition
Le dosage du 1,2-cyclohexanediol total urinaire (libre et conjugué, après hydrolyse), en fin de poste et fin de semaine de travail, est à privilégier pour la surveillance biologique. Il s’agit du métabolite principal dont les concentrations urinaires sont bien corrélées aux concentrations atmosphériques de cyclohexane. Une accumulation est observée au cours de la semaine de travail.
Des valeurs biologiques d’interprétation (VBI) professionnelles sont établies par l’ACGIH et la Commission allemande DFG pour cet indicateur.
Les données sont moins nombreuses pour d’autres indicateurs biologiques d’exposition (cyclohexane et cyclohexanol urinaires, cyclohexane sanguin) et aucune VBI n’est disponible.
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Mode d'actions
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Toxicité expérimentale
Toxicité aiguë [10]
La toxicité aiguë du cyclohexane est faible et se manifeste par des effets dépresseurs, une irritation de la peau et des muqueuses.
Chez le rat, la DL50 par voie orale est très faible, comprise entre 6200 et 30400 mg/kg selon l’âge des rats. Les animaux présentent une dépression du système nerveux central, une salivation excessive, des diarrhées et une perte de poids.
Par voie cutanée, la DL50 est supérieure à 2000 mg/kg chez le lapin.
La CL50 n'a pas pu être déterminée ; toutefois, tous les lapins exposés durant 8 heures à une concentration de 18500 ppm ou à 26600 ppm pendant 1 heure meurent. Par inhalation, chez le rat, le cyclohexane peut provoquer des perturbations neurocomportementales dès 2000 ppm, qui se traduisent par une augmentation du temps de réponse mesuré au cours d’un test de discrimination. Ces effets augmentent progressivement en fonction de la dose (difficultés de concentration sur une tâche à effectuer, effets narcotiques, tremblements, troubles de l'équilibre...). Aucun effet n'a été observé à la dose de 400 ppm.
Irritation, sensibilisation
Le cyclohexane, comme de nombreux solvants, possède des propriétés dégraissantes. Un contact répété avec la peau favorise le développement progressif d'une irritation parfois sévère. Le cyclohexane est faiblement irritant pour les yeux et les voies respiratoires supérieures. Un test de Buehler chez le cobaye a donné des résultats négatifs.
Toxicité subchronique, chronique [12, 13]
La toxicité chronique du cyclohexane est limitée, elle n’est observée qu’à fortes doses et comprend essentiellement une légère toxicité hépatique, voire rénale (lapin).
Chez le rat et la souris, l’administration de cyclohexane par inhalation pendant 90 jours, à la concentration de 7000 ppm, provoque une diminution du gain de poids des animaux, en lien avec une perte d’appétence pour la nourriture, et une légère toxicité hépatique (augmentation du poids du foie et hypertrophie centrolobulaire). Aucun effet n'est observé à 2000 ppm.
Une partie des animaux de cette étude a fait l'objet d'une évaluation spécifique des éventuelles propriétés neurotoxiques du cyclohexane. Des tests d'activité neurologique fonctionnelle, d'activité motrice et des examens d'autopsie n'ont pas mis en évidence de neurotoxicité chronique. La diminution (à 2000 ppm) et l’absence de réponse à un stimulus sonore (à 7000 ppm) observées sont transitoires, probablement en lien avec la sédation des animaux pendant l’exposition à ces fortes concentrations [14]. La concentration sans effet neurologique est de 500 ppm.
Une étude plus ancienne chez le lapin montre qu'une concentration de 440 ppm, 8 h/j pendant 6 mois, n'entraîne aucune anomalie. Il faut une dose de 780 ppm, 6 h/j à 50 reprises, pour obtenir une altération modérée du foie et des reins (inflammation et changements dégénératifs). Dans une autre expérience, la concentration de 3300 ppm dans les mêmes conditions ne provoque aucune anomalie chez cet animal.
Effets génotoxiques [10]
Aucun effet génotoxique n’a été mis en évidence dans les tests réalisés.
In vitro
Il n'est pas mutagène dans un certain nombre d'essais in vitro, réalisés en présence et en absence d’activation métabolique : deux tests d'Ames, deux tests de mutation génique sur cellules de lymphome de souris, un test d'échange de chromatides sœurs sur cellules ovariennes de hamster chinois et un test de synthèse non programmée de l'ADN sur lymphocytes humains.
In vivo
Dans un test d'adduit à l'ADN sur E. Coli et un test d’aberrations chromosomiques sur moelle osseuse de rat (jusqu’à 1042 ppm, 6 h/j, 5 jours), certains résultats semblent douteux. Les effets non liés à la dose et de faible amplitude sont considérés comme non significatifs.
Un test de dominance létale chez la drosophile a donné des résultats négatifs.
Effets cancérogènes [10]
Même si très peu de données sont disponibles, le cyclohexane ne semble pas être cancérogène.
Une étude d'initiation-promotion réalisée chez la souris par voie cutanée a montré une faible activité promotrice mais aucune activité initiatrice [15].
Un test de transformation cellulaire (sur cellules SA7/SHE) donne des résultats négatifs [16].
Effets sur la reproduction [12, 13]
Le cyclohexane n’est pas toxique pour la reproduction. Seule une diminution du poids des nouveau-nés a été mise en évidence en présence de toxicité maternelle et sans effet sur la fertilité.
Fertilité
Une étude 2-générations, par inhalation, a été réalisée chez le rat (0-500-2000-7000 ppm, 6 h/j, 5 j/sem, pendant la période de pré-accouplement et d'accouplement pour les mâles ; les femelles étaient de plus exposées pendant la gestation et la lactation) [13]. Hormis une légère diminution du poids des nouveau-nés des générations F1 et F2 à 7000 ppm (différences observées entre les 7ème et 25ème jours post-partum au cours desquels les petits étaient uniquement nourris au lait maternel) en présence de toxicité maternelle, les paramètres de la fertilité n’ont pas été modifiés même à la plus forte dose testée (7000 ppm). De plus, aucun effet macroscopique ou microscopique n'a été observé sur les organes de la reproduction dans les études par administration répétée.
Développement
Chez le rat et le lapin, aucun effet n'a été relevé chez les petits à la plus forte dose testée (7000 ppm, du 7e au 16e jour de gestation chez le rat et du 6e au 18e chez le lapin) [13].
Des signes de toxicité maternelle ont été observés chez les rats à partir de 2000 ppm. A 7000 ppm, le nombre d'implantations a significativement diminué. Cet effet est en cohérence avec des pertes préimplantatoires et peut donc être considéré comme non lié au traitement puisqu'il n'y a pas eu de traitement pendant la période de pré-implantation. De plus, cet effet n'a pas été rapporté dans l'étude sur 2 générations de rats exposés aux mêmes doses [17]. Aucun effet sur le poids fœtal ou sur l'incidence des malformations externes, squelettiques et viscérales n'a été observé chez les rats.
Chez les lapins, aucune toxicité maternelle n'a été notée. Une diminution significative du nombre de corps jaunes a été rapportée à 2000 et 7000 ppm mais les auteurs ont considéré cette diminution comme une variation biologique normale (dans la gamme des données historiques). Aucun effet n'a été observé sur le poids fœtal et sur l'incidence des malformations externes, squelettiques et viscérales.
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Toxicité sur l’Homme
En cas d’exposition aiguë, le cyclohexane est dépresseur du système nerveux central et peu irritant pour la peau et les yeux. Il n’a pas été décrit d’effet du cyclohexane seul à la suite d’une exposition chronique.
Toxicité aiguë
Le cyclohexane appartient à la famille des solvants pétroliers distillant au-dessous de 300 °C. Cette famille présente des propriétés communes d’irritation cutanéo-muqueuse et de dépression du système nerveux central.
Aucun cas d'intoxication aiguë au cyclohexane n'est retrouvé dans la littérature ; toutefois lors d’une forte exposition par inhalation, comme tout solvant pétrolier distillant au-dessous de 300 °C, le cyclohexane pourrait être responsable de signes d’irritation respiratoire, de sensations d’ébriété, nausées, céphalées, sensations vertigineuses, levée d’inhibition, confusion, agitation, troubles de l’équilibre, coma [18].
En cas d’ingestion, une pneumopathie d’inhalation est possible, dont l’apparition est classiquement retardée.
Dans une étude menée chez des volontaires masculins, exposés à 7 jours d’intervalle à des concentrations de 25 (86 mg/m3) puis 250 ppm (860 mg/m3) de cyclohexane pendant 4 heures, des plaintes subjectives telles que des céphalées, ou une sensation de gorge sèche étaient rapportées (plus fréquemment à la plus forte dose), et plus rarement des larmoiements et des sensations de picotements oculaires [19].
Toxicité chronique
Aucun effet chronique n’a été attribué à l’exposition au cyclohexane seul.
Une étude a comparé la vitesse de conduction nerveuse périphérique de témoins à celle de 18 ouvrières d’une usine de fabrication de bagages, exposées à une colle contenant majoritairement du cyclohexane. Les concentrations atmosphériques s’échelonnaient de 10 (34,4 mg/m3) à 384 ppm (1321mg/m3). Il n’a pas été mis en évidence de différence de vitesse de conduction nerveuse périphérique entre les 2 groupes [20].
Dans la même usine, une étude avait comparé 38 ouvrières exposées à cette colle à 9 témoins. La moyenne géométrique des concentrations atmosphériques était de 27 ppm (92,88 mg/m3), la valeur maximale de 274 ppm (942,56 mg/m3). Les taux d’hématies, de leucocytes, la concentration des enzymes hépatiques et la créatininémie n’étaient pas significativement différents entre les 2 groupes [21].
En cas d’exposition répétée, comme tout solvant organique, le cyclohexane pourrait être responsable de dermite d’irritation et de syndrome psycho-organique.
Effets génotoxiques
Une étude a comparé le taux d’échanges de chromatides sœurs dans les lymphocytes circulants de témoins à celui de 9 ouvrières d’une usine de fabrication de bagages, exposées à une colle contenant majoritairement du cyclohexane. Le tabagisme a été pris en compte. Il n’a pas été mis en évidence de différence significative entre les 2 groupes [21].
Effets cancérogènes
Aucune étude de cancérogénicité chez des travailleurs exposés au cyclohexane n’a été identifiée à la date de publication de cette fiche.
Effets sur la reproduction
Aucune étude de toxicité pour la reproduction chez des travailleurs exposés au cyclohexane seul n’a été identifiée à la date de publication de cette fiche.
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Interférences métaboliques
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Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal