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Trioxyde de chrome

Fiche toxicologique n° 1

Sommaire de la fiche

Édition : Mai 2019

Recommandations

En raison de la toxicité du trioxyde de chrome, des mesu­res sévères de prévention et de protection s’imposent et des exigences particulières sont à respecter lors de son stockage et de sa manipulation (cf. dispositions réglemen­taires du Code du travail relatives à la prévention du risque cancérogène, mutagène et toxique pour la reproduction).

Au point de vue technique

Information et formation des travailleurs

  • Instruire le personnel des risques présentés par la substance, des précautions à observer, des mesures d’hygiène à mettre en place ainsi que des mesures d’urgence à prendre en cas d’accident.
  • Former les opérateurs à la manipulation des moyens d’extinction (extincteurs, robinet d’incendie armé…).
  • Observer une hygiène corporelle et vestimentaire très stricte : Lavage soigneux des mains (savon et eau) après manipulation et changement de vêtements de travail. Ces vêtements de travail sont fournis gratuitement, nettoyés et remplacés si besoin par l’entreprise. Ceux-ci sont rangés séparément des vêtements de ville. En aucun cas les salariés ne doivent quitter l’établissement avec leurs vêtements et leurs chaussures de travail.
  • Ne pas fumer, vapoter, boire ou manger sur les lieux de travail.

 

Manipulation

  • N’entreposer dans les ateliers que des quantités réduites de substance et ne dépassant pas celles nécessaires au travail d’une journée.
  • Éviter tout contact de produit avec la peau et les yeux. Éviter l’inhalation de poussières et aérosols. Effectuer en système clos toute opération industrielle qui s’y prête. Dans tous les cas, prévoir une aspiration des poussières et aérosols à leur source d’émission, ainsi qu’une ventilation des lieux de travail conformément à la réglementation en vigueur [22].
  • Réduire le nombre de personnes susceptibles d'être exposées au trioxyde de chrome.
  • Éviter tout rejet atmosphérique de trioxyde de chrome.
  • Faire contrôler annuellement l’exposition atmosphérique des salariés au trioxyde de chrome par un organisme accrédité et s’assurer du respect de la ou des valeurs limites d’exposition professionnelle réglementaire(s) (§ Méthodes de détection et de détermination dans l’air).
  • Au besoin, les espaces dans lesquels la substance est stockée et/ou manipulée  doivent faire l’objet d’une signalisation [23].
  • Ne jamais procéder à des travaux sur ou dans des cuves et réservoirs contenant ou ayant contenu du trioxyde de chrome sans prendre les précautions d’usage [24].
  • Supprimer toute autre source d’exposition par contamination accidentelle (remise en suspension dans l’air, transfert vers l’extérieur ou contact cutané) en procédant à un nettoyage régulier des locaux et postes de travail.

 

Équipements de Protection Individuelle (EPI)

Le choix des EPI dépend des conditions au poste de travail et de l’évaluation des risques professionnels. Ils ne doivent pas être source d'électricité statique (chaussures antistatiques, vêtements de protection et de travail dissipateurs de charges) [25, 26]. Une attention particulière sera apportée lors du retrait des équipements afin d’éviter toute contamination involontaire. Ces équipements seront éliminés en tant que déchets dangereux [27 à 30].

  • Appareils de protection respiratoire : Leurs choix dépendent des conditions de travail ; si un appareil filtrant peut être utilisé, il doit être muni d’un filtre de type P3 lors de la manipulation de la substance [31].
  • Gants : Les matériaux préconisés pour un contact prolongé sont : caoutchouc butyle, polychlorure de vinyle, Viton®. D’autres matériaux peuvent également être recommandés pour des contacts intermittents ou en cas d’éclaboussure tels que le caoutchouc nitrile. Certains matériaux sont à éviter : caoutchoucs naturel et néoprène, alcool polyvinylique [32, 33].
  • Vêtements de protection : Quand leur utilisation est nécessaire (en complément du vêtement de travail), leurs choix dépendent de l’état physique de la substance. Seul le fabricant peut confirmer la protection effective d’un vêtement contre la substance. Dans le cas de vêtements réutilisables, il convient de se conformer strictement à la notice du fabricant [34].
  • Lunettes de sécurité : La rubrique 8 « Contrôles de l’exposition / protection individuelle » de la FDS peut renseigner quant à la nature des protections oculaires pouvant être utilisées lors de la manipulation de la substance [35].

 

Stockage

  • Stocker le trioxyde de chrome dans des locaux frais et sous ventilation mécanique permanente. Séparer le trioxyde de chrome des produits combustibles, réducteurs ou inflammables. Si possible, le stocker à l’écart des autres produits chimiques dangereux (voir § "Propriétés chimiques").
  • Prendre toutes les dispositions pour s’assurer de la compatibilité des matériaux des récipients de stockage avec le trioxyde de chrome (en contactant par exemple le fournisseur de la substance ou celui du matériau envisagé).
  • Fermer soigneusement les récipients et les étiqueter conformément à la réglementation. Reproduire l’étiquetage en cas de fractionnement.
  • Le sol des locaux sera imperméable et constitué de maté­riaux résistants à l'oxydation (pas de bois) et sera réalisé de façon à permettre le lavage et l'évacuation contrôlée des eaux de nettoyage.
  • Mettre à disposition dans ou à proximité immédiate du local/zone de stockage des moyens d’extinction adaptés à l’ensemble des produits stockés.

 

Déchets

  • Le stockage des déchets doit suivre les mêmes règles que le stockage des substances à leur arrivée (§ stockage).
  • Ne pas rejeter à l’égout ou dans le milieu naturel les eaux polluées par le trioxyde de chrome.
  • Conserver les déchets et les produits souillés dans des récipients spécialement prévus à cet effet, clos et étanches. Les éliminer dans les conditions autorisées par la réglementation en vigueur.

 

En cas d’urgence

  • En cas de déversement accidentel de trioxyde de chrome, le balayage et l’utilisation de la soufflette sont à proscrire. Récupérer le produit en l’aspirant avec un aspirateur industriel. Si le produit est en solution, le récupérer après l'avoir recouvert avec un matériau absorbant inerte (sable ou terre). Éloigner tout matériau combustible (bois, papiers, huile). Laver à grande eau la surface ayant été souillée [36].
  • Des appareils de protection respiratoires isolants autonomes sont à prévoir à proximité et à l’extérieur des locaux pour les interventions d’urgence.
  • Prévoir l’installation de fontaines oculaires et de douches de sécurité.
  • Si ces mesures ne peuvent pas être réalisées sans risque de sur-accident ou si elles ne sont pas suffisantes, contacter les équipes de secours interne ou externe au site.

Au point de vue médical

  • Lors des visites initiales et périodiques
    • Examen clinique : rechercher particulièrement une dermatose chronique ou récidivante, des troubles respiratoires et ORL, des troubles du tractus digestif supérieur ou une sensibilisation préalable au chrome
    • Examens complémentaires : l’examen clinique initial peut être complété par une radiographie pulmonaire et des épreuves fonctionnelles respiratoires (EFR) de base voire un bilan hépatique et rénal qui serviront d’examens de référence. La fréquence des examens médicaux périodiques  et la nécessité ou non d’effectuer d’autres examens complémentaires (radiographie de thorax, EFR, …) seront déterminées par le médecin du travail en fonction des données de l’examen clinique et de l’appréciation de l’importance de l’exposition.

 

  • Fertilité
    • Des difficultés de conception chez l’homme et/ou la femme seront systématiquement recherchées à l’interrogatoire.
    • Si de telles difficultés existent, le rôle de l’exposition professionnelle doit être évalué. Si nécessaire, une orientation vers une consultation spécialisée sera proposée en fournissant toutes les données disponibles sur l’exposition et les produits.

 

  • Femmes enceintes et/ou allaitantes
    • L’exposition au trioxyde de chrome doit être évitée pendant toute la grossesse et l’allaitement du fait de sa génotoxicité sur cellules germinales.

    • Il est conseillé de ne pas commencer une grossesse dans les trois mois suivant une exposition paternelle et/ou maternelle.

    • Rappeler aux femmes en âge de procréer l’intérêt de déclarer le plus tôt possible leur grossesse à l’employeur, et d’avertir le médecin du travail.

    • Si malgré tout, une exposition durant la grossesse se produisait, informer la personne qui prend en charge le suivi de cette grossesse, en lui fournissant toutes les données concernant les conditions d’exposition ainsi que les données toxicologiques.

 

  • Surveillance biologique de l’exposition
    • Les valeurs biologiques d’interprétation de la population professionnellement exposée concernent le plus souvent l'exposition au chrome VI et ne sont applicables que pour certaines expositions.
    • Le dosage du chrome urinaire en fin de poste et fin de semaine de travail est le paramètre à privilégier pour apprécier l’exposition au chrome. Des taux non nuls de chrome urinaire sont retrouvés chez des sujets non professionnellement exposés.
    • Le CES VLEP de l'ANSES recommande une valeur limite biologique (VLB) pour le chrome urinaire (basée sur une exposition au chrome hexavalent et à ses composés  à la VLEP-8h de 1 µg/m3)  de 2,5 µg/L (ou 1,8 µg/g. de créatinine) en fin de semaine. Cette valeur ne s'applique qu'au chrome hexavalent dans le secteur du chromage.
    • Le BEI (Biological Exposure Indice) de l'ACGIH a été fixé pour le chrome total urinaire à 25 µg/L en fin de poste et fin de semaine (augmentation de 10 µg/L au cours du poste), pour une exposition au chrome (VI), fumées solubles dans l'eau.
    • La valeur biologiques d’interprétation  finlandaise (BAL Biological Action Level) proposée, lors d'une exposition au chrome VI et ses composés inorganiques (quel que soit le type d'activité), pour le chrome urinaire est de 10,4 µg/L en fin de poste et fin de semaine avec une valeur cible de 0,52 µg/L (cette dernière est basée sur une DNEL (derived no-effect level) ou dose calculée sans effet).

 

  • Autres
    • Recommander aux porteurs de lentilles de contact d’utiliser des verres correcteurs lors des travaux où ils peu­vent être exposés à des aérosols acides.

 

Conduites à tenir en cas d’urgence

  • En cas de contact cutané, ​appeler immédiatement un SAMU. Retirer les vêtements souillés (avec des gants adaptés) et laver la peau immédiatement et abondamment à grande eau pendant au moins 15 minutes. Dans tous les cas consulter un médecin.
  • En cas de projection oculaire : appeler immédiatement un SAMU. Rincer immédiatement et abondamment les yeux à l’eau courante pendant au moins 15 minutes, paupières bien écartées ; en cas de port de lentilles de contact, les retirer avant le rinçage. Dans tous les cas consulter un ophtalmologiste, et le cas échéant signaler le port de lentilles 
  • En cas d'inhalation : appeler immédiatement un SAMU, faire transférer la victime par ambulance médicalisée en milieu hospitalier dans les plus brefs délais. Transporter la victime en dehors de la zone polluée  en prenant les précautions nécessaires pour les sauveteurs. Si la victime est consciente, la maintenir au maximum au repos. Si la victime est inconsciente, la placer en position latérale de sécurité et mettre en œuvre, s’il y a lieu, des manœuvres de réanimation. Si nécessaire, retirer les vêtements souillés (avec des gants adaptés) et commencer une décontamination cutanée et oculaire (laver immédiatement et abondamment à grande eau pendant au moins 15 minutes).
  • En cas d'ingestion : appeler immédiatement un SAMU ou un centre antipoison, faire transférer la victime en milieu hospitalier dans les plus brefs délais. Si la victime est consciente, faire rincer la bouche avec de l’eau, ne pas faire boire, ne pas tenter de provoquer des vomissements. Si la victime est inconsciente, la placer en position latérale de sécurité et mettre en œuvre, s’il y a lieu, des manœuvres de réanimation.
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